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tropher ainsi: «Si ta mort est l'objet des vœux dé > tant de citoyens, es-tu digne de vivre ? quand fini»ront les supplices? quand cesseras-tu de verser le »sang? ta tête est exposée en butte aux coups de la » jeune noblesse, qui compte s'immortaliser en t'égorgeant. Non, la vie n'est pas d'un assez grand prix, si pour t'empêcher de périr, il faut que tant » d'autres périssent. » Sa femme Livie, qui entendit tous ces discours, l'interrompit enfin. «Voulez-vous, » lui dit-elle, écouter les conseils d'une femme ? » Imitez les médecins qui, lorsque les remèdes ac» coutumés ne réussissent point, essaient leurs con» traires. Jusqu'ici vous n'avez rien gagné par la » sévérité. Lépidus a succédé à Salvidienus, Muréna » à Lépidus, Cépion à Muréna, Egnatius à Cépion, » pour ne point parler de tant d'autres que vous » avez fait repentir de leur audace; essayez mainte»nant de la clémence; pardonnez à Cinna; il est » découvert, il ne peut plus vous nuire; et la grace » que vous lui accorderez, peut vous procurer beau» coup de gloire. Auguste, charmé d'avoir trouvé quelqu'un qui approuvoit le parti de la douceur vers lequel il penchoit déjà lui-même, remercia tendrement son épouse, contremanda sur-le-champ ses amis; et ayant appelé Cinna seul, il fit sortir tout le monde de son appartement, lui ordonna de s'asseoir, et lui parla en ces termes : « J'exige, avant » tout, que vous m'écoutiez sans m'interrompre ; » que vous me laissiez achever ce que j'ai à dire » sans vous récrier : lorque j'aurai fini, vous aurez > toute liberté de répondre. Je vous ai trouvé, Cinna, » dans le camp de mes adversaires; vous n'étiez pas » seulement devenu mon ennemi, mais vous étiez » né pour l'être. Dans de telles circonstances, je » vous ai accordé la vie, je vous ai rendu tout votre > patrimoine. Vous êtes aujourd'hui si riche, et dans » une situation si florissante, que les vainqueurs > portent envie à la condition du vaincu. Je vous ai » accordé le sacerdoce que vous m'avez demandé §

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» en faisant un passe-droit à plusieurs autres, dont » les pères avoient servi dans mon armée. Après » vous avoir comblé de tant de bienfaits, vous avez » formé le projet de m'assassiner! A ce mot, Cinna s'étant écrié qu'une telle fureur étoit bien loin de sa pensée. « Vous ne me tenez point parole, reprit Auguste; nous étions convenus que vous ne m'in» terrompriez point. Oui, je vous le répète, vous >> voulez m'assassiner. » Il lui exposa ensuite toutes les circonstances, toutes les mesures prises; il lui nomma le lieu et les complices, et en particulier celui qui devoit porter le premier coup. En voyant alors que Cinna étoit consterné et gardoit un morne silence, non plus en vertu de la convention, mais par remords de conscience et par terreur, il ajouta : «Par quel motif avez-vous conçu un pareil dessein? » Est-ce pour régner à ma place? Assurément le

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peuple romain est bien à plaindre, si je suis le » seul obstacle qui vous empêche de devenir em» pereur à peine pouvez-vous gouverner votre mai» son. Dernièrement, un affranchi vous a écrasé par » son crédit dans une affaire particulière qui vous » intéressoit. Tout vous est difficile, excepté de conjurer contre votre prince et votre bienfaiteur. Voyons, examinons: suis-je le seul qui arrête >> l'exécution de vos projets ambitieux ? Pensez» vous réduire à supporter votre domination un » Paulus, un Fabius Maximus, les Cossus et les » Servilius, et tant d'autres nobles qui ne se parent » point d'un vain titre, et qui rendent à leurs an»cêtres l'honneur qu'ils en reçoivent?» Auguste continua de parler sur ce ton pendant plus de deux heures, alongeant exprès la durée de la seule vengeance qu'il prétendoit exercer sur le coupable. Il finit en lui disant : « Cinna, je vous ai autrefois donné la vie comme à mon ennemi, je vous la » donne maintenant comme à mon assassin. Comv mençons d'aujourd'hui à être sincèrement amis; efforçons-nous de rendre douteux si, en vous par

» donnant, j'aurai montré plus de générosité, que » vous ne ferez voir de reconnoissance. » Il donna ensuite à Cinna le consulat pour l'année suivante, en se plaignant de ce qu'il n'osoit pas le demander lui-même. Depuis ce temps, Auguste n'eut qu'à se féliciter de sa clémence. Cinna lui fut toujours fort attaché et très-fidèle; il le fit son légataire universel; et il n'y eut plus dans la suite de conspiration contre Auguste.

