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aucune blessure. Le roi fut emporté par les Messéniens, et, tout sanglant et percé de coups, il témoigna sa joie de ce qu'ils n'avaient pas eu du dessous. Aristomène, après la bataille, rencontra Cléonnis, qui ne pouvait, à cause de ses blessures, marcher ni de lui-même, ni avec le secours de ceux qui lui donnaient la main. Il le chargea sur ses épaules, sans quitter ses armes, et le porta au camp.

Après qu'on eut mis le premier appareil aux plaies du roi de Messénie et des officiers, il s'éleva parmi les Messéniens un nouveau combat, non moins vif que le premier, mais d'une espèce bien différente et qui en était la suite. Il s'agissait d'adjuger le prix de la gloire à celui qui s'y était le plus distingué par sa bravoure. C'était pour-lors un usage déja assez ancien de faire proclamer publiquement le plus brave de la journée après chaque bataille. Rien n'était plus propre à animer le courage des officiers et des soldats, à leur inspirer une audace intrépide, à étouffer en eux toute crainte des dangers et de la mort. Deux illustres champions entrèrent en lice, savoir Cléonnis et Aristomène.

Le roi, tout blessé qu'il était, présida avec les principaux officiers de l'armée au conseil où cette importante dispute devait être décidée. Chacun des contendants plaida sa cause. Cléonnis appuyait sa prétention sur le plus grand nombre d'ennemis qu'il avait tués, et sur les plaies qu'il avait reçues dans le combat, témoins non douteux du courage avec lequel il avait affronté la mort; au lieu que l'état dans lequel Aristomène était sorti du combat sans y avoir reçu aucune blessure laissait entrevoir qu'il avait été fort attentif à

conserver sa personne, ou prouvait tout au plus qu'il avait été plus heureux, mais non pas plus brave que lui. Quant à ce qu'il l'avait transporté sur ses épaules dans le camp, c'etait une action qui pouvait montrer la force de son corps, mais rien de plus; et ici, disaitil, il s'agit de bravoure.,

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Le seul reproche qu'on faisait à Aristomène, était de ce qu'il n'avait point été blessé, et c'est à quoi il s'atta<«< cha. On m'appelle heureux, dit-il, parce que je n'ai

point reçu de blessures. Si j'en étais redevable à ma « lâcheté, je ne mériterais point ce nom, et, au lieu « d'être admis à disputer le prix, je devrais subir la rigueur des lois qui punissent les lâches: mais ce qu'on m'objecte comme un crime, c'est ce qui fait <«<ma gloire; car, soit que les ennemis, étonnés de ma << valeur, n'aient osé me résister, ce m'est une grande «<louange de m'être fait craindre d'eux; soit, quand ils « ont combattu, que j'aie eu tout ensemble et la force « de les tailler en pièces, et la sage précaution de me préserver de leurs coups, j'aurai été tout à-la-fois et « vaillant et prudent : car quiconque, dans la chaleur « même du combat, s'expose au hasard avec sagesse et << retenue, montre qu'il possède en même temps les <«< vertus et du corps et de l'esprit. On ne peut pas cer<«<tainement reprocher à Cléonnis qu'il ait manqué de <«< courage; mais je suis fâché, pour son honneur, qu'il paraisse manquer de reconnaissance. »>

Après ces discours on alla aux suffrages. Tout le monde demeure suspendu dans l'attente du jugement. Nulle dispute n'égale celle-ci en vivacité. Il ne sagit point d'or ou d'argent; l'honneur est ici tout pur. La

gloire désintéressée est le vrai salaire de la vertu. Ici les juges ne sont point suspects. Les actions parlent encore. C'est le roi, environné de ses officiers, qui préside et qui prononce: c'est toute une armée qui est témoin. Le champ de bataille est un tribunal sans faveur et sans cabale. Toutes les voix se réunirent en faveur d'Aristomène, et lui adjugèrent le prix.

p.

Euphaès ne survécut pas long-temps à ce jugement, Pausan. 1. 4, et mourut quelques jours après. Il avait régné treize P. 235-241. ans, et fait la guerre pendant presque tout ce temps contre les Lacédémoniens. Comme il mourait sans enfans, il laissa au peuple messénien le soin de lui choisir un successeur. Cléonnis et Damis le disputèrent à Aristomène mais celui-ci fut élu préférablement aux autres. Quand il fut roi, il honora des plus grandes charges ses deux rivaux. Vifs amateurs du bien public encore plus que de la gloire, concurrents, mais non ennemis, ces grands hommes brûlaient de zèle pour la patrie; ils n'étaient ni jaloux ni amis que pour la sauver.

l'acad. des

J'ai suivi, dans le récit que je viens de faire, le Mem. de sentiment de feu M. Boivin l'aîné, et j'ai profité de sa Inscriptions, savante dissertation sur un fragment de Diodore de Sicile qui était peu connu 1. Il y suppose et y prouve

