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de la conduite? Eh bien! à cette question il est impossible de ne pas répondre affirmativement. Pour tout homme jouissant de ses facultés d'homme, il y a du bien et du mal, il y a une règle de vie. Chacun entend à sa manière ce qu'il faut faire et ce qu'il faut ne pas faire; de cette règle les uns tiennent plus de compte dans la pratique, les autres moins; mais pour tous, sans exception, quelque chose est permis ou défendu, est mieux ou pis que le contraire pour tous il y a des devoirs. Partout et aux yeux de tous, l'individu, au moins dans certains cas, est responsable de ses actes.

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Or quels

Quatre éléments de la responsabilité. sont, au juste, les éléments de la responsabilité? D'après ce qui précède, ils sont au nombre de quatre : Conscience de ce qu'on fait. 1o Il faut que l'agent ait conscience de ce qu'il fait. Dans le sommeil profond, dans l'ivresse, dans la première enfance, dans tout état où l'on agit sans savoir ce qu'on fait, on est irresponsable.

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Discernement et réflexion. 2o La conscience de ce qu'on fait actuellement ne suffit pas il faut avoir la réflexion, c'est-à-dire la conscience attentive et, pour ainsi dire, anticipée, le clair discernement de ce qu'on va faire. Il faut pouvoir, dans une situation donnée, com parer plusieurs partis possibles, prévoir les conséquences de telle résolution, puis de telle autre, en un mot, voir clair devant soi. L'animal est irresponsable pour bien des raisons, mais pour celle-ci d'abord, qu'il semble incapable de se représenter à l'avance par la réflexion intérieure diverses résolutions possibles, d'en peser les suites et de se demander laquelle est la meilleure.

Sentiment de la liberté. — 3o Mais la prévision des actes possibles ne servirait encore de rien, sans la liberté de choisir entre eux. En revanche, tout être qui, voyant divers actes possibles et mesurant d'avance leurs effets, se sent libre de choisir l'un ou l'autre, est responsable de son choix.

Notion d'une règle.

4o Enfin il y a une dernière

condition. La liberté sans règle ne ferait pas la responsabilité si on pouvait choisir n'importe quoi, indifféremment, si les actions se valaient toutes, s'il n'y avait pas une loi supérieure, portant qu'il faut faire à tout prix tels actes, et à tout prix s'interdire tels autres, le libre choix serait un caprice désordonné, non la liberté d'une personne morale. La notion d'une loi à observer est donc une condition essentielle de la moralité.

Degrés de la responsabilité; comment elle croit et diminue. — Pour que la responsabilité soit entière, il faut que ces quatre conditions soient réunies; s'il en manque une ou plusieurs, la responsabilité diminue ou est annulée. La responsabilité a donc ses degrés elle varie dans la même mesure que les éléments qui la composent. On peut, en effet, avoir plus ou moins conscience de ce qu'on fait, discerner plus ou moins clairement ce qu'on va faire et les conséquences qui suivront, réfléchir plus ou moins; on peut avoir plus ou moins de liberté et un sentiment plus ou moins vif de la règle 1. Nous devons donc renoncer de bonne grâce à appliquer à tous les hommes le même jugement rigoureux : chacun doit être jugé en raison de sa culture intellectuelle et morale, en raison de ce qu'il a pu à un moment donné, de ce qu'il a vraiment voulu. Or dans bien des cas, cela nous échappe : celui-là seul qui a agi sait ce qu'il a pu et voulu, et encore, le sait-il toujours bien lui-même ? La justice divine, omnisciente par définition et infaillible par hypothèse, aurait seule le droit d'être absolument rigoureuse. Pour nous, il y a tout avantage à reconnaître les conditions et les degrés de la responsabilité. Cela peut nous rendre plus indulgents pour les autres, mais non pour nousmêmes, car la responsabilité de chacun de nous augmente à mesure que nous en connaissons mieux les conditions: plus nous réfléchissons, en effet, à tout ce qui influe sur notre liberté et la limite, plus nous devenons libres en réalité, et par conséquent responsables.

1. Ces divers points, d'ailleurs indiscutables, ont été établis dans nos Leçons de Psychologie appliquée à l'éducation.

LEÇONS DE MORALE.

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Les irres ·

Comment l'instruction l'augmente. ponsables. L'instruction, en général, accroît la liberté de ceux qui la reçoivent, par cela seul qu'elle les met en état de mieux voir, de mieux juger; elle accroît donc leur responsabilité. L'instruction morale, toutefois, doit marcher de pair avec l'autre, précisément pour apprendre à tous et rappeler à ceux qui l'oublieraient, que leurs obligations vont croissant avec l'étendue de leurs connaissances et la force de leurs facultés, et qu'on doit en raison de ce qu'on peut. Quand on dit que l'instruction tire les hommes de l'innocence primitive, on dit vrai. Mais quelle est cette innocence primitive qu'on semble parfois regretter? Dans l'ignorance profonde et l'irréflexion totale, il y a innocence absolue; mais c'est l'innocence de l'animal. Est-ce de cet état qu'il faudrait craindre de tirer les âmes? Est-ce cette innocence de la bête irresponsable, que quelqu'un oserait présenter comme l'idéal* de la vie humaine?

