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comportoient comme il seroit à souhaiter qu'ils le fissent, d'après l'exemple que nous allons citer.

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Un jour, douze personnes avoient dinė ensemble dans une maison; après le repas, on proposa de jouer, et l'on fit deux parties différentes, dans l'une desquelles il s'éleva entre deux officiers une dispute, suivie de quelques propos assez durs. Les autres personnes qui étoient présentes, s'empressèrent de l'apaiser, en leur disant qu'ils avoient tort tous deux. Ceux-ci cependant commençoient à s'échauffer, lorsqu'un autre officier de la compagnie, homme de tête, très-sage et très-sensé, fut à la porte de la salle, ferma la serrure à double tour, en mit la clé dans sa poche. Ensuite se tournant vers la compagnie, il dit personne ne sortira d'ici, qu'après que ces messieurs se seront accommodés. Il faut que celui qui est auteur de la querelle commence ( car c'est lui qui a le premier tort), à faire excuse à l'autre de ce qu'il lui a dit que celui qui se croit attaqué reçoive l'excuse, et témoigne qu'il est fâché d'avoir relevé avec trop de hauteur l'insulte qu'il croit qu'on lui a faite, et qu'ensuite ces deux messieurs s'embrassent et promettent de ne rien demander davantage. S'ils refusent de le faire, j'en porterai mes plaintes aux maréchaux de France, et je les prierai de donner des ordres pour empêcher un duel entre ees messieurs. La conduite de cet officier fut fort approuvée. La compagnie engagea les deux militaires à se faire des excuses respectives, et ils s'em-brassèrent.

ANECDOTE.

On ne doit pas juger un jeune officier d'après une première faute.

LE maréchal de Catinat se plaignit amèrement de la précipitation avec laquelle on jugeoit un officier, d'après une première faute, et croyoit au contraire qu'il étoit du devoir d'un général de lui fournir les noyens de la réparer. Il raconta souvent à ce propos une histoire qui lui étoit arrivée, sans qu'on ait jamais pu deviner qui y avoit donné lieu.

Un jeune homme très-recommandé par toute la cour, vint à son armée prendre le commandement d'un régiment. Le maréchal lui dit à son arrivée, que pour première preuve de considération, il lui donneroit le lendemain un détachement, et qu'il lui promettoit de rencontrer les ennemis. La promesse du maréchal fut accomplie : le détachement trouva les ennemis. Le jeune homme, étonné par le bruit et le sifflement des balles, tint une conduite scandaleuse pour l'armée. Tout le monde en parla; le maréchal fit tout ce qu'il put, pendant la journée, pour paroître ne pas entendre les différens discours. Quand la nuit fut venue, il envoya chercher ce jeune homme, lui parla de sa faute, et lui dit qu'il falloit opter entre le parti de la réparer ou de se faire capucin le même jour. Le jeune homme ne balance pas il commanda le lendemain un nouveau détachement, rencontra les ennemis, montra la plus grande valeur, et fut depuis, de l'aveu du maréchal de Catinat, un des meilleurs officiers qu'ait eu le Roi: il est, ou il sera maréchal de France, ajoutoit-il, pour éloigner plus sûrement les soupçons.

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TRAIT DE GÉNÉROSITÉ.

Le jeune Marseillais et le baron de M***.

UN jeune homme, nommé Robert, attendoit sur le rivage, à Marseille, que quelqu'un entrât dans un canot. Un inconnu s'y plaça; mais un instant après, il se préparoit à en sortir, malgré la présence de Robert, qu'il ne soupçonnoit pas d'en être le patron. Il lui dit, que puisque le conducteur de cette barque ne se montre point, il va passer dans une autre, Monsieur, lui dit le jeune homme, celle-ci est la mienne, voulez-vous sortir du port? - Non, Monsieur, il n'y a plus qu'une heure de jour. Je voulois seulement faire quelques tours dans le bassin, pour profiter de la fraîcheur et de la beauté de la soirée..... Mais, vous n'avez pas l'air d'un marinier, ni le ton d'un homme de cet état. Je ne le suis pas en effet; ce n'est que pour gagner de l'argent, que je fais ce métier les fêtes et les dimanches. Quoi! avare à votre âge! cela dépare votre jeunesse, et diminue l'intérêt qu'inspire d'abord votre heureuse physionomie. Ah! monsieur, si vous saviez pourquoi je desire si fort de gagner de l'argent, vous n'ajouteriez pas à ma peine celle de me croire un caractère si bas. J'ai pu vous faire du tort; mais vous ne vous êtes point expliqué. Faisons notre promenade, et vous me conterez votre histoire. L'inconnu s'assied. Eh bien, poursuit-il, dites-moi quels sont vos chagrins; vous m'avez disposé à y prendre part. Je n'en ai qu'un, dit le jeune homme, celui d'avoir un père dans les fers, sans pouvoir l'en tirer, Il étoit courtier dans cette ville; il s'étoit procuré de ses épargnes et de celle de ma mère dans le commerce des modes, un intérêt sur un vaisseau en

