Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savans de l'Europe

Corpusculaire, eft celle dont Cudworth fit choix. Il s'attacha avec affez de fuccès à la pouffer & l'éclaircir en diverses maniéres. Mais pour ce qui regarde DIEU, les Intelligences, les Génies, les Idées primitives, en un mot, les Principes de toutes les Connoiffances Humaines, il fuivit fur tout PLATON, & les Sectateurs de ce Philofophe beaucoup moins anciens, que lui. La plupart des Savans trouvent, qu'il porta trop loin cet attachement pour le Platonisme, & ce n'eft pas fans raifon, au jugement de Mr. Mosheim. Car, dit-il, Cudworth avoit l'esprit fi fort rempli d'idées de cette Secte, il avoit tant lû & épluché les Livres des Platoniciens, que non feulement il eu défendit constamment les Dogmes, & quelques-uns même de faux, mais encore il en imita le ftile, chargé de termes difficiles à entendre, & de métaphores dures, approchant même du Poëtique. Mais, ajoûte-t-on, il eft à excufer, parce que c'étoit alors la mode, dans le lieu où il vivoit. Tous ceux qui enfeignoient dans l'Univerfité de Cambridge, & qui s'oppofoient vivement aux principes d'HOBBES, (a) aimoient avec paffion la Philofophie Platonicienne, & s'en fervoient pour rembarrer le Philofophe profane de leur tems. Cela paroît par les Ecrits de (b) THE OPHILE GALE, d'HEN

(a) On cite là-deffus l'Evêque BURNET, dans les Mémoires de fon tems (pag. 187. de l'Original) où il parle de CUDWORTH, conjointement avec WITCHCOT, WILKINS, MORE, WORTHINGHTON. Cela fe trouve, dans la Traduction Françoife, imprimée à La Haïe en 1725. au Tom. I. pag. 373, & fuiv.

(4) On n'indique ici aucun de fes Ecrits. Mr. FA

BRI

RI (a) MORE, de THOMAS (6) BURNET, & autres. Dans l'Univerfité d'Oxford, au con traire, on méprifoit beaucoup la méthode & les idées particuliéres de cette ancienne Philofophie; & il ne faut, pour s'en convaincre, que voir quelques Livres , que SAMUEL PARKER (c) publia contre Platon dans ces tems-là.

En matiére de Théologie, on dit que Cudworth fut du nombre de ceux que l'on blâme ordinairement comme trop moderez, & à qui l'on donne à cause de cela le nom de Latitudinaires (d). Le principal en étoit alors (e) GUILLAUME CHILLINGWORTH, Théologien fort fubtil, & d'un excellent génie. Mais il eft difficile

BRICIUS, dans fon Recueil fur ceux qui ont défendu la Vérité de la RELIGION CHRETIENNE, pag. 303. attribue à THEOPHILE GALE, une Philofophie Générale en Latin; & un Livre Anglois, intitulé, La Cour des Gentils &c.

(a) J'ai fous mes yeux un Recueil d'Ouvrages Philofophiques de cet HENRI MORE, en Anglois, in folio, 2. Edit. de 1662. Mr. FABRICIUS (ubi fupr. pag. 497.") indique un autre Volume in folio, d'Oeuvres Théologiques, en Latin, imprimé à Londres, en 1677.

(6) On veut parler fans doute de celui, dont nous avons la Theoria Telluris Sacra, & les Archaologia Philofophica &c.

(c) On cite ici deux Ouvrages Anglois in quarto, imprimez en 1666. Ce SAMUEL PARKER fut depuis Evêque d'Oxford; & il a publié bien d'autres Livres.

(d) Mr. Mosheim cite ici un grand paffage de l'Evêque BURNET, (Tom. I. pag. 376, 377. de la Trad. Franc) d'où il paroit, qu'à cause de la modération, dont ces Théologiens faifoient profeffion, leurs Ennemis, & fur tout les Papiftes, les décrioient, comme Athées, Dexftes. ou pour le moins Sociniens.

