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ce qui convient à l'héritier d'un grand royaume, audessus desquels était Léonidas, parent de la reine, et d'une grande austérité de mœurs. Alexandre lui-même rapportait dans la suite que ce Léonidas, dans les voyages qu'il faisait avec lui, allait souvent visiter les coffres et les malles où l'on serrait ses lits et ses habits, pour voir si sa mère Olympias n'y aurait fait rien mettre de superflu et qui ne fût que pour la délicatesse et pour le luxe.

Le plus grand service que Philippe rendit à son fils fut de lui attacher Aristote, le plus célèbre et le plus savant des philosophes de son temps, à qui il confia pleinement le soin de son instruction. Une des raisons qui le portèrent à lui donner un maître de ce mérite in Apophth. et de cette réputation fut, disait-il, pour faire éviter à son fils bien des fautes où lui-même était tombé.

Philippe connut tout le prix du trésor qu'il avait dans la personne d'Aristote; il lui établit de gros appointements, et lui paya un autre salaire de ses peines encore plus glorieux; car, ayant ruiné et détruit la ville de Stagire 1, qui était la patrie de ce philosophe, il la rebâtit pour l'amour de lui 2, y rétablit les habitants qui s'en étaient retirés ou qui avaient été ré-' duits en servitude, et leur donna, pour le lieu de leurs études et de leurs assemblées, un beau parc au faubourg de Stagire. On y voyait encore, du temps de Plutarque, des siéges de pierre qu'Aristote y fit faire,

Ville de Macédoine, près du bord de la mer.

2 Il paraît que Philippe mourut avant d'avoir exécuté la promesse qu'il avait faite à Aristote de réta

blir sa patrie. On pense que ce fut
Alexandre qui acquitta, dans la suite,
cette promesse (STE-CROIX, Exa-
men critique, p. 196, 197). — L.

Plut.

pag. 178.

et de grandes allées d'arbres pour se promener à

l'ombre.

Alexandre, de son côté, ne marqua pas moins d'estime pour son maître, qu'il se croyait obligé d'aimer comme son propre père; car, disait-il, il était redevable à l'un de vivre, et à l'autre de vivre bien1. Les progrès du disciple répondirent aux soins et à l'habileté du maître. Il conçut une grande ardeur pour la philosophie, et en embrassa toutes les parties, mais avec la discrétion 2 qui convenait à son rang. Aristote s'appliqua à lui former le jugement, en lui donnant des règles sûres pour discerner un raisonnement juste et exact d'un autre qui n'en aurait que l'apparence, et en l'accoutumant à séparer tout ce qui peut éblouir dans un discours, du fond réel et solide qui en doit faire tout le prix. Il l'exerça aussi dans les connaissances qu'on appelle métaphysiques, qui peuvent être fort utiles à un prince s'il s'y applique avec mesure, et qui lui apprennent ce qu'est l'esprit de l'homme, combien il est distingué de la matière, comment il voit les choses spirituelles, comment il sent l'impression de celles qui l'environnent, et beaucoup d'autres questions pareilles. On juge bien qu'il ne lui laissa ignorer ni les mathématiques si propres à donner à l'esprit de la justesse et de l'exactitude, ni les merveilles de la nature dont l'étude, outre beaucoup d'autres avantages, montre combien toutes les recherches des hommes sont incapables d'arriver jusqu'aux principes secrets des choses dont ils sont tous les jours témoins. Mais

I

Ως δι' ἐκεῖνον μὲν ζῶν, διά τοῦτον δὲ καλώς ζῶν·

2 « Retinuit ex sapientia modum. » (TAC. [Agricola Vita, § 4.].)

la grande application d'Alexandre fut la morale, qui est, à proprement parler, la science des rois, parce qu'elle est la connaissance des hommes et de tous leurs devoirs. Il en fit une étude sérieuse et profonde, et la regarda, dès-lors, comme le fondement de la prudence et d'une sage politique. Combien croiton qu'une telle éducation peut contribuer à mettre un prince en état de se bien conduire lui-même et de bien conduire ses peuples!

Il n'y eut pas jusqu'à la médecine, dont il ne voulût s'instruire. Il n'en étudia pas la théorie seulement, mais aussi la pratique; et il marquait lui-même dans quelques lettres qu'il avait secouru plusieurs de ses amis dans leurs maladies, et leur avait ordonné les remèdes et les régimes dont ils avaient besoin.

Rhetor. ad

Alex.

