صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

négations? Est-il humain, est-il juste, de leur disputer avec une ironie hautaine et superficielle, les consolations qu'ils peuvent trouver dans leurs croyances? La part du bonheur est si petite en ce monde, qu'il est, en vérité, cruel et insensé, de ravir à qui que ce soit une espérance, un adoucissement à ses misères. Peu importe donc que tel culte nous paraisse puéril ou déraisonnable; c'est affaire à ceux qui le pratiquent s'il est innocent en lui-même, inoffensif pour tous et consolant pour quelqu'un, nous devons respecter en lui la liberté, la conscience et, à défaut de la raison, la faiblesse humaine.

XXXIVE LEÇON

L'enseignement moral dans l'école primaire
et dans les écoles normales.

Nécessité d'une leçon complémentaire sur la manière de présenter l'enseignement de la morale dans les écoles normales et dans les écoles primaires.

I. La morale à l'école primaire :

1o Le but c'est plutôt l'éducation morale qu'un enseignement proprement dit. L'éducation morale dans la famille et à l'école (différences et ressemblances);

siasme.

2o Les moyens : le « préjugé du bien, l'émotion morale, l'enthouComment exciter le sentiment du bien : occasions prises dans la vie réelle; dans l'histoire; secours de l'art et de la poésie. - La connaissance du bien : culture générale; la culture littéraire Les maximes morales (écueil à éviter). — Exercice du jugement moral (écueils). — La pratique du bien; exercice de l'activité.

Ordre à suivre ; principe général; dangers à éviter. - Choix à faire entre les questions. Pourquoi et en quel sens l'enseignement moral doit être très élevé dans l'école primaire. — Remarque.

II. L'enseignement de la morale dans les écoles normales primaires.
- L'auditoire.
Le but.
Remarque les pro-

[ocr errors]

La méthode.

cédés devront un peu varier avec le sexe.

Nécessité d'une leçon complémentaire.— Notre cours

de morale est achevé; il a été, croyons-nous, ce qu'il devait être ici, c'est-à-dire essentiellement théorique et didactique*. On ne pouvait le concevoir autrement, quand il s'agissait de faire de la morale l'objet d'un enseignement proprement dit, s'adressant à des esprits mûrs, lesquels devront, à leur tour, donner cet enseignement à de futurs instituteurs. Dans ces conditions, il ne pouvait être question de simples entretiens plus ou moins édifiants, dans lesquels nous nous serions tenus à dessein tout près des faits, faisant appel surtout au sentiment et au bon sens pratique. Que fallait-il, tout au contraire? Substituer des idées nettes et des principes aux aspirations vagues. Il était donc nécessaire de procéder méthodiquement, et, tout en évitant l'abus de l'abstraction*, de parler résolument le langage technique, de ne pas reculer devant les formules précises, de suivre une marche logique et autant que possible scientifique. — C'est ce que nous avons essayé de faire.

Mais ces leçons peuvent-elles être transportées telles quelles à tous les degrés de l'instruction primaire? Évidemment non. Il nous faut donc maintenant essayer de dire ce que doit être selon nous, l'enseignement de la morale dans les écoles primaires et dans les écoles normales primaires.

I. La morale à l'école primaire. Transportons-nous tout d'abord aussi loin que possible des conditions dans lesquelles nous nous trouvions ici : Que doit devenir cet enseignement dans l'école primaire, adressé à des enfants de sept à treize ans? Il est clair qu'il doit changer du tout au tout. L'instituteur devrait, je le crois, savoir le plus possible de ce que nous avons dit ici; mais je dirais volontiers qu'il devra s'en servir le moins possible. Ou plutôt, il devra s'en servir à chaque instant, mais sans le faire paraître; il devra s'en inspirer toujours, et ne l'afficher jamais. On pourrait poser en règle, que tout

1. A l'École normale supérieure d'institutrices de Fontenay-auxRoses.

maître sachant son métier évitera avec un soin particulier de donner aux enfants un enseignement qui ressemble en quoi que ce soit, par la forme, à celui que nous avons donné ici. En effet, le but est absolument différent; comment la méthode, serait-elle la même ?

1o Le but : c'est plutôt l'éducation morale qu'un enseignement proprement dit. Quel but se propose-ton en enseignant la morale à l'école primaire? Tout le monde conviendra qu'on cherche beaucoup moins à répandre des connaissances et des notions qu'à créer des habitudes pratiques, c'est-à-dire des manières d'agir et de sentir. On n'apprend pas la morale à l'enfant pour qu'il la sache, mais pour qu'il la pratique. Il ne s'agit donc pas de la lui enseigner, au sens ordinaire de ce mot, mais de la lui inculquer, ce qui est tout autre chose. En inscrivant la morale dans le programme des écoles primaires, on n'a pas entendu y introduire un nouvel cnseignement analogue aux autres, des leçons nouvelles pareilles aux autres leçons : c'est l'éducation du cœur et du caractère qu'il s'agit d'assurer et de diriger le mieux possible.

