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tourneroient enfin à DIEU. Cependant on voioit, que la plupart des Ames ne penfoient à rien moins qu'à cette purification, & qu'au contraire, en fe plongeant dans les Vices, elles fe fouilloient de plus en plus. On les tint à cause de celá pour condamnées à un long banniffement, de forte que délivrées d'un Corps, elles paffoient auffi tôt dans un autre, jusqu'à ce qu'elles euffent dépouillé leur laideur, & lavé leurs tâches, defagréables à DIEU.

PARMI le nombre prodigieux de Paffages, que Cudworth (a) a entaffez, pour montrer que les Paiens les plus éclairez ont cru l'Unité d'un Dieu Suprême, il en allégue plusieurs, qui ne prouvent rien. En voici deux exemples. (b) Deos adeunto cafte, opes amovento: fi fecus faxint, Deus ipfe vindex efto (c). C'eft une Loi des XII. TABLES, felon Cudworth; ou plûtôt, comme le remarque fon Traducteur, une Loi de la façon de CICE'RON même. Il auroit pu ajoûter, qu'elle n'est pas rapportée exactement; car il y a dans le Texte: Ad Divos adeunto &c Voilà, dit Cudworth, le mot de Dii pris d'abord dans une généralité, qui renferme également le Dieu Suprême & les Divinitez Inférieures: puis Deus ipfe, qui fignifie feulement le Dieu unique, fupérieur à tous les autres. Mais, remarque très-bien Mr. Mosheim, on ne fauroit inferer de ce paffage, comme le prétend l'Auteur, que Deus ipfe fut une formule, dont on se ser

(a) Cap. IV. (b) Ibid. §. 14. pag. 301.
(✔) CICERON, De Legib. Lib. II. Cap. 8.

voit

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voit pour défigner le Dieu Suprême. Car Ciceron veut dire feulement, que, fi les Hommes négligent de venger les injures faites à DIEU, il en prendra lui-même vengeance. Les paroles d'ailleurs ont un tout autre fens, que celui que Cudworth y trouve. Cicéron veut, qu'on s'approche, avec des fentimens purs, des Dieux, quels qu'ils foient, établis par autorité publi que: & il ajoûte, que, fi l'on manque à cela, on peut bien cacher fon crime aux Hommes, qui ne fauroient pénetrer dans les recoins du Coeur, mais non pas au Dieu même, que l'on a offenfé; & que ce Dieu fera lui-même le vengeur de la profanation. Ainfi il s'agit de toute forte de Dieu, & non pas du feul Suprême.

L'AUTEUR eft encore plus mal fondé à trouver cette Divinité fuprême dans un vers d'EuRIPIDE: (a)

Λύσει με ὁ Δαίμων αυτὸς, ὅταν ἐγὼ θέλω :

qui a été ainfi rendu en Latin par HORACE, (b) mais dans un tout autre fens:

Ipfe Deus, fimulatque volam, me folvet.

Le Aaipar avròs du Poëte Grec, eft ici manifeftement Bacchus, comme il paroît par toute

(a) In Bacchis, verf. 498.

la

(6) Lib. I. Epift, XVI. verf. 78. où Cudworth met volet, au lieu de volam. Mr. Mosheim renvoie auffi, fur le fens du paffage d'HORACE, eux Notes de Mг. DACIER.

la fuite du difcours : & c'eft lui-même, mais déguifé, qui dit à Penthée, fur ce que celui-ci l'avoit menacé de le faire mettre en prison: Le Dieu même Bacchus m'en tirera, quand je voudrai.

C'EST une queftion entre les Savans, fi le fameux Poëte ÒRPHE'E a jamais exifté? Toute l'Antiquité le témoigne un feul paffage de (a) CICERON, où cet Orateur nie l'existence d'Orphée, & en donne pour garant ARISTOTE, a fait révoquer en doute une chofe fur quoi on ne fe feroit pas avisé fans cela de former la moindre difficulté. Cudworth (b) tâche d'expliquer le paffage de Cicéron d'une autre maniére; & il ajoûte, que, fuppofé que les paroles ne foient pas fufceptibles d'une Interprétation favorable, l'autorité du feul Ariftote ne fauroit être ici d'aucun poids. Il a été déja remarqué, dans (c) cette Bibliothéque, qu'à confiderer toute la fuite du difcours de Cicéron, on ne fauroit entendre autrement ses paroles, que dans le fens qui attribue à Ariftote d'avoir nettement nié qu'il y eût eu un Orphée. Nous fommes ravis de voir, que Mr. Mosheim eft précisément de même opinion, & à peu près par les mêmes raifons; quoi qu'il ne paroiffe pas avoir lû, ou remarqué, ce que nous avons dit là-deffus.