Le plus habile maître de rhétorique qu'ait eu l'anti- Aristot. in quité, et qui nous en a laissé une si excellente, ne manqua pas d'y former son élève ; et nous voyons qu'Alexan- P. 608, 609. dre, dans le plus fort de ses guerres, le pressa plusieurs fois de lui envoyer un traité sur cette matière: c'est ce qui a donné lieu au livre intitulé, la Rhétorique à Alexandre 1, dans l'exorde duquel Aristote lui fait sentir de quel secours est pour un prince le talent de la parole, qui le fait régner sur les esprits par ses discours comme il doit le faire par sa sagesse et par son autorité. Quelques répliques et quelques lettres qui nous restent d'Alexandre montrent qu'il possédait parfaitement cette éloquence mâle et forte, pleine de sens et de choses, où tout est nécessaire, et dont tous les

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mots portent, qui est, à proprement parler, l'élodes princes'.

quence

Son estime, ou pour mieux dire sa passion pour Homère, nous fait voir non-seulement avec quelle ardeur et quel succès il s'appliquait aux belles - lettres mais l'usage sensé qu'il en faisait, et le fruit solide qu'il se proposait d'en tirer. Ce n'était pas simplement curiosité, ou délassement du travail, ou délicatesse de goût pour la poésie, qui le portaient à lire ce poëte: c'était pour y puiser des sentiments dignes d'un grand roi et d'un grand conquérant, le courage, l'intrépidité, la magnanimité, la tempérance, la prudence, l'art de bien combattre et de bien gouverner: aussi, entre tous les vers d'Homère, il donnait la préférence à celui qui représente Agamemnon 2 comme un bon roi, et comme un courageux guerrier.

Il n'est pas étonnant, après tout cela, qu'Alexandre ait fait un si grand cas de ce poëte. Quand, après la bataille d'Arbelles, on eut trouvé parmi les dépouilles de Darius une cassette d'or enrichie de pierreries, où étaient enfermés les parfums exquis dont usait le prince, ce héros, tout couvert de poussière, et peu curieux d'essences et de parfums, destina cette riche cassette à recevoir en dépôt les livres d'Homère, qu'il regardait comme la production de l'esprit humain la plus parfaite et la plus précieuse 3 qui eût jamais été. Il admirait sur-tout l'Iliade, qu'il appelait la meilleure provision d'un homme de guerre. Il eut toujours avec lui

2

I << Imperatoriâ brevitate.»> (TAC.)

"

Αμφότερον, βασιλεύς τ ̓ ἀγαθὸς,
κρατερός τ' αἰχμητής.

(Iliad. III, v. 179.)

3 « Pretiosissimum humani animi opus. » (PLIN. lib. 7, cap. 29.)

4 Τῆς πολεμικῆς ἀρετῆς ἐφόδιον. Ce mot, que je n'ai pu mieux tra

l'édition qui avait été revue et corrigée par Aristote, qu'on nommait l'édition de la cassette; et il la mettait toutes les nuits avec son épée sous son chevet.

I

lib. 20, c. 5.

Avide de toute sorte de gloire jusqu'à la jalousie, il Aul. Gell. sut mauvais gré à Aristote, son maître, d'avoir publié en son absence certains livres de métaphysique qu'il aurait voulu posséder seul; et, dans le temps même qu'il était occupé à la conquête de l'Asie et à la poursuite de Darius, il lui écrivit, pour s'en plaindre, une lettre que l'on a encore, où il lui marque, « qu'il <«< aimerait beaucoup mieux 1 être au-dessus des autres << hommes par la science des choses sublimes et excel<«< lentes, que par la grandeur et l'étendue de son pou<< voir. >> Il lui recommanda de même, par rapport au Arist. p. 609. livre de rhétorique dont j'ai parlé, de ne le communiquer à qui que ce fût. Il y a de l'excès, je l'avoue, dans cet avide desir de gloire qui le porte à vouloir étouffer le mérite d'autrui pour ne faire paraître que le sien mais on y voit au moins une ardeur : pour l'étude, bien louable dans un prince, et bien éloignée de l'indifférence, pour ne pas dire du mépris et de l'aversion que la plupart de nos jeunes seigneurs témoignent pour tout ce qui a rapport à l'étude et à la science.

Plutarque nous fait observer en trois mots l'utilité infinie qu'Alexandre tira de ce goût, que son maître, habile s'il en fut jamais en matière d'éducation, avait pris soin de lui inspirer dès sa tendre jeunesse. Il aimait1, dit-il, à converser avec les gens de lettres, à

duire, signifie qu'on trouve dans l'Iliade tout ce qui a rapport à la science militaire et aux qualités d'un général, en un mot tout ce qui est nécessaire pour former un bon commandant.

I

ἐγὼ δὲ βουλοίμην ἂν ταῖς περὶ τὰ ἄριςα ἐμπειρίαις, ἢ ταῖς δυνά μεσι, διαφέρειν.

2 Ην φιλολόγος, καὶ φιλομαθής, καὶ φιλαναγνώςης.

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