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étaient réglées par la loi, et il leur défendit expressément de manger chez eux en particulier.

Par cet établissement des repas communs, et par cette frugale simplicite de la table, on peut dire qu'il fit changér en quelque sorte de nature aux richesses 1, en les mettant hors d'etat d'être desirées, d'être volées et d'enrichir leurs possesseurs; car il n'y avait plus aucun moyen d'user ni de jouir de son opulence, non pas même d'en faire parade, puisque le pauvre et le riche mangeaient ensemble en même lieu; et il n'était pas permis de se presenter aux salles publiques après avoir pris la précaution de se remplir d'autres nourritures, parce que tous les convives observaient avec grand soin celui qui ne buvait et ne mangeait point, et lui reprochaient son intempérance, ou sa trop grande délicatesse, qui lui faisaient mépriser ces repas publics.

Les riches furent extrêmement irrités de cette ordonnance; et ce fut à cette occasion que, dans une émeute populaire, un jeune homme, nommé Alcandre, creva un œil à Lycurgue d'un coup de bâton. Le peuple, indigné d'un tel outrage, remit le jeune homme entre les mains de Lycurgue, qui sut bien s'en venger; car par les manières pleines de bonté et de douceur avec lesquelles il le traita, de violent et d'emporté qu'il était, il le rendit en assez peu de temps très-modéré et très-sage.

Les tables étaient chacune d'environ quinze peret pour y être reçu il fallait être agréé de toute

sonnes,

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la compagnie. Chacun apportait par mois un boisseau de farine, huit mesures de vin, cinq livres de fromage, deux livres et demie de figues et quelque peu de leur monnaie pour l'apprêt et l'assaisonnement des vivres. On était obligé de se trouver au repas public; et, long-temps après, le roi Agis, au retour d'une expédition glorieusé, ayant voulu s'en dispenser pour manger avec la reine sa femme, fut réprimandé et puni.

Les enfants même se trouvaient à ces repas et on les y menait comme à une école de sagesse et de tempérance. Là, ils entendaient de graves discours sur le gouvernement et ne voyaient rien qui ne les instruisît. La conversation s'égayait souvent par des railleries fines et spirituelles, mais qui n'étaient jamais basses ni choquantes; et dès qu'on s'apercevait qu'elles faisaient peine à quelqu'un, on s'arrêtait tout court. On les accoutumait aussi au secret; et quand un jeune homme entrait dans la salle, le plus vieux lui disait en montrant la porte: Rien de tout ce qui se dit ici ne sort par là.

Quæst. 1. 5,

n. 98.

Le plus exquis de tous leurs mets était ce qu'ils appelaient la sauce noire, et les vieillards la préféraient à tout ce qu'on leur servait sur la table. Denys le Cic. Tusc. Tyran, s'étant trouvé à un de ces repas, n'en jugea pas de même, et ce ragoût lui parut fort fade. Je ne m'en étonne pas, dit celui qui l'avait préparé : l'assaisonnement y a manqué. Et quel assaisonnement, reprit le tyran? La course, la sueur, la fatigue, la faim, la soif; car c'est là, ajouta le cuisinier, ce qui assaisonne ici tous nos mets.

Tome II. Hist. anc.

24

Plut. in Lyc.

Pag. 49.

Autres ordonnances.

Quand je parle d'ordonnances de Lycurgue, je n'entends pas des lois écrites: il crut n'en devoir laisser presque aucune de cette sorte, persuadé que ce qu'il y a de plus fort et de plus efficace pour rendre les villes heureuses et les peuples vertueux, c'est ce qui est empreint dans les mœurs et dans l'esprit des citoyens par la pratique même; car les principes que l'éducation y a gravés demeurent fermes et inébranlables, comme étant fondés sur la volonté seule, qui est toujours un lien plus fort et plus durable que le joug de la nécessité; et les jeunes gens qui ont été ainsi nourris et élevés deviennent eux-mêmes leurs lois et leurs législateurs. Voilà pourquoi Lycurgue, au lieu de laisser ses réglements par écrit, les mit en usage, et les fit pratiquer.

Il regardait l'éducation des enfants comme la plus grande et la plus importante affaire d'un législateur. Son grand principe était qu'ils appartenaient encore plus à l'état qu'à leurs pères; et c'est pour cela qu'il ne laissa pas ceux-ci maîtres de les élever à leur gré, et qu'il voulut que le public s'emparât de leur éducation, afin de les former sur des principes constants et uniformes, qui leur inspirassent de bonne heure l'amour de la patrie et de la vertu.