Ce qu'il faut, c'est faire de ces enfants des hommes qui se conduisent selon les règles du devoir, c'est-à-dire qui soient disposés à faire en toutes circonstances ce qu'ils doivent, et qui sachent le discerner. Il faut créer en eux des dispositions actives, leur donner le goût de l'activité raisonnable et bienfaisante, afin qu'ils fassent dans tous les cas ce que demande la raison, qu'ils le fassent de tout leur cœur, avec spontanéité*, avec entrain, sans qu'il leur en coûte, mais qu'ils sachent le faire aussi, au besoin, quoi qu'il leur en coûte. La preuve que tel est bien le but, c'est que nul n'oserait dire que l'instituteur n'a pas accompli sa tâche s'il obtient de tels résultats; qui pourrait soutenir, au contraire, qu'il l'ait bien remplie, eût-il fait apprendre à ses élèves le cours de morale le plus savant, si les enfants ne sortent pas meilleurs de ses mains, et mieux en voie de devenir les hommes dont la patrie a besoin?

[ocr errors]

L'éducation morale dans la famille et à l'école ; Ressemblances et différences. Il y a pourtant une distinction à faire entre l'éducation morale, telle qu'elle doit se donner dans l'école, et l'éducation morale telle qu'elle se donne dans la famille. Les analogies sont nombreuses, mais les différences sont profondes. Insistons un peu sur les unes et les autres.

L'instituteur, en un sens, continue l'œuvre commencéc dans la famille, et l'on peut dire qu'avant tout il collabore avec les parents; en tous cas, il doit se soucier toujours de les avoir pour auxiliaires. Mais combien de fois n'a-t-il pas à refaire et à corriger l'éducation reçue dans la famille !

Dans beaucoup de familles, en effet, la première éducation est nulle, c'est-à-dire mauvaise, car, lorsqu'on ne dirige pas bien l'enfant dès le berceau, il n'arrive point à l'âge de sept ans absolument neuf et moralement intact. Une sorte de perversion a déjà commencé pour lui, faute de soins, et le maître qui le reçoit à l'école doit, non seulement faire ce qui n'a pas été fait, mais le plus souvent défaire ce qui s'est fait tout seul. Il a tout d'abord à détruire de mauvaises habitudes, à rectifier des maximes pitoyables, entendues par l'enfant depuis le berceau et d'autant mieux retenues qu'elles étaient plus mauvaises. Et trop souvent, les enseignements excellents du maître sont encore détruits au fur et à mesure dans la famille; pendant que l'instituteur s'efforce d'élever le cœur de l'enfant, les parents continuent à le corrompre avec une inconscience parfaite, par leurs mauvais exemples et par la morale relâchée qui a cours au foyer domestique. L'influence morale de l'école est nécessairement bien bornée quand elle est ainsi combattue par l'influence contraire du milieu.

Mais mettons toutes choses au mieux : imaginons le milieu le plus honnête, une famille populaire très simple, mais très saine. L'éducation que donne alors la famille, si bonne qu'elle soit, ne doit pas être simplement continuée par l'instituteur. Celui-ci doit faire plus et micux,

doit faire autre chose. Quel est, en effet, l'idéal* des gens du peuple, je pourrais dire de l'immense majorité des parents, même dans les conditions exceptionnellement bonnes que nous avons supposées? Ils cherchent uniquement à donner à leurs enfants des habitudes, satisfaits lorsque l'enfant fait ce qu'ils souhaitent et ne fait pas ce qu'on lui défend. Éducation essentiellement routinière, et par cela même d'ordre inférieur, même quand la routine est de bon aloi et accompagnée d'excellents senti

ments.

L'instituteur doit faire d'abord une besogne analogue: fortifier les bonnes habitudes, et continuer la lutte contre les mauvaises; mais il doit déjà faire davantage, donner à l'enfant des habitudes nouvelles et plus délicates, et, s'il y a lieu, des goûts plus relevés. Dans les premières années, dans les premiers mois surtout, sa tâche se borne là, et nous lui demanderons instamment d'éviter tout d'abord les formules abstraites. A sept ans, l'enfant n'a pas encore toutes les habitudes bonnes qu'il doit avoir, et celles mêmes qu'il a ne sont pas aussi fortes qu'elles doivent le devenir. Il faut continuer à le former au bien, en lui imprimant, pour ainsi dire à son insu, des façons correctes d'agir et de sentir. Les préceptes généraux seraient vains à cet âge; ils sont rebutants et secs, parce qu'ils sont abstraits, et ils demeurent inefficaces. Rappelons-nous la remarque de Herbert Spencer*, ce n'est pas seulement avec les enfants, c'est avec tous les esprits distraits et de peu de culture que les admonestations manquent leur but. (Introduction à la science sociale, ch. xv). Nous lisons de même dans Montaigne* : << Les hommes ne se rendent pas courageux et belliqueux sur le champ par une bonne harangue, non plus qu'on ne devient incontinent musicien pour ouïr une bonne chanson... Ce sont apprentissages qui ont à être faits avant la main par longue et constante institution. Nous devons ce soin aux nôtres, et cette assiduité de correction et d'instruction. » (Essais, Livre III, Chap. VIII).

Mais cette assiduité de correction n'épuise pas, tant s'en

« السابقةمتابعة »