(e) Il eft aujourd'hui connu par fon beau Livre, traduit en François, quoi qu'assez mal,

le de montrer par les Ecrits de Cudworth, qu'il aît été de cet ordre. Car quoi que, fur bien des chofes, il allégue les raifons pour & contre, laiffant aux Lecteurs la liberté de prendre tel parti qu'ils voudront, & quoi qu'il s'exprime quelquefois d'une maniére peu circonfpecte; il déclare néanmoins par tout, qu'il approuve & fuit la Doctrine reçue. Mais il avoit beaucoup d'éloignement pour l'opinion commune des Réformez rigides fur les Décrets abfolus de DIEU; comme il paroît par tout ce qu'il dit du Deftin, & autres chofes qui y ont du rapport. L'abus énorme que fait HOBBES de ce Dogme, pour établir fes principes impies, augmentoit l'averfion qu'il avoit d'ailleurs pour le Dogme même.

Une infinité de gens louent la Piété & la Modeftie de Cudworth; & on dit qu'il étoit d'une rare prudence. Mais fes Ennemis en prirent occafion de l'accufer de rufe & de diffimulation. En quoi on lui faifoit tort, comme le dit l'Evêque (a) BURNET, dont Mr. Mosheim rapporte & approuve le jugement. Mais, ajoûte celuici, il eft certain que Cudworth, en parlant de plufieurs Dogmes, s'exprime dans fes Ecrits, avec tant de referve, & quelquefois d'une maniére fi ambiguë, qu'on ne peut guéres favoir ce qu'il en penfoit véritablement. Les tems où il vivoit, femblent avoir demandé de lui ces ménagemens.

(a) CUDWORTH was a man of great conduct and pru dence: upon wich his enemies did very falsly accuse him of craft and diffimulation. Pag. 187. de fon Hiftory of his own sime

Il forma le plan d'un grand nombre d'Ouvrages: mais ce qu'il en publia lui-même est peu de chofe, en comparaifon de fes vaftes projets. Voici la liste des Livres, qu'il mit au jour.

1. Discours, où l'on donne une jufte idée de la SAINTE CE'NE. En Anglois, in quarto, imprimé à Londres en 1642. On ne voit fur le titre, que les deux prémiéres lettres du nom de l'Auteur, R. C. L'Ouvrage fut depuis imprimé plufieurs fois in duodecimo; & même in folio, pour pouvoir être joint au Systême Intellectuel. BoCHART, SPENCER, SELDEN, & autres, l'ont cité avec éloge.)

2. L'union typique de JE'SUS-CHRIST & de l'EGLISE. En Anglois auffi, & la même Année 1642. in quarto. On joint ordinairement cette petite piéce à la précedente. Quelques Anglois ont appris à Mr. Mosheim, qu'elle fut com pofée de deux Sermons, joints enfemble, que Cudworth avoit prononcez dans fon Eglife. Mais nôtre Traducteur a de la peine à le croire, parce qu'on y trouve beaucoup d'érudition, & que la matiére n'eft pas propre à animer la Piété des Auditeurs, devant lesquels un Prédicateur aa parler. Il pourroit néanmoins fe faire, que Cud worth, en donnant la forme de Traité à fes deux Sermons, fondus enfemble, les eût beaucoup étendus, & tournez autrement qu'il ne les avoit prononcez en Chaire. On a des Sermons du Docteur BAR Row, où l'Erudition n'eft point épargnée.

3. Le véritable SYSTEME INTELLEC TUEL de l'Univers I. Partie dans laquelle on Tome XIII. Part. I.

réfute

refute toutes les Raifons & toute la Philofophie des
Athées, & l'on démontre l'impossibilité de l'Athéïs-
me(c'est-à-dire, de la non-existence d'un DIEU).
En Anglois, in folio(a) à Londres, 1678. Mrǝ
Mosheim fait ici, fur ce grand Ouvrage, des re-
marques, que nous joindrons plus bas avec ce
qu'il dit ailleurs dans fa Préface, & dont elles font
un fupplément.