1 Ce fragment fut d'abord publié par H. Étienne, d'après un manuscrit, dans lequel il était anonyme. Cet habile critique n'y voyait qu'une déclamation d'un rhéteur inconnu. Isaac Vossius, comme nous l'apprend son père (Hist. Gr. II. p. 519), le trouva, sous le nom de Diodore de Sicile, dans un manuscrit de la bibliothèque des Médicis, de même

qu'Assemani, dans un manuscrit de la
bibliothèque vaticane. Malgré l'auto-
rité des copistes de ces manuscrits, il
est douteux que Diodore de Sicile soit
l'auteur de ce fragment, qui sent bien
la déclamation: il se peut (et l'on a
de fréquents exemples analogues)
qu'un sophiste ait brodé cette dispute
sur les faits racontés par Pausanias,
et qu'ensuite un autre copiste ait cru

tom.

2,

p. 84-113.

que le roi dont il est parlé dans le fragment est Euphaès, et qu'Aristomène est celui que Pausanias appelle Aristodème, selon la coutume des Anciens, qui souvent avaient deux noms.

Aristomène, nommé autrement Aristodème1, régna près de sept ans, et fut également estimé et aimé de ses sujets. La guerre continua toujours pendant ce Clem. Alex. temps-là. Vers la fin de son règne, il battit les Lacein Protrept. démoniens, prit leur roi Théopompe, et égorgea en Euseb. in l'honneur de Jupiter d'Ithome trois cents hommes, lib. 4, c. 16. parmi lesquels le roi était la principale victime. Lui

pag. 20.

Præpar.

Pausan.
P. 241-242.

même s'immola peu de temps après sur le tombeau de sa fille, pour satisfaire à la réponse d'un oracle. Damis lui succéda, mais sans porter la qualité de roi.

Depuis sa mort, les affaires des Messéniens allèrent toujours fort mal, et ils se trouvèrent sans ressource et sans espérance. Réduits à la dernière extrémité, et manquant absolument de vivres, ils abandonnèrent Ithome, et se retirèrent chez ceux de leurs alliés qui étaient les plus voisins. La ville aussitôt fut rasée, et tout le reste du pays se soumit. On obligea les Messéniens de s'engager par serment à ne jamais abandonner le parti des Lacédémoniens, et à ne se point révolter contre eux précaution bien inutile, et qui ne devait servir qu'à leur faire ajouter le parjure à la révolte. On ne leur imposa point de tributs, et on se contenta d'exiger d'eux qu'ils portassent à Sparte la moitié des

devoir faire honneur du tout à Dio-
dore de Sicile. - L.

Pausanias, Clément d'Alexan-
drie, Eusèbe, l'appellent Aristo-
deme il n'est appelé Aristomène

que dans le fragment attribué à Diodore. Le premier nom est sans doute le véritable. Aristomène ne paraît que dans la seconde guerre, comme l'établit Pausanias. (Messen. c. 6.)

-L.

grains qu'ils auraient recueillis dans la moisson. Enfin il fut stipulé que, tant hommes que femmes, ils assisteraient en habits de deuil aux funérailles des rois et des principaux citoyens de Sparte; ce qu'on regardait apparemment comme une marque de dépendance, et comme une sorte d'hommage rendu à la nation. Ainsi A. M. 3281 Av. J.C. 723. fut terminée la première guerre de Messénie, après avoir duré vingt ans.

Seconde guerre de Messénie.

La douceur que les Lacédémoniens avaient montrée Pausan. 1.4, d'abord à l'égard des peuples de Messénie ne fut pas

de longue durée. Quand ils virent tout le pays soumis, et qu'ils le crurent hors d'état de leur susciter de nouvelles affaires, ils s'abandonnèrent à leur caractère naturel, qui était un caractère de fierté et de hauteur, qui dégénérait souvent en dureté, et quelquefois même en férocité; au lieu de traiter les vaincus avec bonté comme des alliés et des amis, et de s'attacher à gagner par la douceur ceux qu'ils avaient domptés par la force, ils ne semblaient attentifs qu'à appesantir de jour en jour leur joug, et à leur en faire sentir tout le poids. Ils les chargeaient de tributs, les livraient à l'avarice de ceux qui étaient commis pour en faire la levée, n'écoutaient point leurs plaintes, ne leur rendaient aucune justice, les traitaient avec mépris comme de vils esclaves, et employaient contre eux les violences les plus criantes.

L'homme, né pour la liberté, ne s'apprivoise point avec la servitude : la plus douce l'irrite et le révolte. Que fallait-il donc attendre d'un esclavage aussi dur qu'était celui des Messéniens? Après l'avoir supporté

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I

Quum per complures annos gravia servitutis verbera, plerumque

p. 242-261.
Justin.
lib. 3, c. 5.

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