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et le plus pressé est de vivre content de soi-même et selon la loi; et s'il y a conflit entre l'opinion publique et ce qu'on sent être le bien, c'est un lieu commun dans toutes les doctrines de morale, qu'on doit tout faire taire pour n'écouter que la voix de sa conscience.

S'agit-il, au contraire, de l'honneur véritable, de la dignité perdue ou compromise; a-t-on manqué, par exemple, à des engagements sacrés, commis des fautes irréparables, quelque crime terrible certes la vie alors est lourde à supporter; mais c'est dans ce cas surtout qu'on n'a pas le droit de mourir. Il faut vivre pour expier et réparer le mal qu'on a fait. Se donner la mort est une solution trop commode, qui ne répare rien, qui aggrave tout, au contraire. Recourir au suicide après une infraction au devoir, quelle qu'elle soit, c'est ajouter la plus grave de toutes les fautes à celle que l'on juge déjà intolérable.

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Dernier argument en faveur du suicide. Enfin, l'argument le plus spécieux en faveur du suicide est celui-ci Une personne inutile, malade, infirme depuis de longues années, à charge à une famille misérable, ferait-elle, en conscience, un acte vraiment répréhensible en aidant la nature, en abrégeant volontairement le supplice des autres et le sien propre?

Réponse. La réponse nous est encore fournie par les principes: les personnes auxquelles on est à charge en pareil cas ont pour devoir de soigner celui qui est malade, de se dévouer à lui. Mourir volontairement, c'est les frustrer, en quelque sorte; c'est leur ôter l'occasion de mériter, d'accomplir un des devoirs les plus pénibles qui soient et par suite les plus beaux. Le suicide est donc condamnable même dans ce cas extrême. La vie d'un homme, tant qu'elle lui est conservée par la nature, a un sens et un prix, pour lui-même et pour les autres. Un homme a des devoirs tant qu'il a la pensée et un reste de volonté. Fût-il hors d'état de rendre aucun service, il doit vivre pour en recevoir; car les autres ont encore des devoirs envers lui. Cruelle nécessité, pour une

volonté naguère active, de se voir réduite à la patience inerte et à la résignation. Mais que serait la morale, si, tenus de faire notre devoir tant qu'il est facile et agréable, nous étions libres d'y renoncer dès qu'il devient triste et incommode? Si nous en comprenons véritablement la nature, nous devons l'accepter dans toute son étendue et l'accomplir jusqu'à notre dernier souffle, résignés à tout ce qui ne dépend pas de nous.

XVII* LEÇON

Devoirs individuels (suite)

Dignité personnelle. Perfectionnement de soi-même.

Retour sur la leçon précédente: la résignation.

Préceptes généraux auxquels se ramènent toutes les vertus individuelles.

I. Devoirs concernant la volonté courage ou force. Diverses formes de cette vertu fondamentale vigilance, patience, constance, etc.

II. Devoirs concernant la sensibilité. — Tempérance et vertus qui s'y

rattachent.

III. Devoirs concernant l'intelligence.

vertus qui s'y rattachent. Équilibre de nos diverses facultés.

Prudence, ordre, sincérité et

IV. Devoirs relatifs à la vie corporelle. — Rapports du physique et du moral. = Hygiène, sobriété, propreté, exercice. Conclusion.

Retour sur la leçon précédente í la résigħatlón. L'homme a pour premier devoir de vivre, afin d'accomplir sa destinée morale et de remplir tous ses autres devoirs : c'est ce que nous avons établi dans la précédente leçon.

Si triste que soit la vie, elle ne paraîtrait jamais tout à fait intolérable, si chacun songeait aux plus malheureux que soi. Celui qui souffre et qui a à se plaindre de la vie devrait penser à tous les maux possibles qui ne lui sont pas arrives, à tous les biens dont il a été comblé, à toutes

les fautes qu'il n'a pas expiées et dont le mal présent est peut-être la punition; alors, la résignation lui semblerait plus facile, et il trouverait sans doute que, au lieu de murmurer et de se plaindre, il doit encore rendre grâces pour le sort qui lui est fait, ou du moins prendre son mal en patience.

<< Il ne faut pas être facilement du nombre des mécontents dans la république où l'on est, dit Leibnitz*; mais il ne faut jamais l'être dans la cité de Dieu, où on ne saurait l'être sans injustice. » Toute philosophie de la vie un peu élevée et compréhensive aboutit naturellement, et doit aboutir pour nous mettre à même de vivre comme il convient, à un certain optimisme*.

Quant à une personne qui se verrait, j'imagine, accablée de tous les maux sans avoir pourtant rien à expier, celle-là, selon nous, n'aurait pas même lieu de se trouver très malheureuse, car elle aurait le sentiment d'avoir toujours et en tout fait son devoir, sentiment qui doit suffire à rendre la vie non seulement supportable, mais fière et douce.

