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ples de désintéressement et de pauvreté que l'antiquité nous fournit, sont trop surannés pour le siècle où nous vivons, et que nos mœurs ne comportent plus une vertu si mâle et si robuste. On peut en citer plusieurs tirés de l'histoire moderne.

LE fameux Turenne ne sut-il pas se garantir de la passion de l'argent, dans un siècle où ce vice fut le plus dominant? Etant dans le comté de la Marck, en Allemagne, un officier-général vint lui proposer de lui faire gagner cent mille écus en quinze jours par le moyen des contributions, et cela d'une manière que la cour n'en auroit aucune connoissance, Il lui répondit qu'il lui étoit bien obligé; mais qu'après avoir trouvé beaucoup de ces sortes d'occasions sans en avoir jamais profité, il n'étoit pas d'avis de changer de conduite à son âge.

Lorsqu'il commandoit en Allemagne, une ville neutre, qui crut que l'armée du roi alloit de son côté, fit offrir à ce général cent mille écus, pour l'engager à prendre une autre route, ef pour le dėdommager d'un jour ou deux de marche qu'il en pourroit coûter de plus à l'armée. « Je ne puis, en conscience, accepter cette somme, répondit M. de Turenne, parce que je n'ai pas eu intention de passer par cette ville.

M. DE TURENNE, content de son patrimoine, qu'il employoit au service de son prince et de sa patrie, ne chercha jamais à l'agrandir, surtout aux dépens d'autrui. Le cardinal Mazarin, maître des graces, voulant reconnoître les services qu'il avoit rendus à la couronne, et en faire le principal appui de son ministère, lui offrit le duché de Château-Thierry: il est peu de cadets, de quelque maison que ce soit, qui n'eussent accepté l'offre avec joie. Néanmoins, comme ce duché étoit du nombre des terres que le conseil avoit proposé de joindre ensemble pour faire l'équivalent que l'on devoit donner au duc de Bouillon, son frère, en échange de Sedan, il remercia le

cardinal, quoique celui-ci l'assurât qu'on remplaceroit ce duché par quelque autre terre, il le refusa toujours avec la même générosité.

LE maréchal de Boucicaut ne laissa qu'un fils âgé de trois ou quatre ans, qui fut depuis maréchal de France et gouverneur de Gênes. Il ne s'étoit pas soucié de lui amasser de grands biens. Ses amis le blâmoient un jour de n'avoir pas profité de la faveur du roi Jean, son maître : « Je n'ai rien vendu, leur répondit-il, de l'héritage de mes pères, je n'y ai rien non plus augmenté: si mon fils est homme de bien, il en aura assez; mais s'il ne vaut rien, il en aura trop, et fera grand dommage. » Belle leçon pour les jeunes officiers!

LE connétable Duguesclin, à qui ses belles actions ont mérité les faveurs des trois rois, Jean 1er, Charles V et Charles VI, avoit un souverain mépris pour l'argent; il ne le recevoit de la libéralité du roi, que pour le distribuer à ses soldats. Quoiqu'il se fût trouvé dans des occasions prochaines d'accumuler de grands biens, il en laissa moins à sa famille qu'il n'en avoit reçu d'elle.

LE maréchal de Fabert étoit si peu attaché aux richesses, qu'il sacrifioit généreusement tout son bien au service du roi : dans beaucoup d'occasions, il faisoit travailler les soldats et élever des fortifications à ses dépens. Lorsque son épouse ou ses plus intimes amis lui représentoient que, par ses dépenses, il ôtoit à sa famille un bien qu'il étoit obligé de lui conserver, il répondoit : « Si, pour empêcher qu'une place que le roi m'auroit confiée ne tombât au pouvoir des ennemis, il falloit mettre à une brèche que je verrois faire, ma personne, ma famille et tout mon bien, je ne balancerois pas à le faire. »

L'ILLUSTRE Jean de la Vacquerie, premier président du parlement de Paris, mourut dans une si grande pauvreté, que le roi Louis XI prit soin de sa famille, et l'établit à ses dépens.

Les siècles futurs accuseront-ils ces grands hommes, qui ont montré tant de mépris pour les richesses, d'avoir avili, ou la noblesse de leur naissance, ou la dignité de leur rang? Ne sont - ce pas au contraire ces qualités mêmes qui les ont rehaussés davantage, et qui leur ont attiré plus universellement l'estime, l'amour et l'admiration de la postérité ?

Le sage content de peu.

Nous avons eu de nos jours un prince (monseigneur le duc de Bourgogne) dont la Frånce regrettera éternellement la perte par beaucoup d'autres endroits, et en particulier à cause de l'éloignement extrême qu'il avoit pour tout faste et pour toute dépense inutile. On lui proposoit d'embellir un appartement par des cheminées plus ornées et plus à la mode: comme il n'y avoit point de nécessité, il aima mieux conserver les anciennes. Un bureau de quinze cents livres, qu'on lui conseilloit d'acheter, lui parut d'un trop grand prix; il en fit chercher un vieux dans le garde-meuble, et il s'en contenta : il en étoit ainsi de tout, et le motif de ces épargnes étoit de faire de plus grandes libéralités.

