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services, vous ne me verriez pas dans cet état. Si l'empereur, répondit le monarque attendri, avoit connu vos malheurs, il les auroit adoucis, vous auriez dû lui présenter un mémoire, et employer quelqu'un qui lui eût exposé vos besoins. Je l'ai fait, répliqua-t-elle, mais inutilement; le seigneur à qui je m'étois adressée, m'a dit qu'il n'avoit jamais pu rien obtenir. On vous a déguisé la vérité, ajouta le prince, en dissimulant la peine qu'un tel aveu lui faisoit; je puis vous assurer qu'on ne lui aura pas dit un mot de votre situation, et qu'il aime trop la justice pour laisser périr la veuve et la fille d'un officier qui l'a bien servi: faites un mémoire, apportezle moi demain au château, en tel endroit, à telle heure; si tout ce que vous dites est vrai, je vous ferai parler à l'empereur, et vous en obtiendrez justice. La jeune personne, en essuyant ses pleurs, prodiguoit des remercimens à l'inconnu, lorsqu'il ajou'a: Il ne faut cependant pas vendre les hardes de votre mère; combien comptiez-vous en avoir? - Six ducats, dit-elle. Permettez que je vous en prête douze, jusqu'à ce que nous ayons vu le succès de nos soins. A ces mots, la jeune fille vole chez elle, remet à sa mère les douze ducats avec les hardes, et lui fait part des espérances qu'un seigneur inconnu vient de lui donner, elle le dépeint, et des parens qui l'écoutoient reconnoissent l'Empereur dans tout ce qu'elle en dit. Désespérée d'avoir parlé si librement, elle ne peut se résoudre à aller le lendemain au château; ses parens l'y entraînent; elle y arrive tremblante, voit son souverain dans son bienfaiteur, et s'évanouit. Cependant le prince, qui avoit demandé la veille le nom de son père et celui du régiment dans lequel il avoit servi, avoit pris des informations, et avoit trouvé que tout ce qu'elle lui avoit dit étoit vrai. Lorsqu'elle eut repris ses sens, l'Empereur la fit entrer avec ses parens dans son cabinet, et lui dit de la manière la plus obligeante : Voilà, mademoiselle, pour madame votre mère, le brevet d'une

pension égale aux appointemens qu'avoit monsieur votre père, dont la moitié sera reversible sur vous, si vous avez le malheur de la perdre; je suis fâché de n'avoir pas appris plutôt votre situation, j'aurois adouci votre sort. Depuis cette époque, ce prince a fixé un jour par semaine, où tout le monde est admis à son audience,

ANECDOTE

Sur les effets de l'éloquence de Massillon.

MASSILLON dut moins à des syllogismes, qu'à des mouvemens, les prodiges que l'antiquité doit envier à l'éloquence moderne. Lorsqu'il peint le petit nombre des élus, un frémissement agite ses nombreux auditeurs; la crainte resserre leur cœur, décolore leur visage, défigure leurs traits; un saisissement de frayeur s'empare de plus de trois mille hommes, qui se lèvent tous par un mouvement involontaire. Cette anecdote a été transcrite dans presque tous les ouvrages modernes qui traitent de l'éloquence; mais il est un trait qui ne fait pas moins d'honneur à Massillon, et qui n'est pas assez connu.

Le fameux Rollin conduit les pensionnaires du collége de Beauvais à S. Leu, où l'orateur devoit prêcher sur la Sainteté du Chrétien; ces enfans, en écoutant ce nouveau Chrysostôme, les yeux tantôt baissés, tantôt fixés sur le ministre de la divine parole, oublient la légèreté que semble excuser leur âge, parce qu'elle le caractérise; ils retournent à leur école, dans un silence profond, qui étonne et inquiète tous les passans plusieurs de ces élèves se condamnent à des mortifications dont on est obligé de mitiger la rigueur.Si Massillon n'eût parlé qu'à leur esprit, auroit-il fait cette impression sur leurs cœurs?

La probité récompensée.

PERRIN avoit reçu le jour en Bretagne dans un village auprès de Vitré. Né pauvre, et ayant perdu son père et sa mère avant de pouvoir en bégayer les noms, il dut sa subsistance à la charité publique ; il apprit à lire et à écrire, son éducation ne s'étendit pas plus loin. A l'âge de quinze ans, il servit dans une petite ferme, où on lui confia le soin des troupeaux. Lucette, une jeune paysanne du voisinage, fut dans le même temps chargée de ceux de son père; elle les conduisoit dans des pâturages, où elle voyoit souvent Perrin, qui lui rendoit tous les petits services qu'on peut rendre à son âge et dans sa situation. L'habitude de se voir, leurs occupations, leur bonté mutuelle, leurs soins officieux, les attachèrent l'un à l'autre. Perrin se proposa de demander Lucette en mariage à son père. Lucette y consentit, mais elle ne voulut pas être présente à cette visite. Elle devoit aller le lendemain à la ville; elle pria Perrin de choisir cet instant, et de venir le soir au-devant d'elle, pour Tui apprendre comment il auroit été reçu.