Préceptes généraux auxquels se ramènent toutes

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les vertus individuelles. Étant donc posé comme fondamental le devoir de vivre et de se résigner aux conditions de la vie humaine, tous les autres devoirs individuels se ramènent à deux: devoir de dignité, devoir de perfectionnement.

Ne pas déchoir, ne pas traiter en soi-même la personne intelligente et libre comme un simple moyen, voilà la première condition de la moralité individuelle : c'est le commencement de la sagesse personnelle. -Se perfectionner soi-même, traiter en soi la personne morale comme une fin, la développer, la fortifier le plus possible, c'est le complément nécessaire de la sagesse individuelle.

Or ce double précepte s'applique à toutes nos facultés, psychologiques* et physiques; à chacune d'elles correspondent des vertus qu'il faut acquérir et des vices qu'il faut éviter ou corriger. Nous allons les passer rapidement en revue.

La faculté mo

I. Devoirs concernant la volonté. rale par excellence, c'est la volonté; car c'est elle qui est libre et responsable, c'est à elle qu'il appartient de se mettre d'accord avec la raison et d'accomplir le devoir. Pour cela, il faut avant tout qu'elle se conserve libre, qu'elle ne s'aliène point elle-même, soit en se réduisant spontanément en esclavage, soit en se laissant tomber sous le joug des mauvaises habitudes. Si la routine et le mécanisme de l'habitude la mettent en servitude, elle abdique la direction qui lui appartient, elle quitte le gouvernail. Mais ce n'est pas assez que la volonté se maintienne intacte et garde la direction, il faut encore qu'elle se fortifie sans cesse, pour assurer de plus en plus le triomphe de la liberté et de la raison sur les facultés. inférieures.

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Courage ou force. Diverses formes de cette vertu fondamentale: vigilance, patience, constance, etc. Les anciens avaient coutume de dire que la vertu propre de la volonté, c'est le courage, qu'ils appelaient encore force ou grandeur d'âme. En effet, soit simplement pour se maintenir à son rang et éviter de déchoir, soit pour se fortifier par l'exercice et affermir son empire, la volonté a besoin avant tout de courage.

L'énergie que l'on met à supporter, à souffrir vaillamment les épreuves s'appelle patience; c'est la forme la plus humble, mais peut-être aussi la plus rare de la force. La patience est l'attribut des forts; l'impatience est l'attribut des enfants. L'énergie que l'on applique à entreprendre, à oser quand il le faut et à faire ce qu'il convient, s'appelle l'esprit d'initiative. L'énergie employée à l'achèvement de ce qu'on a commencé est la

constance.

La constance était souvent présentée par les Stoïciens * comme résumant toutes les vertus, et suffisant pour ainsi dire seule à garantir la pureté et la droiture de la conduite. Plusieurs d'entre eux avaient modifié l'antique formule Vivre conformément à la nature, en l'abrégeant ainsi : Vivre d'une manière conséquente,

c'est-à-dire conformément à soi-même et à ses propres principes, vouloir jusqu'au bout ce qu'on veut. C'est ce que Montaigne* nous explique dans ce passage : « Pour comprendre toute la sagesse en un mot, dit un ancien, et pour embrasser en une toutes les règles de notre vie, c'est vouloir et ne vouloir pas toujours mêmes choses; je ne daignerais, dit-il, ajouter: pourvu que la volonté soit juste, car si elle n'est juste il est impossible qu'elle soit toujours une. »

La Rochefoucauld* a dit quelque part : « Les esprits faux changent souvent de maximes,» donnant à entendre que les esprits justes n'en changent pas; en effet, ils vont naturellement au vrai et n'ont qu'à s'y tenir. De même les volontés justes sont seules en état d'être parfaitement constantes; l'injustice, au contraire, qui obéit à la passion du moment, au caprice des sentiments, aux impressions les plus fugitives et à toutes les préférences individuelles, est ballottée en tous sens, incapable de se fixer à une maxime ferme. Ainsi il n'y a, en morale, de voie sûre que la voie droite. Cela d'ailleurs est vrai aussi dans l'ordre temporel*: la plus grande habileté dans la vie est la parfaite rectitude du caractère.

Le courage et la constance peuvent prendre mille noms et mille formes différentes selon les cas; nous retrouverons ces vertus de l'activité en traitant du travail, car le travail n'est autre chose qu'un déploiement réglé de l'énergie volontaire.

II. Devoirs concernant la sensibilité. Tempérance et vertus qui s'y rattachent. La vertu propre de la sensibilité, c'est la Tempérance, c'est-à-dire la modération dans les désirs et dans les plaisirs, cette sereine possession de soi-même qui fait qu'on ne s'abandonne point aux mouvements violents ou désordonnés du cœur, qu'on ne désire ni ne craint, qu'on ne jouit ni ne souffre jamais

sans mesure.

Chez nous, le mot tempérance semble avoir perdu ce sens large que lui donnaient les anciens, mais il faut le lui rendre il est plus expressif que le mot modération.

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