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jeter dans la main du pauvre une obole presque toujours insignifiante. Si nous voulons être vraiment bienfaisants, nous devons chercher à lui procurer du travail, à le tirer une bonne fois de la misère, en lui donnant le désir et les moyens de se refaire une place honorable dans la société des hommes libres.

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L'esprit chevaleresque dans la fidélité aux engagements. La fidélité aux engagements est un devoir de justice la charité nous commande d'apporter dans l'exécution de nos promesses cet esprit chevaleresque. qui va au delà du nécessaire, qui consiste à faire en tout plus qu'on ne doit. C'est avec cet esprit d'abnégation qu'on doit tenir non seulement les engagements écrits et les engagements verbaux, mais jusqu'aux engagements qu'on n'avait pas, cru prendre on ne s'est pas lié volontairement, qu'importe? si on est lié par la nature des choses, si les autres ont pu interpréter comme des promesses nos paroles ou nos démarches.

La charité dans les sentiments. Enfin, la parfaite charité dans les sentiments est tout le contraire de l'envie. Elle consiste à nous réjouir du bien qui arrive aux autres et à souffrir des maux qui les atteignent, à partager leurs joies et leurs peines, à ne faire qu'un avec eux par l'amour.

Conclusion : la charité et l'ingratitude. On se plaint souvent que la charité ne rencontre qu'ingratitude. En fait, cela n'est pas exact; mais quand cela serait, qu'importe à la vraie charité?

En serait elle moins belle, ou serait-ce moins un devoir de la pratiquer? On entendrait bien mal cette vertų, si, en l'exerçant, on prétendait être payé de retour. Ceux qui en jugent ainsi, et qui sont d'humeur à récriminer de la sorte, montrent par cela même qu'ils n'ont rien compris à la nature de la charité. Ils méritent ces reproches éloquents d'un écrivain italien contemporain : « Le bienfait, comme l'entendent la plus part des gens, est un capital dont on voudrait tirer usure. Dans un grand nombre de cas, le mécanisme d'une bonne œuvre s'ex

plique ainsi quelqu'un qui dépense une partie de son superflu pour acheter l'indépendance de quelqu'un qui n'a pas le nécessaire. Comment s'étonner qu'on rencontre alors l'ingratitude? La faute n'en est-elle pas au bienfaiteur lui-même, qui, avec quelques sous en monnaie de bienfait, voudrait s'assurer un droit perpétuel sur la conduite, la pensée, la parole, la liberté, la conscience même, d'un autre?» L'homme vraiment charitable s'impose pour première loi de respecter la dignité de ceux qu'il oblige; par conséquent, il ne leur demande rien en retour de ses bienfaits, il leur laisse toute liberté, même celle d'être ingrats'. A qui fait le bien pour le seul plaisir de le faire une récompense suffit le plaisir de l'avoir fait.

XXVI LEÇON

Morale sociale (suite). - Devoirs spéciaux.

La famille.

Sens de cette expression devoirs spéciaux; les petites sociétés dans la grande.

La patrie et l'humanité erreur du cosmopolitisme*.- La famille et la patrie erreur du communisme*.- Les sociétés d'origine conventionnelle.

Comment les devoirs généraux se modifient entre concitoyens el entre parents. La famille, école des vertus en général, des vertus civiques en particulier. La famille, au point de vue historique.

Le mariage.

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Sens de cette expression : Devoirs spéciaux; les petites sociétés dans la grande. Nous avons achevé l'étude des devoirs généraux de la vie sociale, tant des

1. On peut toutefois, avec le désintéressement le plus parfait, et par amour même pour les hommes, s'affliger de leur ingratitude, car elle est une laideur morale,

devoirs de charité que des devoirs de simple justice; nous passons maintenant à l'étude des devoirs spéciaux, J'appelle ainsi les obligations qui nous lient plus étroitement envers les membres de certaines sociétés restreintes, telles que la famille et la patrie. La grande société humaine, en effet, se subdivise en sociétés plus étroites, qui sont, à leur tour, de véritables groupes organiques, des << touts naturels », en un mot, des sociétés proprement dites. L'humanité est composée de nations; la nation se résout en petits groupes élémentaires, les familles.

Comme membre d'une patrie, j'ai envers mes concitoyens: d'abord toutes les obligations qui lient les hommes entre eux en général, puis des obligations nouvelles et plus spéciales; je leur dois, avant tout, ce que je dois à tout homme, en tant qu'homme, ensuite quelque chose de plus parce qu'ils sont mes concitoyens. De même, à mes parents, aux membres de ma famille, je dois d'abord tout ce que je dois aux personnes en général, puis ce que je dois à mes concitoyens, et enfin quelque chose de plus encore, en tant qu'ils composent ma famille.