Le jeune homme, au temps marqué, vola chez le père de Lucette, et lui déclara avec franchise qu'il aimoit sa fille, et qu'il voudroit bien l'épouser. Tu aimes ma fille ? interrompit brusquement le vieillard: tu voudrois l'épouser! Y songes-tu, Perrin? comment feras-tu? as tu des habits à lui donner, une maison pour la recevoir, et du bien pour la nourrir? Tu sers; tu n'as rien; Lucette n'est pas assez riche pour fournir à ton entretien et au sien. Perrin, ce n'est pas ainsi qu'on se met en ménage. J'ai des bras, je suis fort, on ne manque jamais de travail ? quand on l'aime ; et que ne ferai-je pas quand il s'agira de soutenir Lucette! jusqu'à présent j'ai gagné cent écus tous les ans, j'eu ai amassé vingt, ils feront

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les frais de la noce : j'en travaillerai davantage, mes épargnes augmenteront, je pourrai prendre une petite ferme les plus riches habitans de notre village ont commencé comme moi; pourquoi ne réussirois-je pas comme eux? — Eh bien, tu es jeune, tu peux attendre encore, deviens riche, et ma fille est à toi; mais jusqu'à ce moment, ne m'en parle pas.

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Perrin ne put obtenir d'autre réponse; il courut chercher Lucette, il la rencontra bientôt il étoit triste : elle lut sur son visage la nouvelle qu'il venoit lui annoncer. -Mon père t'a donc refusé? —— Ah! Lucette, que je suis malheureux d'être né si pauvre ! mais je n'ai pas perdu toute espérance, ma situation peut changer: ton mari n'auroit rien épargné pour te procurer de l'aisance! ferois-je moins pour devenir ton mari? Va, nous serons unis un jour : conserve-moi toujours ton cœur, souviens-toi que tu me l'as donné.

En parlant ainsi, ils étoient toujours sur la route de Vitré; la nuit qui s'avançoit, les pressoit de regagner leurs maisons; ils alloient fort-vite. Perrin fait un faux pas, et tombe; en se relevant, ses mains cherchent ce qui a causé sa chute; c'étoit un sac assez pesant; il le ramasse; curieux de savoir ce qu'il contient, il entre avec Lucette dans un champ où brûloient encore des racines auxquelles les laboureurs avoient mis le feu pendant le jour; et à la clarté qu'elles répandent, il ouvre le sac, et y trouve de l'or. Que vois-je ! s'écria Lucette; ah! Perrin, tu es devenu riche! Quoi, Lucette! je pourrois te posséder? le ciel favorable à nos desirs, m'auroit-il envoyé de quoi satisfaire ton père, et nous rendre heureux ? Cette idée verse la joie dans leurs ames; ils contemplent avidement leur trésor : puis après s'être regardés un moment avec tendresse, ils se mettent en chemin pour aller sur-le-champ le montrer au vieillard; ils étoient près de sa maison, lorsque Perrin s'arrête. Nous n'attendons notre bonheur que de cet or, dit-il à Lucette, mais est-il à nous ? sans

doute il appartient à quelque voyageur; la foire de Vitré vient de finir; un marchand, en retournant chez lui, l'a vraisemblablement perdu; dans ce mo→ ment où nous nous livrons à la joie, il est peut-être en proie au désespoir le plus affreux. Ah! Perrin, ta réflexion est terrible! le malheureux gémit sans doute; pouvons-nous jouir de son bien ? Le hasard nous l'a fait trouver, mais le retenir est un vol. Tu me fais frémir!...... nous allions le porter à ton père, il nous auroit rendus heureux.... mais peut-on l'être du malheur d'autrui? Allons voir M. le recteur (c'est le noms que les Bretons donnent à leurs curés), il a toujours eu mille bontés pour moi, il m'a placé dans la ferme, et je ne dois rien faire sans le consulter.

Le recteur étoit chez lui; Perrin lui remit le sac qu'il avoit trouvé, et avoua qu'il l'avoit regardé d'abord comme un présent du ciel; il ne cacha pas son amitié pour Lucette, et l'obstacle que sa pauvreté mettoit à leur union. Le pasteur l'écoute avec bonté; il les regarde l'un et l'autre; leur procédé l'attendrit; il voit toute l'ardeur de leur tendresse, et admire la probité qui lui est encore supérieure; il applaudit à leur action Perrin, conserve toujours les mêmes sentimens, le ciel te bénira, nous retrouverons le maître de cet or, il récompensera ta probité; j'y joindrai quelques-unes de mes épargnes; tu posséderas Lucette, je me charge d'obtenir l'aveu de son père; vous méritez d'être l'un à l'autre : si l'argent que tu déposes entre mes mains n'est point réclamé, c'est un bien qui appartient aux pauvres; tu l'es, je croirai suivre l'ordre du ciel en te le rendant, il en a déjà disposé en ta faveur.

Les deux jeunes gens se retirèrent satisfaits d'avoir fait leur devoir, et remplis des douces espérances qu'on leur donnoit. Le recteur fit crier dans sa paroisse le sac qu'on avoit perdu ; il le fit ensuite afficher à Vitré et dans tous les villages voisins. Plusieurs hommes avides se présentèrent ; mais aucun n'indi

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