Que si, tout en comprenant la nature de la moralité et l'essence de la vertu, qui est d'être éclairée et libre, on se flattait néanmoins de cette illusion, que l'ignorance, l'irréflexion, l'inconscience, soient des conditions favorables pour la vertu, ce serait là une telle contradiction et une erreur si grossière, qu'il n'est pas même besoin de la combattre.

Ainsi, tout ce qui accroît la responsabilité est un bienfait pour l'homme. A vrai dire, la responsabilité est une charge puisqu'elle oblige, mais c'est la charge que nous impose précisément la dignité d'êtres raisonnables, c'est notre honneur même et notre raison d'être.

L'intention.

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Si c'est d'elle seule qu'on est responsable. Revenons sur un point touché en passant, impliqué dans ce qui précède, et fort délicat. Quelle place au juste, faisons-nous à l'intention dans la morale? Deux doctrines sont en présence, à l'une desquelles peut-être nous avons paru nous rattacher sans restriction. L'homme, avons-nous dit, n'est responsable que de ce qu'il a voulu : n'est-ce pas dire qu'il n'est responsable que de ses inten

tions? Et, en effet, c'est un lien commun de toute morale, qu'une seule chose nous est demandée et suffit: la bonne volonté, l'intention droite. Peu importe le résultat de l'action, pouvu que l'intention soit pure. Par exemple, dans une tentative généreuse pour sauver un homme en danger, je hâte sa mort; il y a là, malgré l'issue funeste, acte de dévouement et bonne intention sérieuse : ma moralité est hors de cause, il n'est personne au monde qui me refuse son estime, voire même son admiration, si ma bonne volonté est allée jusqu'au sacrifice.

Dangers de cette opinion. Et pourtant, la morale de l'intention a la plus mauvaise réputation possible, non sans raison. Elle a été dénoncée avec une admirable verve et une ironie amère par Pascal*; elle offre, en effet, les plus grands dangers.

La direction d'intention (Pascal). Portons-nous tout d'abord aux cas extrêmes : c'est à de véritables aberrations* morales que cette doctrine a conduit certains casuistes relâchés. Je fais allusion à ce qu'on a appelé la Direction d'intention. « Puisque l'intention seule a une valeur morale, dirigeons bien notre intention, disait un docteur facile; ne pensons qu'à ce qu'il peut y avoir de bien dans l'action, le reste sera innocent. » Or, quelle action ne peut pas être tournée à bien de la sorte, avec un peu de complaisance? Pascal*, par quelques exemples, met en relief l'immoralité de cette théorie. Un valet, dit-il, qui fait quelque message fâcheux, qui pour de l'argent se laisse aller à trahir son maître, n'a, pour être innocent, qu'à tourner son attention vers l'avantage qu'il en retire; quelques profits ne sont-ils pas dus à un pauvre valet? Dominé par cette intention innocente, il pourra donc trahir son maître sans scrupules. Le duel est défendu par toute morale pure; pourtant tout n'est pas mauvais dans le duel il y entre sans doute de la colère, de l'esprit de vengeance, le désir de tuer, la prétention barbare de se faire justice à soi-mAme; mais il s'y mêle aussi un sentiment noble, celui de l'honneur : n'est-il pas bon qu'un homme défende son honneur? On

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n'a donc qu'à tourner son intention de ce côté, et rien n'empêchera plus de tuer son adversaire sans remords.

Pour quitter les exemples et considérer la question en elle-même, il est certain que, si l'intention seule importait moralement, nous ne devrions jamais parler de la moralité des autres, parce que leurs intentions nous échappent toujours; nous voyons leurs actes, leur conduite bonne ou mauvaise, mais leur secrète volonté se dérobe à nous; dès lors, nous pouvons de bonne foi exalter un misérable et dénigrer un homme de bien : le plus sage, le seul parti logique est de ne jamais juger personne. Et pourtant, qui s'y résignera?

Cette morale de l'intention, ainsi poussée à l'extrême, est donc choquante et dangereuse à tous les égards. Aussi faut-il la corriger, tout en gardant ce qu'elle a de vrai. Elle est vraie au fond, elle est même toute la vérité, mais il s'agit de la bien entendre et de dissiper toute équivoque.

Excès inverse de la doctrine janséniste*.—Pour cela, considérons d'abord l'excès inverse, d'ailleurs beaucoup plus noble, dans lequel on tombe quand on se porte à l'extrémité opposée : examinons sur ce point la dure morale du jansénisme*. Pascal* professe presque le mépris absolu de l'intention. Pour lui, c'est aux actes mêmes, aux actes seuls, qu'il faut attacher la responsabilité, pourvu que ces actes soient voulus, et non à l'intention qu'on a pu avoir en les voulant. Il va jusqu'à dire, qu'il n'est pas nécessaire pour pécher que l'on connaisse le devoir qu'on viole : « Ne dites plus qu'il est impossible qu'on pèche quand on ne connaît pas la justice; mais dites plutôt, avec saint Augustin* et les anciens Pères, qu'il est impossible qu'on ne pèche pas, quand on ne connaît pas la justice. » Une action, il l'accorde bien, ne peut être imputée à blâme que lorsqu'elle est volontaire >> ; mais, pour agir volontairement, «< il suffit qu'on sache ce que l'on fait, et qu'on ne le fasse que parce qu'on veut le faire: » il n'est nullement nécessaire que l'on voie, que l'on sache et que l'on pénètre ce qu'il y a de bien ou

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