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ne fut pas la première plaie que les Lacédémoniens firent aux lois de leur législateur. Elle fut la suite du violement d'une autre loi encore plus fondamentale. L'ambition fraya le chemin à l'avarice. Le desir des conquêtes entraîna celui des richesses, sans lesquelles on ne pouvait pas songer à étendre sa domination. Le principal but de Lycurgue dans l'établissement de ses lois, et sur-tout de celle qui interdisait l'usage de l'or et de l'argent, était, comme l'ont judicieusement observé Polybe et Plutarque, de réprimer et de réfréner l'ambition de ses citoyens, de les mettre hors d'état de faire des conquêtes, de les forcer en quelque sorte de se renfermer dans l'enceinte étroite de leur pays, sans porter plus loin leurs vues ni leurs prétentions. En effet, le gouvernement qu'il avait établi suffisait pour défendre les frontières de Sparte; mais il ne suffisait pas pour la rendre maîtresse des autres villes.

Polyb. 1. 6

pag. 491.

Plut. in mopag. 239.

ribus Laced.

Le dessein de Lycurgue n'avait donc pas été de former des conquérants. Pour en ôter jusqu'à la pensée à ses citoyens, il leur défendit expressément, quoiqu'ils habitassent un pays environné de la mer, de s'exercer à la marine, d'avoir des flottes, et de combattre sur mer. Ils furent religieux observateurs de cette défense pendant plusieurs siècles, et jusqu'à la défaite de Xerxès. A cette occasion, ils songèrent à s'emparer de l'empire de la mer, pour éloigner un ennemi si redoutable. Mais s'étant bientôt aperçus que ces commandements éloignés et maritimes corrompaient les mœurs de leurs généraux, ils y renoncèrent sans peine, comme nous le remarquerons à l'occasion du roi Pausanias. Quand Lycurgue avait armé ses citoyens de boucliers Plut. in Lyc. et de lances, ce n'avait point été pour les mettre en

pag. 59.

Plut. ibid. et in vit. Agesil.

pag. 614.

3.

Excellente

état de commettre plus impunément des injustic
mais pour s'en défendre. Il en avait fait un peuple
soldats et de guerriers, afin qu'à l'ombre des armes
vécussent dans la liberté, dans la modération, dans
justice, dans l'union, dans la paix, en se contenta
de leur terrain sans usurper celui des autres, et ens
persuadant qu'une ville, non plus qu'un particulier,
peut espérer un bonheur solide et durable que par
vertu. Des hommes corrompus, dit encore Plutarque
qui ne voient rien de plus beau que les richesses,
qu'une domination puissante et étendue, peuvent don
ner la préférence à ces vastes empires qui ont assujett
l'univers par la violence; mais Lycurgue était convain
qu'une ville n'avait besoin de rien de tout ce..
être heureuse. Sa politique, qui a fait avec justic
miration de tous les siècles, avait pour principal b
l'équité, la modération, la liberté, la paix ; et elle éta
ennemie de l'injustice, de la violence, de l'ambition
de la passion de dominer et d'étendre les bornes de l
république de Sparte.

Ces sortes de réflexions, que Plutarque sème de temps en temps dans ses Vies, et qui en font la plu grande et la plus solide beauté, peuvent contribuer infiniment à donner une véritable notion de ce qui fait la solide gloire d'un état réellement heureux, et à détromper de bonne heure de l'idée qu'on se forme de la vaine grandeur de ces empires qui ont englouti les royaumes, et de ces fameux conquérants qui ne doivent ce qu'ils sont qu'à la violence et à l'usurpation.

La longue durée des lois établies par Lycurgue est education de certainement une chose bien merveilleuse; mais le moyen qu'il employa pour y réussir n'est pas moins digne

la jeunesse.

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ice d'admiration. Ce moyen fut le soin extraordinaire qu'il le prit de faire élever les enfants des Lacédémoniens dans es une exacte et sévère discipline; car, comme le fait rens marquer Plutarque, la religion du serment aurait été tar un faible lien, si, par l'éducation et la nourriture, 'il nn'eût imprimé les lois dans leurs mœurs, et ne leur eût fait sucer presque avec le lait l'amour de sa police. Aussi vit-on que ses principales ordonnances se conservèrent plus de cinq cents ans', comme une bonne et forte teinture qui a pénétré jusqu'au fond; et Cicéron fait la même remarque, en attribuant le courage et la vertu des Spartiates, non pas tant à leur bon naturel qu'à l'excellente éducation qu'on recevait à

Flacco. c.63.

cujus civitatis spectata ac nobilitata virtus, Orat. pro solùm naturá corroborata, verùm etiam disciJiná putatur. Ce qui fait voir de quelle importance il est pour un état de veiller à ce que les jeunes gens soient élevés d'une manière propre à leur inspirer amour des lois de la patrie.

