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vie ou qu'une série des vies nouvelles s'ouvre devant nous, pour que le bien s'accomplisse et s'achève et que Enfin, pour que le

la vertu ait son couronnement.

bonheur soit lié à la vertu comme son effet naturel et nécessaire, il faut qu'une cause intelligente et juste préside au cours des choses, que cette intelligence sache tout, sonde toutes les intentions et fasse à chacun selon ses œuvres. La croyance à cette intelligence suprême, Dieu, est le troisième postulat* de la conscience.

Par postulats, on le voit, Kant* désigne des vérités métaphysiques* qui ne se démontrent pas, mais dont la raison. a besoin. Il emprunte ce mot au langage de la géométrie, où il est, on le sait, des vérités à la fois indémontrables et indubitables, comme le postulatum d'Euclide *.

Conclusion de la morale de Kant*.. Le moraliste allemand aboutit à une conclusion digne de Pascal*, si l'on pouvait traduire dans la langue de Pascal l'admirable page que voici : « Deux choses, dit-il, remplissent l'âme d'une admiration et d'une vénération toujours nouvelles, toujours croissantes, à mesure que la réflexion s'y applique plus souvent et plus fortement: le ciel étoilé au dessus de moi, et la loi morale au dedans de moi. Ces deux choses, je n'ai pas le droit de les chercher et de les conjecturer seulement, comme cachées dans les ténèbres ou dans l'infini, en dehors de mon horizon je les vois devant moi, et je les rattache immédiatement à la conscience de mon existence. Le premier de ces spectacles, du point que j'occupe dans le monde extérieur emporte ma pensée dans l'immensité, à perte de vue, de mondes en mondes, de systèmes de mondes en systèmes de mondes, et la promène dans les temps sans limites que supposent les révolutions de ces mondes, leur commencement et leur durée. Le second me montre mon moi invisible, ma personnalité, placée au sein d'un monde à qui appartient la véritable infinitude *, qui n'est ouvert qu'aux explorations de la pensée, et avec lequel je me reconnais, non comme tout à l'heure en relation purement accidentelle, mais en relation universelle et né

cessaire. La première contemplation, celle d'une foule innombrable de mondes, anéantit pour ainsi dire mon importance, en tant que créature animale qui doit rendre la matière dont elle est faite à la planète (simple point elle-même dans l'univers), après avoir été un instant, et on ne sait comment, animée de force vitale. La seconde contemplation, au contraire, celle du devoir, élève à l'infini ma valeur comme être intelligent; car dans ma personnalité, la loi morale me révèle une vie indépendante de l'animalité, et même de tout le monde sensible, du moins autant qu'on peut l'inférer de la desnation finale assignée à mon existence par cette loi, laquelle n'est pas bornée aux conditions et limites de cette vie, mais porte jusque dans l'infini. »

Excellence de cette doctrine.

L'excellence de cette doctrine frappe tous les yeux. Elle nous offre à la fois une règle des actions: agir conformément à la loi, et une règle des intentions, c'est-à-dire de la moralité proprement dite agir par devoir et déployer toute la bonne volonté possible pour obéir à la loi. Elle a un caractère à la fois concret et abstrait, positif et idéal, comme il convient à une règle morale. Elle part des faits de conscience, procède par analyse psychologique et par construction logique, et s'éleve aussi haut qu'on peut le désirer. On n'a jamais parlé plus fortement ni avec plus d'accent du respect dû au devoir et à la majesté de la loi; en même temps une place est faite au sentiment et à l'amour. Ne pas traiter la personne comme moyen, voilà la justice; la traiter comme fin, voilà la charité.

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Nécessité d'une ou plusieurs leçons complémentaires sur le souverain bien. Cependant quelques réserves seront peut-être nécessaires; nous devrons en tout cas, dans les leçons suivantes, compléter, adoucir la morale kantienne, en la rattachant à la grande tradition des moralistes et en restituant quelques éléments dont Kant* a peut-être trop fait abstraction *, dans son désir d'arriver à des formules abstraites d'une absolue rigueur. Mais ces leçons complémentaires sur les prin

cipales doctrines du souverain bien nous montreront de mieux en mieux que la doctrine de Kant* est excellente entre les meilleures.

X* LEÇON

Le souverain bien. - Théories anciennes
du souverain bien.

Pourquoi nous avons fait tant de place à la morale de Kant*. - Nécessité de la rattacher à la tradition des grands moralistes. — Critiques qu'on peut élever conre la morale kantienne. Le devoir et le souverain bien.

Hébreux;

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Des

Doctrines morales les plus anciennes : Morale des Égyptiens; De l'Inde (brahmanisme* et bouddhisme*; — De la Perse (Zoroastre*); Des Celtes et des Gaulois; De la Chine (Confucius* et Mencius*).

