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la Paphlagonie, la Bithynie, la Pamphylie, et tout le pays des Cariens, des Ioniens, des Doriens et des Éoliens. Hérodote remarque qu'il fut le premier qui subjugua les Grecs, qui jusque-là n'avaient jamais été soumis à une domination étrangère : il entend sans doute les Grecs qui étaient établis dans l'Asie Mineure 1.

Mais, ce qui est encore plus étonnant, quoique riche et guerrier, les lettres et les sciences faisaient son plus grand plaisir. Sa cour était le séjour assez ordinaire de plusieurs de ces fameux savants si connus dans l'antiquité sous le nom des sept sages de la Grèce.

cap. 29-33.

Solon, l'un des plus célèbres d'entre eux, après avoir Herod. 1. 1, établi de nouvelles lois à Athènes, crut devoir s'en Plut. in Sol. absenter pendant quelques années, et profiter de ce pag. 93-94. temps pour faire différents voyages. Il vint à Sardes, et il y fut reçu comme le demandait la réputation d'un si grand homme. Le prince, accompagné d'une nombreuse cour, parut dans tout l'éclat de la royauté, et avec les habits les plus magnifiques, où l'or et les pierreries brillaient de toutes parts. Quelque nouveau que fût ce spectacle pour Solon, on ne s'aperçut point qu'il en fût ému, et il ne dit pas la moindre parole qui sentît la surprise ou l'admiration; mais il laissa assez entrevoir aux gens de bon sens qu'il regardait toute cette pompe comme la marque d'un petit esprit, qui connaît mal en quoi consiste le beau et le grand. Un premier abord si froid et si indifférent ne prévint pas Crésus en faveur de son nouvel hôte.

Il n'est pas douteux qu'Hérodote n'entende parler de ces Grecs ; car il le dit expressement : ὡς δὲ ἄρα δι

ἐν τῇ Ἀσίᾳ Έλληνες κατεςρέφατο ἐς
φόρου ἀπαγωγήν. (1, § 27, init. )

L.

Il commanda ensuite qu'on lui montrât tous ses trésors, et qu'on lui fit voir la somptuosité et la magnificence de ses appartements et de ses meubles, comme pour vaincre par cette multitude de vases précieux, de pierreries, de statues, de peintures, l'indifférence du philosophe : mais tout cela n'était point le roi, et c'était lui que Solon venait visiter, non les murs ni les chambres de son palais; et il croyait devoir juger de lui et l'estimer, non par tout cet appareil extérieur qui lui était étranger, mais par lui-même et par ses qualités personnelles. Ce serait réduire bien des grands à une affreuse solitude que d'en user ainsi.

Quand il eut tout vu, on le ramena. Crésus alors lui demanda qui, dans les différents voyages qu'il avait faits, il avait trouvé qui fût véritablement heureux. « C'est, répondit Solon, un bourgeois d'Athènes nommé <«< Tellus, fort homme de bien, qui, après avoir été << toute sa vie à couvert de la nécessité, et avoir vu sa patrie toujours florissante, a laissé après lui des enfants «< généralement estimés de tout le monde, a eu la joie « de voir les enfants de ses enfants, et enfin est mort << glorieusement en combattant pour sa patrie. »

Une telle réponse, où l'on comptait l'or et l'argent pour rien, parut à Crésus d'une grossièreté et d'une stupidité sans pareille. Cependant, comme il ne désespérait pas d'avoir au moins le second rang dans la felicité, il lui demanda qui, après Tellus, il avait vu de plus heureux. Solon répondit que c'était Cléobis et Biton, d'Argos, deux frères qui avaient été un modèle parfait de l'amitié fraternelle et du respect qui est dû aux

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I

· Φιλαδέλφους και φιλομήτορας sage est tiré de Plutarque (in Soδιαφερόντως ἄνδρας. = Ce pas- lone. § 27.)-L.

"

parents. Un jour de fête solennelle, où la prêtresse leur mère devait aller au temple de Junon, ses bœufs tardant trop à venir, ils se mirent eux-mêmes au joug, et traînèrent le char de leur mère jusqu'au temple, pendant plus de deux lieues. Toutes les mères, ravies en admiration, congratulèrent celle-ci d'avoir mis au monde de tels enfants. Pénétrée des plus vifs sentiments de joie et de reconnaissance, elle pria instamment la déesse de vouloir accorder à ses enfants, pour récompense, ce qu'il y avait de meilleur pour les hommes. Elle fut exaucée. Après le sacrifice, il s'endormirent dans le temple même d'un doux sommeil, et terminèrent leur vie par une mort 2 tranquille. Pour honorer leur piété, ceux d'Argos consacrèrent leurs statues dans le temple de Delphes.