LES admirateurs outrez d'HOME'RE ne ceffent d'étaler la haute idée qu'il avoit de l'unité

(a) De Natur. Deor. Lib. I. Cap. 38, (b) Cap. IV. § 17. pag. 341.

(c) Tom. VI. Part. II. pag. 413, 414.

d'un

d'un Dieu fuprême; & Cudworth (a)' fait tout ce qu'il peut pour montrer, que l'opinion de ce Poëte là-deffus étoit fans aucun mélange d'erreur. Voici comment Mr. Mosheim fe déclare ici & contre fon Auteur, & contre ceux qui ont encore pouffé plus loin l'admiration aveugle pour le Prince des Poëtes. Je fuis, dit-il, trèsdispofé à prendre le parti d'Homére, autant que la Vérité & la Raifon le permettent : mais lors qu'elles s'y oppofent, ni Homére, ni aucun autre Auteur plus éclairé & plus fage encore, ne méritent pas, à mon avis, de trouver des Défenfeurs. Je conviens fans difficulté, que le Jupiter d'Homére eft représenté comme Chef & Maître de tous les autres Dieux, & comme aiant d'ailleurs un empire fuprême fur tout l'Univers. Cela paroît par une infinité de paffages de fes Poëines. Mais je ne fai fi l'on peut accorder, que ce Poëte aît eu de fon Jupiter, les mêmes idées qu'avoient les Sages du Paganisme & que les Chrétiens ont du Créateur Souverain de l'Univers. A la vérité, Homére parle fouvent, en termes magnifiques, de la Puiffance & de la Sagefle de Jupiter; ce qui eft caufe fans doute que des Savans très-diftinguez n'ont rien trouvé à redire dans fes fentimens. Mais, fans nous arrêter à faire confiderer qu'on ne doit pas juger de la Poëfie & des expreffions Poëtiques, fur le même pié que des discours d'un Philofophe; on voit, dans Homére, une infinité de choles attribuées au Pére des Dieux, lesquelles ne fauroient convenir à une Majefté Souveraine, & qui montrent que le Poëte concevoir fon Jupi

(4) Cap. IV, S. 19. pag. 428, & jigg.

Jupiter très-bon & très-grand, comme étant de même origine, de même nature, & de même caractére, que les autres Divinitez qu'il introduit. Il fuffit d'en donner quelques exemples, parmi un grand nombre qui fe préfentent. Homére appelle fouvent Jupiter, Fils de Saturne, ou Olympien, c'eft-à-dire, Habitant d'Olympe. Le Dieu étoit donc, felon le Poëte, né de Saturné, comme portoit la Tradition des Grecs, & il avoit autrefois eu fon domicile fur le mont Olympe, ainfi que les mêmes Grecs le difoient de Jupiter, Roi de Theffalie. Eft-ce là l'idée d'un Dieu qui n'a ni commencement, ni foibleffe, ni vice? Bien plus: Homére donne à Jupiter une origine, qui n'eft guéres plus noble que celle des autres Dieux & le fait fortir comme eux de l'Océan. Il eft facile de le prouver. Homére fans contredit met Saturne au nombre des Dieux. Saturne eft donc, felon lui, né de l'Océan: car il dit quelquefois, que tous les Dieux font nez de là. Or Jupiter & Junon étoient Enfans de Saturne; comme il paroît par (a) plufieurs endroits du Poëte. De plus, Junon (b) raconte elle-même, comment elle fut élevée dans la Maison de l'Océan & de Tethys, de même que les Petits-Fils le font chez leurs Grands-Péres. Ainsi voilà Jupiter, qui par Saturne descend de l'Océan, ainfi que tous les autres Dieux. Peut-on fe réfoudre à confondre un tel Dieu, avec le Créateur Souverain de tou

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(a) Voicz, par exemple, Iliad. Lib. XIV. vers. 243, 247. (b) Iliad. Lib. XIV. verf. 302, 303.

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