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Pourquoi nous avons fait tant de place à la morale de Kant*. Nécessité de la rattacher à la tradition

des grands moralistes. Après avoir cherché vainement durant plusieurs leçons la véritable règle de la vie, nous avons cru la trouver enfin dans les formules du devoir telles que nous les propose Kant*. Nous avons fait à cette morale de Kant une place singulièrement grande, nous l'avons exposée complaisamment elle mérite, en effet, une admiration presque sans réserve, elle est d'une pureté incomparable. D'autre part c'est le plus récent et le plus parfaitement coordonné des systèmes de morale rationnelle. Aborder directement un tel système et l'exposer avec soin, était le meilleur moyen de rendre sensible le contraste qui existe entre une morale véritablement pure et les doctrines inférieures du plaisir et de l'intérêt.

Néanmoins, il est nécessaire maintenant de revenir en arrière. Cette belle morale kantienne n'est pas isolée dans l'histoire de la philosophie, sans liens avec le passé : on trouve déjà dans l'antiquité des doctrines analogues. Il convient donc de la rattacher à ses plus anciennes origines.

tienne.

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Depuis que l'humanité a eu le loisir de réfléchir sur sa destinée, il s'est toujours trouvé des penseurs qui ont entrevu la vérité morale et parlé éloquemment du devoir. Quelques-uns ont tenu presque le même langage que Kant des milliers d'années avant lui. Plusieurs, dès la plus haute antiquité, ont même parlé du bien avec une certaine onction, une grâce, qui fait un peu défaut à sa pensée si mâle, si forte, mais toujours si austère. Connaître ces moralistes, avoir quelque notion de leurs doctrines, ne peut que nous être infiniment profitable. Critiques qu'on peut élever contre la morale kanLe devoir et le souverain bien. D'autre part, la morale kantienne prête à quelques critiques légères il n'est pas inutile de les présenter, et de suppléer à ce qu'elle peut avoir encore d'insuffisant, par des emprunts à ce qui a été dit de plus pur dans les siècles antérieurs. Nous allons donc exposer rapidement les plus belles doctrines morales qui ont paru depuis le commencement des âges historiques 1. Nous ne trouverons pas toujours chez les anciens un sentiment du devoir aussi net et aussi ferme que chez Kant*: nous nous sommes adressés tout d'abord à ce philosophe, précisément parce que nous sommes persuadés qu'en morale, le plus nécessaire est d'établir avant tout une sévère doctrine du devoir. Mais ce que nous trouverons dans les anciens viendra compléter les vues de Kant. S'ils parlent moins et moins bien de l'obligation, ils ont un sentiment profond du « souverain bien », et voient à merveille toute l'étendue du problème moral.

1. On conçoit que dans cette rapide revue historique il n'y avait pas lieu d'exposer la morale de l'Évangile, dont les préceptes sont dans toutes les mémoires, et qui ne se donne pas d'ailleurs comme un fruit de la raison humaine. (V. p. 141.)

Ce n'est pas que Kant* n'ait point abordé la question du souverain bien, mais peut-être cette question n'at-elle pas suffisamment attiré d'abord son attention. Sa morale repose sur la valeur absolue et la dignité de la personne c'est là un fondement solide, mais un peu étroit. La personne, en tous cas, n'est pas seulement objet de respect, elle peut être aussi objet d'amour; or, Kant*, le plus souvent n'a parlé de l'amour qu'avec défiance et avec une sorte de mauvaise humeur, tant il craignait les écarts du sentiment. Ces écarts sont à craindre, en effet, à tel point qu'il vaut mieux peut-être, comme il l'a fait, éliminer provisoirement l'amour de la morale jusqu'à ce qu'on ait dégagé la notion pure d'obligation. Mais une fois cette notion nettement fixée, il convient aussitôt de rappeler l'amour comme auxiliaire et compagnon du devoir. C'est ce que ne semble pas avoir assez fait Kant*, et l'on pourrait dire que, sur ce point, quelques anciens furent mieux inspirés que lui. Bref, comme doctrine de la justice et du respect, sa morale est incomparable, mais il y a autre chose dans la pleine et parfaite moralité que la froides justice et le respect; la personne humaine inspire aussi la charité, et il y a une passion du mieux avec laquelle Kant eût pu compter davantage.

Et puis, si la personne morale a une valeur infinie, ce n'est pas à dire cependant que, seule au monde, elle ait du prix. Chez Kant*, elle est en quelque sorte divinisée, et l'on pourrait, jusqu'à un certain point, l'accuser d'enseigner un égoïsme d'un autre ordre, un égoïsme supérieur. Quelle que soit la supériorité de la personne humaine, supériorité incontestable comme celle de raison et de liberté, il n'en est pas moins vrai qu'il y a quelque chose d'un peu choquant à voir l'homme s'exalter luimême à l'exclusion de tous les autres êtres, et se prendre pour fin unique dans la vie. Les anciens ont eu peut-être une vue plus large du souverain bien, quand ils se sont représenté l'humanité comme ayant des liens de parenté avec tout l'univers. L'homme n'est pas, en effet, un être isolé dans le monde; il n'est, en somme, qu'une partie

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