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tuée sur le bord d'une rivière qu'il falloit traverser, il monte avec toute sa suite sur un bateau qu'on lui avoit préparé. Ils n'y furent pas plutôt entrés, que le bateau, ne pouvant porter tant de monde, coule à fond, et le roi s'enfonce dans la bourbe. Un paysan, qui se trouvoit par bonheur sur le rivage, se jette aussitôt dans la rivière, et avec une dextérité merveilleuse, il va le retirer et le porter sur le bord de l'eau. Le prince, plein de reconnoissance, accorda à cet homme une pension considérable, et dota richement cinq filles qu'il avoit pour tout bien dans sa maison.

XVIII.

Alfonse voyageoit un jour à cheval: un page qui marchoit devant lui le blessa par étourderie, en tirant une branche d'arbre qui vint le frapper à l'œil, et dont il sortit du sang. Cet accident effraya d'abord tous les seigneurs de sa suite, qui accoururent aussitôt et s'empressèrent autour de lui. Le roi, malgré la douleur qu'il sentoit, les rassura et leur dit ensuite d'un air tranquille : « Ce qui me fait le plus de peine, c'est la peur et le chagrin de ce pauvre page qui est cause de ma blessure.

XIX.

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des

Son jardinier, avec qui il s'entretenoit un jour, lui ayant dit qu'on avoit trouvé l'art de corriger l'âcreté de la plupart des fruits sauvages par le moyen greffes Si cela est, répondit Alfonse, pourquoi n'aurois-je pas aussi le secret d'adoucir les mœurs de mes sujets, et, à force de travail et de culture, de les rendre meilleurs?

X X.

Un médecin appelé Gallus, homme d'esprit, mais fort avare, ne trouvant point que sa profession fût assez lucrative, s'avisa de la quitter pour se mettre dans la robe. Devenu avocat, et l'un des plus experts dans la chicane, il savoit si bien embrouiller une affaire en plaidant, et séduire la plupart des juges,

qu'ils rendoient ensuite des sentences injustes. Alfonse, dès qu'il en fut informé, le fit chasser du palais; et pour lui ôter même l'envie d'y revenir, déclara publiquement que toutes les causes qu'il entreprendroit à l'avenir de plaider, seroient autant de perdues.

XXI.

Etant un jour à table, il donna la coupe à Perretti, son échanson, lui disant de la porter à un seigneur qu'il estimoit beaucoup. L'échanson, brouillé mortellement avec cette personne, refusa de la lui présenter. Le roi lui commanda jusqu'à trois fois de le faire, jamais il ne voulut obéir. Alfonse perd enfin patience; enflammé de colère, il se lève de table, poursuit cet officier l'épée à la main ; mais au moment qu'il est prêt à le frapper, il jette tout-à-coup son épée en disant il vaut mieux te pardonner que d'écouter mon ressentiment et le plaisir de la vengeance.

XXII.

Lorsqu'il passoit devant Capoue avec son armée, un certain homme ayant la mine d'un soldat, vint à lui comme un furieux, arrêta d'abord son cheval par la bride, et ensuite se mit à lui dire des injures. Alfonse eut la patience de l'écouter, et attendit qu'il eût déchargé toute sa mauvaise humeur ; il continua ensuite son chemin sans lui répondre un seul mot, ni sans vouloir même le regarder.

XXIII.

Pendant qu'il faisoit le siége de Pouzzol, il venoit prendre tous les soirs l'air sur le bord de la mer. Un jour, en s'y promenant, il aperçut sur le rivage le cadavre d'un soldat ennemi, que les flots y avoient jeté. Touché de ce spectacle, il descendit aussitôt de cheval, et fit signe aux gens de sa suite de descendre pareillement, pour venir donner la sépulture à ce corps. Tous se mirent alors à creuser la terre pour

faire une fosse; Alfonse donnoit l'exemple, et travailloit comme les autres. On couvrit le mort d'un drap, et on l'ensevelit. Cette cérémonie achevée, le roi posa sur sa fosse une petite croix, qu'il prit la peine de façonner de ses propres maiņs.

XXIV.

Ce prince rencontra un jour sur son chemin un paysan qui étoit fort embarrassé, parce que son âne, chargé de farine, venoit de s'enfoncer dans la boue. Il descend aussitôt de cheval, et va pour le secourir. Arrivé à l'endroit où étoit l'âne, il se met avec le paysan à le tirer par la tête, afin de le faire sortir du bourbier. Un moment après qu'on l'eut retiré, les gens de la suite d'Alfonse arrivent, et voient le roi tout couvert de boue; ils s'empressent de l'essuyer, et lui font changer d'habits. Le paysan, fort étonné de voir que c'étoit le roi qui l'avoit si bien servi dans cette opération, commença à lui faire des excuses et à lui demander pardon. Alfonse le rassura avec bonté, et lui dit que les hommes étoient faits pour s'aider mutuellement.