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charge pour Smyrne il a voulu veiller lui-même à l'échange de sa' pacotille, et en faire le choix. Le vaisseau a été pris par un corsaire, et conduit à Tétuan, où mon malheureux père est esclave avec le reste de l'équipage. Il faut deux mille écus pour sa rançon; mais comme il s'étoit épuisé afin de rendre son entreprise plus importante, nous sommes bien éloignés d'avoir cette somme. Cependant ma mère et mes sœurs travaillent jour et nuit; et j'en fais de même chez mon maître, dans l'état de joaillier que j'ai embrassé, et je cherche à mettre à profit, com me vous voyez, les dimanches et les fêtes. Nous nous sommes retranchés jusque sur les besoins de première nécessité; une seule petite chambre forme tout notre logement. Je croyois d'abord aller prendre la place de mon père, et le délivrer en me chargeant de ses #fers; j'étois prêt à exécuter ce projet lorsque ma mère, qui en fut informée, je ne sais comment, m'assura qu'il étoit aussi impraticable que chimérique, et fit défense à tous les capitaines du Levant de me prendre sur leur bord. Et recevez-vous quelquefois des nouvelles de votre père? Savez-vous quel est son patron à Tétuan? quels traitemens il y éprouve ?

Son patron est intendant des jardins du roi; on te traite avec humanité, et les travaux auxquels on l'emploie ne sont pas au-dessus de ses forces: mais nous ne sommes pas avec lui pour le consoler, pour le soulager; il est éloigné de nous, d'une épouse chérie, et de trois enfans qu'il aime toujours avec tendresse. Quel nom porte-t-il à Tétuan ? — Il n'en a point changé; il s'appelle Robert, comme à Marseille. - Robert.... chez l'intendant des jardins? -Oui, monsieur. Votre malheur me touche, mais d'après vos sentimens qui le méritent, j'ose vous présager un meilleur sort, et je vous le souhaite bien sincèrement..... En jouissant du frais, je voulois me livrer à la solitude; ne trouvez donc pas mauvais, mon ami, que je sois tranquille un moment.

Lorsqu'il fut nuit, Robert eut ordre d'aborder.

Alors l'inconnu sort du bateau, lui remet une bourse entre les mains, et, sans lui laisser le temps de le remercier, s'éloigne avec précipitation. Il y avoit dans cette bourse huit doubles louis en or, et dix écus en argent. Une telle générosité donna au jeune homme la plus haute opinion de celui qui en étoit capable; ce fut en vain qu'il fit des vœux pour le rejoindre et lui en rendre grace.

Six semaines, après cette époque, cette famille honnête, qui continuoit sans relâche à travailler pour compléter la somme dont elle avoit besoin, prenoit un dîner frugal, composé de pain et d'amandes sèches elle voit arriver Robert le père, très-proprement vêtu, qui la surprend dans sa douleur et dans sa misère. Qu'on juge de l'étonnement de sa femme et de ses enfans, de leurs transports, de leur joie! Le bon Robert se jette dans leurs bras, et s'épuise en remercimens sur les cinquante louis qu'on lui a comptés en s'embarquant dans le vaisseau, où son passage et sa nourriture étoient acquittés d'avance, sur les habillemens qu'on lui a fournis, etc. Il ne sait comment reconnoître tant de zèle et tant d'amour.

Une nouvelle surprise tenoit cette famille immobile: ils se regardoient les uns les autres. La mère rompt le silence; elle imagine que c'est son fils qui a tout fait; elle raconte à son père comment, dès l'origine de son esclavage, il a voulu aller prendre sa place, et comment elle l'en avoit empêché. Il falloit six mille francs pour sa rançon : nous en avions, poursuit-elle, un peu plus de la moitié, dont la meilleure partie étoit le fruit de son travail ; il aura trouvé des amis qui l'auront aidé. Tout-à-coup, rêveur et taciturne, le père, consterné, s'adressant à son fils: Malheureux, qu'as-tu fait ? comment puis-je te devoir ma délivrance sans la regretter; comment pouvoit-elle rester un secret pour ta mère, sans être achetée au prix de la vertu? A ton âge, fils d'un infortuné, d'un esclave, on ne se procure point na

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