Si nous avons commencé l'étude des devoirs sociaux par l'énumération des devoirs les plus généraux, c'est qu'on les retrouve partout; ils dominent toutes les relations sociales: les devoirs spéciaux viennent s'y ajouter, sans jamais les altérer ni les détruire. Les devoirs généraux sont les premiers et les plus obligatoires; on est parfois tenté de les violer pour satisfaire à des devoirs plus spéciaux, mais on n'a jamais le droit de le faire1. La patrie et l'humanité : erreur du cosmopolitisme*. On s'est demandé parfois s'il était bon mora

1. Ainsi un homme d'Etat, un homme de guerre, peut être tenté de commettre, dans l'intérêt de son pays, une injustice envers une nation rivale; un père de famille peut être tenté d'oublier, par zèle pour le bonheur de ses enfants, les droits d'une famille étrangère ou ennemie. Mais plus cette tendance est naturelle, plus la morale ordonne de s'en défier.

lement, s'il n'était pas plutôt regrettable, que la société humaine fût ainsi fragmentée en groupes particuliers, entre lesquels ne manquent jamais de s'élever des conflits de tous genres, source de nombreuses injustices. Dans nos leçons de psychologie*, nous avons dit un mot des doctrines cosmopolites*, qui voudraient effacer les frontières des peuples, mêler toutes les nations, et ne faire plus de l'humanité entière qu'une seule et grande patrie. Les Stoïciens*, par exemple, se disaient citoyens du monde entier; ils ne craignaient pas l'exil, parce qu'ils trouvaient partout, disaient-ils, des concitoyens, membres de la patrie universelle,

La conscience pourrait se troubler sur ce point, s'il était vrai qu'on ne pût être attaché à une nation particulière sans haïr les autres, ni accomplir tous ses devoirs dans la cité, sans oublier du même coup tout ce qu'on doit aux hommes en général. Mais c'est tout le contraire qui est vrai la patrie est la véritable école de l'humanité. L'idéal est bien que les hommes en viennent, sur toute la surface de la terre, à s'aimer et à s'entr'aider comme s'ils étaient tous concitoyens, mais encore faut-il que cette expression ait pour eux un sens. Ils ne pourront regarder l'humanité entière comme leur patrie, que s'ils commencent par connaître et aimer une patrie.

L'harmonie, le concert entre les nations, voilà le but où nous devons tendre; mais, disait déjà Aristote*: «< on ne fait pas un concert avec un seul son. >> Lorsque les hommes auront appris la discipline, le respect de l'ordre et de la loi, le dévouement à la communauté, l'esprit de sacrifice dans l'intérieur même de la patrie, dans l'enceinte de la cité, alors ils seront portés à montrer les mêmes vertus dans toutes leurs relations avec les hommes en général. L'esprit de concorde et de paix, qu'ils auront ainsi acquis dans le cercle étroit de leur nation, ils le porteront naturellement au dehors, et il se généralisera sans se perdre. Mais cette vertu risque de ne jamais naître, si on ne l'abrite d'abord, en quelque sorte, derrière les frontières, sous le ciel réchauffant de la patrie.

Elle ne peut se développer que dans un milieu restreint, à la faveur des affections naturelles et des habitudes de solidarité. C'est ainsi que certaines plantes, des plus délicates et des plus précieuses, ne peuvent naître qu'abritées du froid et exposées au soleil; ce ne serait pas les répandre partout, mais en compromettre l'espèce même, que de vouloir, sous prétexte de les propager plus vite, les semer en plein vent.

La famille et la patrie : erreur du communisme*. Or, tel est le rapport de la patrie à l'humanité, tel est exactement le rapport de la famille à la patrie. Le communisme*, qui prétend détruire la famille au profit de la cité, commet la même erreur et la même faute que fait le cosmopolitisme*, quand il veut détruire la patrie au profit de l'humanité. Des deux côtés, l'illusion est la même: on perd de vue la vérité psychologique*, on oublie les conditions et les lois de notre nature.

L'idéal, assurément, est que, entre compatriotes, nous nous aimions tous comme des frères; mais pour éprouver de tels sentiments et en connaître la douceur, il faut d'abord que nous ayons des frères, et que nous apprenions à les aimer; sans quoi l'amour fraternel nous sera inconnu, et le mot fraternité n'aura jamais de sens pour nous. C'est donc dans la famille que se forment et se fortifient ces sentiments excellents, qu'il faut ensuite transporter au dehors et faire régner autant que possible dans toutes nos relations.

Platon*, en constituant sa République idéale*, supprime, on le sait, tous les liens de famille: il se défie des affections domestiques, comme entachées d'égoïsme et incompatibles avec l'unité de la patrie. Au contraire, pense-t-il, quand les enfants ne connaîtront plus leurs parents, ni les parents leurs enfants, ni les frères leurs frères, tous les jeunes gens se regarderont comme frères et sœurs entre eux; et ils aimeront comme leurs pères tous les hommes d'un âge mûr, et toutes les matrones comme leurs mères, et tous les vieillards comme leurs aïeux; et réciproquement, les hommes faits auront

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