HENRI IV demanda un jour au jeune duc de Montmorency, quelle étoit la plus grande qualité d'un roi. Le duc répondit, sans hésiter, que c'étoit la clémence. Pourquoi la clémence, ajouta le roi,, plutôt que le courage, la libéralité, et tant d'autres vertus qu'un souverain doit posséder? C'est, répondit le duc, qu'il n'appartient qu'aux rois de pardonner ou de punir le crime en ce monde. Ce jeune due avoit l'idée de la solide gloire. Il rendoit en mêmetemps justice au caractère de Henri IV, qui fut de ses sujets le vainqueur et le père.

Le père de Joinville ayant formé des intelligences secrètes avec les ennemis de Henri IV, fut arrêté. Sa bonté sauva le coupable, et ayant fait venir le duc et la duchesse de Guise: Voilà, leur dit ce bon prince, le véritable enfant prodigue, qui s'est imaginé de belles folies; je lui pardonne pour l'amour de vous, mais c'est à condition, que vous le chapitrerez bien.

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Le même roi faisoit quelquefois des reproches au duc de Sully, de ce qu'il ne perdoit jamais de vue' le bien de l'état, quoique ses intérêts particuliers l'exigeassent souvent. Le ministre se servoit alors de la liberté qu'il avoit auprès de son maître, et l'écoutoit avec indifférence, Henri IV, s'en étant aperçu, lui demanda s'il le croyoit, assez lâche pour préférer quelque chose que ce fût au monde, au sou

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lagement de ses chers enfans.

«

LA MORALE

peuples, qu'il regardoit comme ses

SIRE (disoit le cardinal de Retz à Louis XIII), » la clémence est la vertu favorite des grands prin

> ces;

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au

milieu de leurs plus beaux triomphes, ils

font gloire de céder à la compassion. Quand vous Voyagez dans vos provinces, vous devez ressem

bler

ces à

fleuves qui portent par-tout l'abonne plaise que votre passage puisse

dance. A Dieu

se comparer à celui des torrens, dont les eaux

impétueuses

ravagent et ruinent tout. »

PONINE ET SABINUS.

Anecdote romaine.

SABINUS étoit un Romain qui, durant les guerres

s'engagea

civiles, Vespasien,

dans un parti contraire à celui de et prétendit même à l'Empire. Mais

quand la puissance de Vespasien fut bien établie, Sabinus ne s'occupa que des moyens qui pouvoient

le soustraire aux

persécutions, et en imagina un

aussi bizarre que nouveau. Il possédoit de vastes souterrains inconnus à tout le monde, et il résolut de s'y cacher. Cette lugubre retraite l'affranchissoit du moins de l'insupportable crainte des supplices, et d'une mort ignominieuse; et il y portoit l'espoir que peut-être quelque nouvelle révolution lui donneroit la possibilité de reparoître dans le monde. Mais parmi tant de sacrifices que sa situation le forçoit de faire, il en étoit un surtout qui déchiroit son cœur: il avoit une femme jeune, belle, sensible et vertueuse; il falloit la perdre, et lui dire un éternel adieu, ou lui proposer de s'ensevelir à jamais dans une sombre prison, et renoncer à la liberté, à la

société, à la clarté du jour. Sabinus connoissoit la tendresse et la grandeur d'ame d'Eponine, cette épouse si chère : il étoit sûr qu'elle consentiroit avec transport à le suivre et à ne vivre que pour lui; mais il craignit pour elle les regrets qui trop souvent succèdent à l'enthousiasme, et dont la vertu même ne garantit pas toujours; enfin, il eut assez de générosité pour ne vouloir pas abuser de celle d'Eponine, ou, pour mieux dire, il n'avoit qu'une idée imparfaite de la manière dont une femme peut aimer. Il ne mit dans sa confidence que deux affranchis qui le suivirent. Il assemble ses esclaves, leur persuade qu'il est décidé à se donner la mort : il les récompense, les congédie, brûle sa maison, et se sauve ensuite dans ses souterrains avec ses fidèles affranchis. Personne ne douta de sa mort. Eponine étoit absente; mais bientôt cette fausse nouvelle parvint jusqu'à elle, et l'abusa comme tout le monde: elle résolut de ne point survivre à Sabinus. Comme elle étoit observée et gardée avec soin par ses parens et ses amis, elle choisit à regret le genre de mort le plus lent, et refusa constamment toute espèce de nourriture. Cependant les affranchis de Sabinus, qui tour-à-tour sortoient chaque jour du souterrain, pour aller chercher les alimens, s'informèrent, par ordre de leur maître, de la situation d'Eponine, et apprirent qu'elle touchoit presque aux derniers momens de sa vie. Ce rapport fit connoître à Sabinus que, lorsqu'il s'étoit cru généreux, il n'avoit été qu'ingrat. Accablé d'inquiétude, pénétré de reconnoissance, il envoie sur-lechamp un de ses affranchis instruire Eponine de son secret et du lieu de sa retraite. Pendant que cette commission s'exécutoit, quelles durent être les craintes et l'impatience de Sabinus? Son messager trouvera-t-il Eponine vivante? si cette tendre épouse respire encore, la nouvelle qu'on lui porte ne lui causera-t-elle pas une révolution funeste? Sabinus, après avoir conduit Eponine sur le bord de sa tombe, va-t-il, par sa fatale imprudence, l'y préci

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