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reconnaissance, nous n'avons pas le courage de pratiquer les mêmes vertus ! Que si nous avons le bonheur d'être fidèles à nos engagements, pouvons-nous en tirer vanité, en comparant le peu que nous faisons avec , ce que la gloire seule faisait entreprendre à des hommes qui ne connaissaient point Dieu, et qui bornaient tous leurs desirs aux biens de la vie présente?

I

Voilà donc, selon saint Augustin, la principale utilité que l'on doit tirer de l'étude et de la lecture de l'histoire profane, et Dieu n'a rendu les Grecs et les Romains si illustres et si puissants, que pour donner plus de poids aux exemples de vertus que leur histoire nous fournit, afin que, les étudiant avec une attention sérieuse, nous comprenions, par l'amour qu'ils ont eu pour une patrie terrestre et pour une gloire de peu de durée, quel zèle nous devons avoir pour la patrie céleste, où une felicité éternelle nous attend.

Si les vertus de ceux dont il est parlé dans l'histoire peuvent nous servir de modèles dans la conduite de la vie, leurs défauts et leurs vices ne sont pas moins propres à nous instruire; et le respect qu'un historien doit à la vérité ne lui permet pas de les dissimuler, dans la crainte d'obscurcir leur réputation. Ce que je dis ici n'est point contraire à une règle que Plutarque établit sur ce sujet, dans la préface qui est à la tête de la vie de Cimon. Il exige qu'on fasse valoir et qu'on mette p. 479-480. dans tout leur jour les belles actions des grands hommes; mais pour les fautes qui leur échappent quelquefois

P.

In Cim.

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dans le trouble de la passion, ou que la nécessité des affaires leur arrache, les regardant plutôt comme quelque degré de perfection qui manque à leur vertu que comme des vices et des crimes qui partent d'un mauvais fonds, il veut que, par compassion pour la faiblesse de la nature humaine, qui ne produit rien d'absolument parfait, on se contente de les montrer légèrement; de même qu'un peintre habile, s'il a un beau visage à peindre, et qu'il s'y rencontre quelque tache, quelque petit défaut, ne les supprime pas entièrement, mais aussi ne se croit pas obligé de les rendre avec une exactitude rigoureuse, parce que l'un gâterait la beauté du portrait, et que l'autre detruirait la vérité de la ressemblance. La comparaison même qu'il emploie fait voir qu'il ne parle que de defauts légers et pardonnables. Mais pour les actions d'injustice, de violence, de brutalité, nul prétexte ne doit les faire dissimuler; et je ne crois pas qu'on voulût accorder à l'histoire le même privilege qu'à la peinture 2, qui a inventé l'art du profil, pour représenter de côté un prince qui avait perdu un œil, et pour couvrir par cet innocent et ingénieux artifice une difformité si frappante. L'histoire, dont la loi la plus essentielle est la sincérité, ne souffre point ees sortes de ménagements, qui lui feraient perdre un grand avantage.

Le blâme, la honte, l'infamie, la haine et souvent l'exécration publique, toujours attachés aux actions criminelles et brutales, ne sont pas moins propres à

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inspirer de l'horreur pour le vice que la gloire, qui suit toujours les belles actions, est propre à faire aimer la vertu. Et c'est là, selon Tacite, le double but que tout historien doit se proposer en faisant un choix de ce qu'il y a de plus frappant en bien et en mal, pour rendre au solide mérite, par un hommage public de louanges, la justice qui lui est due, et pour faire abhorrer les vices par la crainte d'une infamie éternelle.

L'histoire que je traite ne fournira que trop de ces derniers exemples. Du côté des Perses, on verra, par ce qui est dit de leurs rois, que les princes qui peuvent tout sont souvent livrés à toutes leurs passions; que rien n'est plus difficile que de résister à l'illusion de sa propre grandeur et aux flatteries de tous ceux dont on est environné; que la liberté de contenter tous ses desirs et de faire le mal impunément est une dangereuse tentation, que les meilleurs naturels ont bien de la peine à s'en défendre; qu'après avoir eu d'assez heureux commencements, ils se laissent gâter insensiblement par la mollesse, par l'orgueil, par la haine des conseils sincères; et qu'il est rare qu'ils comprennent que c'est quand on se voit au-dessus de tout qu'on a un plus grand besoin de modération et de sagesse, et pour soi et pour les autres; et qu'il faut être alors doublement sage et doublement fort pour borner audedans, par sa raison, une puissance que rien ne borne au - dehors.