Le grand principe de Lycurgue, et Aristote le répète en termes formels, était que, comme les enfants sont à 'état, il faut qu'ils soient élevés par l'état et selon les vues de l'état. C'est pour cela qu'il voulait qu'ils fussent élevés en public et en commun, et non abandonnés au caprice des parents qui, pour l'ordinaire, par une indulgence molle et aveugle et par une tendresse mal entendue, énervent en même temps et le corps et l'esprit de leurs enfants. A Sparte, dès l'âge le plus tendre, on les endurcissait au travail et à la fatigue par les exercices de la chasse et de la course; on les accoutu

I

ὥσπερ βαφῆς ἀκράτου καὶ ἰσχυρᾶς καθαψαμένης. [Ριυτ. compar. Lyc. c. Numa, § 5.]

Tome II. Hist. anc.

25

Lib. 8, Politic. [c. 1.]

4.

Obéissance.

5.

Respect pour les vieillards. Plut.

in Lacon.

Institut.

mait à supporter la faim et la soif, le chaud et le froid; et ce que les mères auront bien de la peine à se persuader, c'est que tous ces exercices durs et pénibles tendaient à leur procurer une forte et robuste santé, capable de soutenir les fatigues de la guerre, à laquelle ils étaient tous destinés, et la leur procuraient en effet.

Mais ce qu'il y avait de plus excellent dans l'éducation de Sparte, c'est qu'elle enseignait parfaitement aux jeunes gens à obéir. De là vient que le poëte Simonide donne à cette ville une épithète bien magnifique, qui marque qu'elle seule savait dompter les esprits et rendre les hommes souples et soumis aux lois, comme les chevaux que l'on forme et que l'on dresse dès leurs plus tendres années. C'est pour cela qu'Agesilas conseilla à Xénophon de faire venir ses enfants à Sparte 2, afin qu'ils y apprissent la plus belle et la plus grande de toutes les sciences, qui est celle d'obeir et de commander.

Une des leçons qu'on inculquait le plus souvent et le plus fortement aux jeunes Lacédémoniens, était d'avoir un grand respect pour les vieillards et de leur en donner des marques en toute occasion, en les sapag. 237. luant, en leur cédant le pas dans les rues, en se levant par honneur devant eux dans les compagnies et dans les assemblées publiques, mais sur-tout en recevant avec docilité et soumission leurs avis et même leurs réprimandes. On reconnaissait à ce caractère un Lacédémonien. En user autrement, c'eût été se dégrader soi-même et faire injure à sa patrie. Un vieillard

I

Δαμασίμβροτος, c'est-à-dire, dompteuse d'hommes.

2 Μαθησόμενος τῶν μαθημάτων

τὸ κάλλιστον, ἄρχεσθαι καὶ ἄρχειν. (PLUT. in Agesil., pag. 606.)

d'Athènes entrant dans le théâtre pour assister aux spectacles, aucun de ses compatriotes ne lui offrit de place. Dès qu'il approcha de l'endroit où étaient assis les ambassadeurs de Lacédémone avec leur suite, tous se levèrent devant le vieillard et le placèrent au milieu d'eux. Lysandre avait donc raison de dire que la vieillesse n'avait nulle part de domicile si honorable que dans la ville de Sparte, et qu'il était beau d'y vieillir.

I

§ II. Choses blámables dans les lois de Lycurgue.

Pour mieux faire sentir le faible des lois de Lycurgue, je n'aurais qu'à les comparer à celles de Moïse, qu'on reconnaît bien avoir été dictées par une sagesse plus qu'humaine. Mais mon dessein n'est pas d'entrer ici dans un détail exact de tout ce qui pourrait être blâmé dans les ordonnances de Lycurgue: je me contenterai de quelques légères réflexions que le lecteur, sans doute, justement blessé et révolté par le simple récit de quelques-unes de ces ordonnances, aura déja faites avant moi.

En effet, pour commencer par le choix des enfants qui devaient être élevés ou exposés, qui ne serait choqué de l'injuste et barbare coutume de prononcer un arrêt de mort contre ceux des enfants qui avaient le malheur de naître avec une complexion trop faible et trop délicate pour pouvoir soutenir les fatigues et les exercices auxquels la république destinait tous ses sujets? Est-il donc impossible et cela est-il sans exemple, que des enfants, faibles d'abord et délicats, se fortifient

I

Lysandrum Lacedæmonium dicere aiunt solitum: Lacedæmone esse honestissimum domicilium se

nectutis. » (Cic. de senect., n. 63.)
Εν Λακεδαίμονι κάλλιστα γηρῶσι.
(PLUT. in Moral., pag. 795.)

I.

Sur le choix

des enfants être élevés

qui devaient

on exposés.

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