« Vous ne me mettez donc point du nombre des «<gens heureux? » dit Crésus, d'un ton qui marquait son mécontentement. Solon, qui ne voulait ni le flatter ni l'aigrir davantage, lui dit avec douceur : « Roi de « Lydie, Dieu nous a donné à nous autres Grecs, outre plusieurs autres avantages, un esprit de modération << et de retenue qui a formé parmi nous une sorte de «philosophie simple et populaire, accompagnée d'une <<< noble hardiesse, sans faste et sans ostentation, peu a propre à la cour des rois, et qui, connaissant que la «< vie des hommes est sujette à un nombre infini de <<< vicissitudes et de changements, ne nous permet ni de << nous glorifier des biens dont nous jouissons nous« mêmes, ni d'admirer dans les autres une félicité qui [Plutarch. in «peut n'être que passagère et n'avoir rien de réel. » Á

α

1 Dans le texte, il y a 45 stades, une lieue et demie. L.

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2 La fatigue du voyage pouvait bien en être la cause.

Solone, $ 27.1

cette occasion, il lui représente que la vie de l'homme est ordinairement composée de soixante-dix années, qui font en tout vingt-six mille deux cent cinquante jours', dont aucun ne ressemble à l'autre. « Ainsi l'avenir est << pour chaque homme un tissu d'accidents tout divers, qui ne peuvent être prévus. Celui-là donc nous,paraît «< seul heureux de qui Dieu a continué la felicité jusqu'au <«< dernier moment de sa vie; pour les autres, qui se << trouvent exposés à mille dangers, leur bonheur nous

paraît aussi incertain que la couronne pour celui qui

«< combat encore, et qui n'a pas encore vaincu. » Solon se retira après ces paroles, qui ne firent qu'affliger Crésus sans le corriger 2.

Ésope, l'auteur des fables, était alors à la cour de ce prince, qui le traitait très-favorablement. Il fut fâché du mauvais accueil que Solon avait reçu, et lui dit, par

1 Voici, d'après Hérodote, les éléments de ce calcul, trop singulier, pour qu'on ne l'expose pas ici :

1° La vie de l'homme est fixée,

en terme moyen, à 70 ans.

25200
70

2° Ces 70 ans font 25,200 jours, si l'on n'ajoute point de mois intercalaire d'où il résulte une année de 360 jours: car - 360. 3o Mais si l'on ajoute les mois intercalaires pour que l'ordre des saisons ne soit pas dérangé, on verra qu'il faut 35 de ces mois pour 70 ans ; ce qui fait 1050 jours (35 X 30= 1050): il en résulte un total de 26,250 jours.

Il est évident que cette intercalation d'un mois de trente jours tous les deux ans, donne une année moyenne de 375 jours; c'est-à-dire de 9 jours et un quart plus longue que

l'année solaire : il est également clair que cette intercalation, loin de rétablir l'ordre des saisons, ne peut que le troubler davantage, tellement que ces douze mois en parcourraient la révolution entière dans l'espace de 36 ans à peu près : car la durée de 37 années de 365 jours un quart (=13514 jours) n'excède que de 14 jours la durée de 36 années de 375 jours (13500 jours).

Ce passage d'Hérodote, qu'on a tourmenté de mille façons, et que Wyttenbach et Larcher ont voulu corriger trop arbitrairement, offre une difficulté qui a résisté jusqu'ici aux efforts de tous les critiques.-L.

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forme d'avis: Solon, il faut ou n'approcher point du tout des rois, ou ne leur dire que des choses qui leur soient agréables. Dites plutot, repondit Solon, qu'il faut ou ne les point approcher, ou leur dire des choses qui leur soient utiles.

Dès le temps de Plutarque, quelques savants croyaient que cette entrevue de Solon avec Crésus cadrait mal avec les dates de chronologie2, mais comme ces dates sont fort incertaines, ce judicieux auteur n'a pas cru que cette objection dût prévaloir contre l'autorité de plusieurs écrivains dignes de foi qui ont rapporté cette histoire.

Ce que je viens de raconter de Crésus est une peinture bien naturelle de ce qui se passe chez les rois et chez les grands, dont la plupart se laissent séduire par la flatterie, et nous montre que cet aveuglement vient, pour l'ordinaire, de deux causes : la première est l'inclination secrète qu'ont tous les hommes, et sur-tout les grands, à recevoir la louange sans précaution et à juger favorablement de tous ceux qui les admirent, ou qui témoignent pour leurs volontés une soumission et une complaisance sans bornes; la seconde est la ressemblance de la flatterie avec une affection sincère et avec un respect légitime, qui est quelquefois si parfaitement

Ὦ Σόλων (ἔφη) τοῖς βασιλεῦσι δεῖ ὡς ήκιςα ἢ ὡς ἥδιςα ὁμιλεῖν. Καὶ ὁ Σόλων Μὰ Δί' (εἴπεν) ἀλλ' ὡς ἥκιστα ἢ ὡς ἄριςα. [ Ρευτ. 1. 1. ] Le jeu de mots du texte grec, ws ἥκιστα ἢ ὡς ἥδιστα ει ὡς ἄριστα, estimable, parce qu'il est fondé dans le sens même, ne peut point être rendu dans une autre langue.

? Le doute des savants dont parle

Plutarque n'est peut-être pas fonde; et les dates principales, sur lesquelles ce synchronisme est appuyé, ne sont pas aussi incertaines que le croit Rollin. Les difficultés, qui peuvent exister à ce sujet ont été expliquées d'une manière satisfaisante par M. de Volney. (Rech. nouv. sur l'Histoire ancienne, T. II, pag. 28.) — L.

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