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les grands du plus innocent plaisir de la vie, en leur ôtant celui d'un commerce doux et aimable avec des personnes de mérite, quoique d'une condition trèsinférieure.

L'usage qu'il faisait de ses amis est un modèle parfait Plat. lib. 3, pour tous ceux qui sont dans les premières places. Ils de leg.p 694. avaient reçu de lui, non-seulement la liberté, mais un commandement exprès de lui dire tout ce qu'ils pensaient. Quoique beaucoup supérieur en lumières à tous les officiers, il ne faisait rien sans les consulter; et soit qu'il s'agît de réformer quelque chose dans le gouvernement, ou de faire quelque changement dans les troupes, ou de former quelque entreprise, il voulait que tout le monde dît son sentiment, et souvent il en profitait; bien différent de celui dont Tacite dit, qu'il Hist. lib. 1, lui suffisait, pour se déclarer contre les meilleurs avis, qu'ils ne fussent pas venus de lui: consilii, quamvis egregii, quod ipse non afferret, inimicus.

cap. 26.

ad Quint. fratr.

Cicéron remarque que, pendant tout le temps de son L. 1, epist. 2 gouvernement, il ne lui échappa jamais une seule parole de colère et d'emportement : cujus summo in imperio nemo unquàm verbum ullum asperius audivit. Ce petit mot est un grand éloge pour un prince. Il fallait que Cyrus, au milieu de tant d'agitations, et malgré l'enivrement de la puissance souveraine, fût bien maître de lui-même pour conserver toujours son ame dans une assiette calme et tranquille, sans qu'aucun contre-temps, aucun accident imprévu, aucun mécontentement pût donner atteinte à sa douceur, ni lui arracher aucune parole dure ou offensante.

Mais ce qu'il y avait en lui de plus grand et de plus Xenoph.` véritablement royal, c'est l'intime conviction où il était Cyrop. 1. 1,

P. 27.

pag. 210.

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que tous ses soins et toute son attention devaient tendre à rendre les peuples heureux, et que ce n'était point par l'éclat des richesses, par le faste des équipages, par le luxe et les dépenses de la table, qu'un roi devait se distinguer de ses sujets, mais par la supériorité de mérite en tout genre, et sur-tout par une application infatigable à veiller sur leurs intérêts et à leur procurer le repos et l'abondance. Il disait lui-même, en s'entreCyrop. 1. 8, tenant avec les grands de sa cour sur les devoirs de la royauté, qu'il faut qu'un prince se regarde comme pasteur (et c'est le nom que l'antiquité sacrée et profane donnait aux bons rois), qu'il doit en avoir la vigilance, l'attention, la bonté; veiller, afin que les peuples soient en sûreté; se charger des soins et des inquiétudes, afin qu'ils en soient exempts; choisir tout ce qui leur est salutaire, écarter tout ce qui leur peut nuire, mettre sa joie à les voir croître et multiplier, et s'exposer avec courage pour les défendre. Voilà, disaitil, la juste idée et l'image naturelle d'un bon roi. Il est raisonnable que ses sujets lui rendent tous les services dont il a besoin ; mais il est encore plus raisonnable qu'il s'applique à les rendre heureux, parce que c'est pour cela qu'il est roi, comme un pasteur ne l'est que pour prendre soin de son troupeau.

En effet, c'est la même chose d'être à la république et d'être roi, d'être pour le peuple et d'être souverain. On est né pour les autres dès qu'on est né pour commander, parce qu'on ne leur doit commander que pour leur être utile. C'est le fondement et comme la base de l'état des princes, de n'être point à eux; c'est le caractère

I « Pasces populum meum», avait dit Dieu à David (2 Reg. 5, 2.). Homère, en une infinité d'endroits.

même de leur grandeur, d'être consacrés au bien public. Il en est d'eux comme de la lumière, qui n'est placée dans un lieu éminent que pour se répandre par-tout. Est-ce dégrader la royauté que d'en penser ainsi?

Ce fut par le concours de toutes ces vertus que Cyrus vint à bout de fonder en assez peu de temps un empire qui embrassait un si grand nombre de provinces; qu'il jouit paisiblement pendant plusieurs années du fruit de ses conquêtes; qu'il sut se faire tellement estimer et aimer, non-seulement de ses sujets naturels, mais de toutes les nations qu'il avait conquises, qu'après sa mort il fut généralement regretté comme le père commun de tous les peuples.