XXV.

Une violente tempête qu'il essuya sur la mer, le força d'entrer dans une île; s'y étant mis à l'abri, il aperçut une de ses galères sur le point d'être engloutie dans les flots, avec l'équipage et les troupes qui s'y trouvoient. Ce spectacle excita sa compassion, et sur-le-champ il ordonna qu'on allât secourir ces malheureux. Alors ses gens, effrayés du danger, lui représentèrent qu'il valoit mieux laisser perdre un vaisseau, que d'aller exposer tous les autres à un naufrage. Alfonse n'écouta point cet avis; sans délibérer, il monte sur l'amiral, et part aussitôt pour leur porter un prompt secours. Les autres voyant que le roi s'exposoit avec tant de résolution, s'animent à cet exemple, et chacun s'empresse de le suivre. L'entreprise enfin lui réussit; mais il courut risque

de se perdre, tant elle étoit périlleuse. Alfonse dit après cette action : « J'aurois préféré d'être enseveli Hotte, plutôt que de voir périr sous mes yeux des misérables, sans leur prêter la main pour les secourir. »

dans la mer avec toute ma

XXVI.

Un militaire ancien dans le service, ayant obtenu de la cour un gouvernement considérable, en fut privé quelques années après par Alfonse, qui jugea à propos de le donner à un autre. L'officier fut si piqué de cette disgrace, qu'il sortit du royaume et alla parcourir l'Espagne, la. France et ensuite toute l'Allemagne, se plaignant partout de l'injustice du roi, sans même épargner les calomnies les plus atroces, qu'il semoit adroitement dans ces différentes cours, pour le rendre plus odieux. Comme il s'aperçut à la fin qu'il ne tiroit pas un grand profit de toutes ses déclamations, et que les ennemis d'Alfonse, après avoir pris plaisir à l'écouter, ne lui donnoient rien, il prit le parti de s'en retourner. Le roi, quelque temps après, sut qu'il s'étoit réfugié à Florence; il lui fit dire qu'il pouvoit revenir à la cour en toute sûreté, ajoutant ces paroles remarquables: « On n'a pas encore oublié vos services, mais votre offense est déjà oubliée. » Alfonse ne s'en tint pas à ces sentitimens, il voulut encore lui payer les frais du voyage, et lui fit même présent d'une somme d'argent considérable.

XXVII.

Un soir qu'Alfonse revenoit d'une expédition, marchant à quelque peu de distance de ses troupes, accompagné d'un seul officier, il entra dans un village, et descendit au premier gîte qu'il rencontra. Deux soldats, assis au coin du feu, se trouvoient alors en cette maison. Voyant entrer le roi, ils commencèrent à l'insulter sans le reconnoître, et lui dirent même, qu'ils ne souffriroient point qu'il logeât

dans cette auberge; qu'elle étoit déjà assez remplie, et que s'il ne se retiroit promptement, ils alloient lui jeter des tisons à la tête. Alfonse, loin de se fâcher de ces injures, n'en fit que rire. L'officier qui étoit avec lui alloit leur répondre d'une autre façon, s'il ne l'en eût empêché. Là-dessus ses gardes arrivèrent, et aussitôt il fut reconnu, Ces soldats effrayés se jetèrent à ses genoux, et lui demandèrent pardon de leur insolence. Alfonse les fit relever avec douceur, et voulut qu'on les retînt à souper avec les domestiques de sa suite.

XXVIII.

Le général des ennemis ayant été pris dans une bataille, et son armée entièrement défaite par Alfonse, qui commandoit ses troupes en personne, on se saisit d'abord de tous les papiers de cet officier. Il s'y trouva des lettres qui intéressoient le royaume, et même la personne du roi on vint aussitôt en donner avis à Alfonse, et lui dire qu'il étoit très-important qu'il les lût, tant pour sa propre sûreté, que pour découvrir les complices que cet officier avoit dans son parti. Le roi demanda alors à voir ces lettres, et ordonna qu'on lui apportât tous ces papiers; il les prit et les mit au feu sans vouloir les lire.

Pensées d'Alfonse sur la noblesse.

Le général Pissini s'étoit distingué par plusieurs belles actions pendant la guerre d'Italie; son mérite lui attira beaucoup d'envieux. Comme on parloit un jour de cet officier, et que chacun le combloit d'éloges, une personne de la compagnie se leva, et dit froidement: Cet homme qu'on élève si haut, et dont on fait tant de cas, n'est pourtant que le fils d'un boucher. Alfonse fut choqué de ce discours impertinent. «Apprenez, dit-il à cet envieux, que le fils d'un

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