Du côté des Grecs, la guerre du Péloponnèse fera connaître les tristes effets de leurs divisions intestines,

Exequi sententias haud institui, nisi insignes per honestum, aut notabili dedecore: quod præcipuum munus annalium reor, ne virtutes si

leantur, utque pravis dictis factisque ex posteritate et infamia metus sit. » (TACIT. Annal. lib. 3, cap. 65.)

et les excès funestes où la jalousie de la domination les porta; l'injustice, l'ingratitude, la perfidie, le violement ouvert des traités, ou de petites finesses et d'indignes ruses pour en eluder l'exécution. Elle montrera comment les Lacédémoniens et les Atheniens s'avilissent honteusement devant des barbares pour en mendier quelques secours d'argent; comment les libérateurs de la Grèce renoncent à la gloire de tous leurs travaux passés et de tous leurs exploits, pour aller faire leur cour à des satrapes fiers et dédaigneux, et pour aller implorer successivement et à l'envi la protection de leur ennemi commun, tant de fois vaincu; comment ils se servent des secours qu'ils en tirent pour opprimer leurs anciens alliés, et pour étendre leur propre domaine par des voies injustes et violentes.

De part et d'autre, et quelquefois dans un même homme, on verra un mélange étonnant de bien et de mal, de vertus et de vices, de nobles actions et de bas sentiments; et l'on se demandera peut-être souvent à soi-même si ce sont donc les mêmes personnes et les mêmes peuples dont on rapporte des choses si différentes, et s'il est possible que d'un même fond sortent tantôt une lumière si brillante, tantôt une fumée et une noirceur si ténébreuse. Je rapporte les choses comme je les trouve dans les auteurs ; et les portraits que je présente au lecteur sont toujours peints d'après ce que l'Histoire ancienne nous apprend de ceux dont je parle, et je pourrais dire aussi d'après la nature du cœur humain. Mais il me semble que ce mélange même de bien et de mal, quoique bizarre en soi, peut devenir pour nous d'une grande utilité, et nous servir de préservatif contre un danger assez ordinaire et assez naturel.

Car, si nous trouvions, soit chez les peuples, soit dans les particuliers, une probité et une noblesse de sentiments qui se soutinssent toujours également, et qui parussent sans tache et sans faiblesse, nous serions tentes de croire que le paganisme est capable de produire de véritables et de parfaites vertus, quoique la religion nous enseigne que celles que nous y admirons le plus n'en ont que l'ombre et le nom. Mais la vue des défauts, des imperfections, des vices, des crimes, même quelquefois les plus noirs, qui se trouvent mêlés et qui succèdent assez souvent de fort près aux actions les plus vertueuses, nous apprend à modérer notre estime et notre admiration, et en même temps que nous louons ce qui nous paraît d'honnête, de beau, de grand chez les païens, à ne pas prodiguer au fantôme de la vertu un hommage entier et sans réserve, qui n'est dû qu'à la vertu même.

Voilà les bornes que je desire qu'on mette aux louanges que je donne aux grands hommes de l'antiquité et à leurs belles actions; et si, contre mon intention, il m'échappe quelques termes qui ne paraissent pas assez mesurés, je prie le lecteur de les interpréter favorablement et de les réduire à leur juste valeur.

ARTICLE II.

Plan et division des livres VI, VII, VIII et IX.

Les quatre livres qui suivent, contiennent l'histoire des Perses et des Grecs pendant l'espace de cent trentesept ans, depuis l'an du monde 3483, jusqu'à l'an 3620; sous les règnes de sept rois de Perse, savoir : Darius, premier de ce nom, fils d'Hystaspe; Xerxès I; Ar

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