Au reste, nous ne devons pas être étonnés que Cyrus ait été si accompli en tout genre (on comprend assez que je ne parle ici que des vertus païennes), nous qui savons que c'est Dieu lui-même qui l'avait formé pour être l'instrument et l'exécuteur des desseins de miséricorde qu'il avait sur son peuple.

Quand je dis que Dieu a formé lui-même ce prince, je n'entends pas que ç'ait été par un miracle sensible, ni qu'il l'ait tout d'un coup rendu tel que nous l'admirons dans ce que l'histoire nous en apprend. Dieu lui avait donné un heureux naturel en mettant dans son esprit les semences de toutes les plus grandes qualités, et dans son cœur des dispositions aux plus rares vertus. Mais surtout il eut soin qu'on cultivât cet heureux naturel par une excellente éducation, et qu'on le préparât ainsi aux grands desseins qu'il avait sur lui. On peut dire, sans crainte de se tromper, que Cyrus dut ce qu'il y avait de plus grand en lui à la manière dont il fut élevé; qui, le confondant en quelque sorte avec

le reste des sujets et le soumettant comme eux à l'autorité des maîtres, amortit en lui cet orgueil si naturel aux princes, lui apprit à écouter les avis et à obeir avant que de commander, l'endurcit au travail et à la fatigue, l'accoutuma à la sobriété et à la frugalité, en un mot, le rendit tel que nous l'avons vu dans toute sa conduite, doux, modeste, honnête, affable, compatissant, ennemi du faste et des délices, et encore plus de la flatterie.

Il faut avouer qu'un tel prince est un des plus précieux présents que le ciel puisse faire à la terre. Les infidèles mêmes l'ont reconnu, et les ténèbres de leur fausse religion n'ont pu leur cacher ces deux vérités : que Dieu seul donnait les bons rois, et qu'un tel don en enfermait beaucoup d'autres, parce que rien n'est plus excellent que ce qui ressemble le plus parfaitement à Dieu, et que l'image la plus noble de la Divinité est un prince juste, modéré, chaste, réglé dans ses mœurs, et qui ne règne que pour faire régner la vertu. C'est le portrait que Pline nous a laissé de Trajan, qui Paneg. Traj. ressemble bien à celui de Cyrus. Nullum est præstabilius et pulchrius Dei, munus erga mortales, quàm castus, et sanctus, et Deo simillimus Princeps.

Quand j'examine de près la vie de notre héros, il me semble qu'il a manqué à sa gloire un trait qui l'aurait beaucoup relevé; ç'aurait été d'être livré pendant quelque temps à quelque grande disgrace, et d'avoir quelque revers subit de fortune à essuyer. Je sais que l'empereur Galba, en adoptant Pison, lui disait que la prospérité a un aiguillon et une pointe infiniment plus perçante que l'adversité, et qui met l'ame à une tout autre épreuve Fortunam adhuc

1. 1, c. 15.

tantùm adversam tulisti; secundæ res acrioribus sti- Tac. Hist. mulis explorant animos. Et la raison qu'il en apporte, c'est que, le malheur accablant l'ame de tout son poids, elle se roidit et rappelle toutes ses forces: au lieu que la prospérité, l'attaquant d'une manière sourde, lui laisse toute sa faiblesse, et lui insinue un poison d'autant plus dangereux qu'il est plus subtil : quia miseriæ tolerantur, felicitate corrumpimur.

Il faut pourtant avouer que l'adversité, quand elle est portée avec dignité et noblesse, et surmontée par une patience invincible, ajoute un grand éclat à la gloire d'un prince, et lui donne lieu de déployer bien des qualités et des vertus qui seraient demeurées ensevelies dans le sein de la prospérité : une grandeur d'ame indépendante de tout ce qui lui est etranger, une constance immobile et à l'épreuve des plus rudes coups, un courage intrépide qui s'anime à la vue du danger, une fécondité de ressources qui naît des contretemps mêmes, une présence d'esprit qui envisage tout et donne ordre à tout, enfin une fermeté d'ame qui se suffit à elle-même et qui est capable de soutenir les

autres.

Cette sorte de gloire a manqué à Cyrus. Il nous Cyrop. 1. 8, apprend lui-même que, pendant tout le cours de sa vie pag. 234. qui fut assez longue, jamais aucun accident fâcheux n'en troubla la douceur et que tout lui avait réussi comme il pouvait le souhaiter. Mais il nous apprend en même temps une chose qui est presque incroyable, et qui était en lui la source de cette égalité d'ame et de cette modération qu'on ne pouvait se lasser d'admirer; c'est qu'au milieu d'une prospérité si constante, il conservait toujours au fond du cœur une crainte secrète

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