Il n'avoit encore que douze ans, lorsqu'apprenant la conversion du célèbre La Fontaine, et le renoncement au profit qui devoit lui revenir d'une édition de ses contes en Hollande, il lui envoya une bourse de cinquante louis; le gentilhomme qui en fut le porteur, assura de sa part que c'étoit tout l'argent qu'il avoit pour le présent, mais qu'il ne s'en tiendroit point là. Quelle bénédiction pour un royaume, et quel présent du ciel, qu'un prince de ce caractère!

ARNAUD D'OSSAT, si célèbre par son adresse merveilleuse dans les négociations, quoiqu'il ne fût pas meublé à beaucoup près en cardinal, ne voulut pourtant pas accepter l'argent, le carrosse et les chevaux,

ni le lit de damas rouge que le cardinal de Joyeuse lui envoya présenter trois semaines après sa promotion: « Car, dit-il, encore que je n'aie point tout ce qu'il me faudroit pour soutenir cette dignité, si est-ce que je ne veux pas pour cela renoncer à l'abstinence et modestie que j'ai toujours gardées. » Une telle disposition est bien plus rare et bien plus estimable qu'un magnifique équipage et qu'un riche ameublement.

Ce n'est point parmi les grands et les riches que se trouve la félicité; mais plutôt parmi les pauvres et les gens d'une fortune médiocre. L'exemple suivant, aussi curieux qu'instructif, en est-une preuve.

Le maréchal de Montmorency, voyageant dans le Languedoc, suivi de quelques gentilshommes, s'entretenoit avec eux de ce qui peut faire le bonheur de la vie. Il aperçut dans le même instant quatre laboureurs assis au loin sur l'herbe, qui dînoient à l'ombre d'un buisson, La curiosité le prit de les approcher; leur ayant fait plusieurs questions, il les pria de lui avouer sincèrement s'ils s'estimoient heureux. Il y en eut trois qui répondirent qu'ils l'étoient, parce qu'ils avoient une femme et des enfans tels qu'ils le souhaifoient.

Le duc demanda à l'autre s'il étoit aussi content que ses compagnons. Le bon homme répondit que ce qui l'en empêchoit étoit de se trouver hors d'état d'acquérir un héritage que ses parens avoient autrefois possédé « Si tu l'avois, reprit le duc, te croirois-tu parfaitement heureux ? » Autant, répondit-il, que je puisse l'être. Alors M. de Montmorency se tournant vers un de ses gentilshommes : « Je vous prie que je puisse dire avoir rendu un homme heureux une fois en ma vie. » Il lui fit donner deux cents pistoles, qui étoit la somme nécessaire pour acheter l'héritage que le laboureur souhaitoit.

LE chevalier Bayard fut l'homme du monde qui sut mieux se contenter de peu, et qui montra tou

jours une souveraine indifférence pour les richesses. Ayant enlevé aux Espagnols une somme de quinze mille ducats, il prenoit plaisir à les remuer sur la table, et il dit à ses soldats en riant : « Camarades, ne sont-ce pas là de belles dragées, et ne vous donnent-elles pas quelque envie d'en goûter? » Le capitaine Tardieux s'écria seul du milieu de la troupe : « Que nous sert-il d'en vouloir tâter? c'est un mets qui n'est pas pour nous. » Puis baissant un peu la voix : « Si j'avois, ajouta-t-il, la moitié de cet argent, je serois heureux et homme de bien toute ma vie.» Bayard le prit au mot; et lui comptant la moitié de la somme, lui fit promettre de tenir sa parole. Le reste fut distribué aux officiers et soldats.

Souffrir avec peine la louange, et parler de soi avec modestie.

PERSONNE n'a jamais remarqué qu'il soit échappé à M. de Turenne la moindre parole qu'on pût soupçonner de vanité. Remportoit-il quelque avantage? à l'entendre, ce n'étoit pas qu'il fût habile, mais l'ennemi s'étoit trompé. Rendoit-il compte d'une bataille? il n'oublioit rien, sinon que c'étoit lui qui l'avoit gagnée. Racontoit-il quelques-unes de ces actions qui l'avoient rendu si célèbre ? on eût dit qu'il n'en avoit été que le spectateur, et l'on doutoit si c'étoit lui qui se trompoit ou la Renommée. Revenoit-il de ces glorieuses compagnes qui rendront son nom immortel? il fuyoit les acclamations populaires; il rougissoit de ses victoires; il venoit recevoir des éloges, comme on vient faire des apologies; il n'osoit presque aborder le roi, parce qu'il étoit obligé, par respect, de souffrir patiemment les louanges dont sa majesté ne cessoit de l'honorer.

LE cardinal Mazarin avoit fait faire une relation de la journée de Bleneau, laquelle, selon l'expres

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