Sitôt qu'un enfant était né, les anciens de chaque tribu le visitaient; et s'ils le trouvaient bien formé, fort et vigoureux, ils ordonnaient qu'il fût nourri, et lui assignaient une des neuf mille portions pour son héritage. Si au contraire ils le trouvaient mal fait,

Je ne comprends pas comment on pouvait assigner à chacun des en

fants de Sparte, pour son héritage, une des neuf mille portions destinées

délicat et faible, et s'ils jugeaient qu'il n'aurait ni force ni santé, ils le condamnaient à périr, et le faisaient exposer.

On accoutumait de bonne heure les enfants à n'être point difficiles ni délicats pour le manger; à n'avoir point de peur dans les ténèbres; à ne s'épouvanter pas quand on les laissait seuls; à ne point se livrer à la mauvaise humeur, ni à la criaillerie, ni aux pleurs; à marcher nu-pieds pour se faire à la fatigue; à coucher durement; à porter le même habit en hiver et en été, s'endurcir contre le froid et le chaud.

pour

A l'âge de sept ans, on les distribuait dans les classes,

Xenoph. de pag. 677.

Laced. rep.

Plut. in

où ils étaient élevés tous ensemble sous la même dis- Lyc. pag. 50.

I

cipline. Leur éducation 1 n'était, à proprement parler, qu'un apprentissage d'obéissance; le législateur ayant bien compris que le moyen le plus sûr d'avoir des citoyens soumis à la loi et aux magistrats, ce qui fait le bon ordre et la félicité d'un état, était d'apprendre aux enfants, dès l'âge le plus tendre, à être parfaitement soumis aux maîtres.

Pendant qu'on était à table, le maître proposait des questions aux jeunes gens. On leur demandait, par exemble: Qui est le plus homme de bien de la ville?

à cette ville. Le nombre des citoyens était-il toujours le même? ne passait il jamais celui de neuf mille? Il n'est point marqué ici, comme dans le partage de la terre sainte, que les portions assignées à une famille y demeurassent toujours, et ne pussent être entièrement aliénées.

Rollin n'a point fait attention qu'il y avait à cet égard un principe reconnu dans les états de la Grèce : c'est que le nombre des citoyens de

vait rester à-peu-près le même.Platon
(in Critia, pag. 112), Aristote
( Politic. VII, § 6), le font claire-
ment entendre selon la remarque de
Montesquieu (Esprit des lois, liv.
XXIII, cap. 17); et j'en ai reconnu
l'application pour la république d'A-
thènes dans un Mémoire sur la popu-
lation de l'Attique ( Mém. de l'Acad.
des Inscript. et Belles-Lettres.)— L.
· ἴστε τὴν παιδείαν εἶναι μελέτην
εὐπειθείας.

I

Pag. 51.

Plnt. in Lyc. p. 56,

Pag. 50.
Idem
in Institut.
Lacon.

Que dites-vous d'une telle action? Il fallait que la
réponse fût prompte, et accompagnée d'une raison et
d'une preuve conçue en peu de mots; car on les ac-
coutumait de bonne heure au style laconique, c'est-à-
dire, à un style concis et serré. Lycurgue voulait que
la monnaie fût fort pesante et de peu de valeur; et au
contraire que le discours comprît en peu
de paroles

beaucoup de sens.

Pour ce qui est des lettres, ils n'en apprenaient que pour le besoin. Toutes les sciences étaient bannies de leur pays. Leur étude ne tendait qu'à savoir obéir, à supporter les travaux, et à vaincre dans les combats. Ils avaient pour surintendant de leur éducation un des plus honnêtes hommes de la ville, et des plus qualifiés, qui établissait sur chaque troupe des maîtres d'une sagesse et d'une probité généralement reconnues.

avait

Un vol d'une certaine espèce seulement, et qui n'en que le nom, était permis et même commandé aux pag. 237. jeunes gens. Ils se Ils se glissaient le plus finement et le plus subtilement qu'ils pouvaient dans les jardins et dans les salles à manger, pour y dérober des herbes ou de la viande; et s'ils étaient découverts, on les punissait pour avoir manqué d'adresse. On raconte que l'un d'eux, ayant pris un petit renard, le cacha sous sa robe, et souffrit, sans jeter un seul cri, qu'il lui dechirât le ventre avec les ongles et les dents, jusqu'à ce qu'il tomba mort sur la place. J'ai dit que ce vol n'en avait que le nom, étant autorisé par la loi et par le consentement de tous les citoyens. La vue du legislateur, en le permettant, avait été d'inspirer aux jeunes Lacédémoniens, destinés tous à la guerre, plus de hardiesse et de finesse, de les accoutumer de bonne heure à la vie

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