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imitée, que, sans une grande attention, les plus sages

y sont trompés.

Crésus, à en juger par ce que l'histoire nous en apprend, était un fort bon prince, et estimable par beaucoup d'endroits. Il avait un grand fonds de douceur, d'affabilité, d'humanité. Son palais était la retraite des savants et des gens d'esprit; ce qui marque qu'il n'en manquait pas lui-même, et qu'il avait du goût pour les sciences. Son faible était de faire grand cas des richesses et de la magnificence, de se croire heureux et grand à proportion de ce qu'il en possédait, de substituer l'éclat et la pompe de la royauté à ce qu'elle a de véritable et de solide grandeur, et de se nourrir des respects excessifs de ceux qui étaient comme en adoration devant lui.

Ces savants, ces beaux-esprits, et les autres courtisans qui environnaient ce prince, qui mangeaient à sa table, qui étaient de ses plaisirs, qui avaient part à sa confidence, qui profitaient de sa libéralité, et s'enrichissaient par ses largesses, n'avaient garde de heurter le goût du prince, ni de songer à le détromper de ses erreurs et de ses fausses idées. Ils n'étaient occupés, au contraire, qu'à l'y entretenir et qu'à l'y fortifier, en le louant sans cesse comme le prince le plus opulent de son siècle, et ne parlant jamais de l'abondance de ses richesses et de la magnificence de son palais qu'avec des termes et des sentiments d'admiration et d'extase, parce qu'ils savaient que c'était là un moyen sûr de lui plaire et d'avoir ses bonnes graces : car la flatterie n'est autre chose qu'un commerce de mensonge, fondé d'un côté sur l'intérêt, et de l'autre sur la vanité. Le flatteur veut s'avancer, et faire fortune: le prince veut être loué et admiré, parce qu'il est son premier flatteur, et qu'il

porte dans son cœur un poison plus subtil et mieux préparé que celui qu'on lui présente.

Le petit mot d'Ésope, ancien esclave, qui n'en avait pas perdu tout l'esprit ni le caractère, mais qui y joignait l'adresse du plus fin et du plus habile courtisan; ce petit mot, dis-je, par lequel il avertit Solon qu'il faut ou ne point approcher des rois, ou leur dire des choses agréables, nous apprend de quels hommes Crésus avait rempli sa cour, et comment il était venu à bout d'en bannir la sincérité, la bonne foi, le devoir. Aussi ne put-il souffrir la noble et généreuse liberté du philosophe, dont il aurait dû faire un cas infini, s'il avait connu de quel prix est un ami qui, ne tenant qu'à la personne et non à la fortune du prince, a le courage de lui dire des vérités désagréables et amères à l'amour-propre pour le présent, mais qui peuvent lui être très-utiles et très-salutaires pour l'avenir. Dic illis, non quod volunt audire, sed quod audisse semper volent. C'est Sénèque qui parle ainsi, en montrant de quel secours peut être pour un prince un ami fidèle et sincère; et ce qu'il ajoute paraît fait exprès pour Crésus : Donnez - lui, dit-il, un conseil utile; faites-lui entendre une fois en sa vie une parole de vérité, à ce prince dont les oreilles retentissent sans cesse de flatteries. Vous me demandez quel service vous pouvez lui rendre, arrivé comme il est à une souveraine félicité? C'est de lui apprendre à ne s'y pas fier;

I « Plenas aures adulationibus aliquandò vera vox intret : da consilium utile. Quæris, quid felici præstare possis ? Effice, ne felicitati suæ credat. Parùm in illum contuleris, si illi semel stultam fiduciam per

mansuræ semper potentiæ excusseris, docuerisque mobilia esse quæ dedit casus, ac sæpe inter fortunam maximam et ultimam nihil interesse?» (SENEC. de Benef. lib. 6, cap. 33.)

Herod. 1. J,

c. 34-45.

c'est de lui ôter cette vaine confiance qu'il a dans sa puissance et sa grandeur, comme si elle devait toujours durer, c'est de lui faire connaître que tout ce qui vient de la fortune et qui est de son ressort se ressent de son instabilité, et peut nous être enlevé promptement; et qu'entre la plus haute élevation et la chute la plus funeste, l'intervalle peut n'être que d'un moment.

Crésus ne fut pas long-temps sans éprouver la vérité de ce que lui avait dit Solon. Il avait deux enfants, dont l'un, devenu muet, était pour lui un sujet continuel de douleur; l'autre, nommé Atys, se distinguait par toutes sortes de bonnes qualités entre ceux de son âge, et faisait toute sa consolation. Il crut voir en songe que ce fils bien-aimé devait périr par le fer; nouvelle source de chagrins et d'inquiétudes. On écarte avec soin d'auprès de ce jeune prince tout ce qui a rapport au fer, pertuisanes, lances, javelots; il n'est plus mention ni de siéges, ni de guerre, ni d'armée. On fit un jour une célèbre partie pour prendre un sanglier qui ravageait tout le voisinage : tous les jeunes seigneurs de la cour devaient s'y trouver. Atys demanda avec empressement à son père qu'il lui fût permis d'y aller au moins comme spectateur; il ne put lui refuser cette grace, et il le confia à la garde d'un jeune prince fort sage qui s'était venu réfugier chez lui: il s'appelait Adraste; et ce fut cet Adraste même, qui, croyant lancer son javelot contre le sanglier, tua Atys. On ne peut exprimer ni quelle fut la douleur du père quand il apprit cette funeste nouvelle, ni celle d'Adraste, auteur innocent du meurtre, qu'il punit sur lui-même en se perçant le sein de sa propre épée sur le bûcher de l'infortuné Atys.

Herod.

Deux années se passèrent ainsi dans un grand deuil, ce malheureux père n'étant occupé que de la perte qu'il cap. 46-56. avait faite. Mais la réputation naissante et les grandes qualités de Cyrus, qui commençait à se faire connaître, le réveillèrent de son assoupissement. Il crut devoir songer à mettre une barrière à la puissance des Perses, qui prenait tous les jours de nouveaux accroissements. Comme il était fort religieux à sa mode, il ne songea point à former aucune entreprise sans avoir consulté les dieux; mais pour ne point agir à l'aveugle, et pour être en état d'asseoir un jugement certain sur les réponses qu'il en recevrait, il voulut auparavant s'assurer de la vérité des oracles. Pour cela il envoya à tous ceux qui étaient les plus célèbres, soit dans la Grèce, soit dans l'Afrique, des députés qui avaient ordre de s'informer, chacun de son côté, de ce que faisait Crésus dans un certain jour et à une certaine heure qu'on leur marqua : ses ordres furent ponctuellement exécutés. Il n'y eut que la réponse de l'oracle de Delphes qui se trouva véritable. Elle fut rendue en vers grecs hexamètres, et voici quel en était le sens : Je connais le nombre des grains de sable de la mer et la mesure de sa vaste étendue. J'entends le muet et celui qui ne sait point encore parler. Mes sens sont frappés de l'odeur forte d'une tortue qui est cuite dans l'airain avec des chairs de brebis: airain dessous, airain dessus. En effet, le roi ayant voulu imaginer quelque chose qu'il ne fût pas possible de deviner, s'était occupé à cuire lui-même, au jour et à l'heure marqués, une tortue avec un agneau dans une marmite d'airain, qui avait aussi un couvercle d'airain. Saint Augustin remarque en plusieurs endroits que Dieu, pour punir l'aveuglement des païens, per

[Herod.

1. ì, c. 47.]

mettait quelquefois que les démons leur rendissent des réponses qui se trouvaient conformes à la vérité.

Assuré ainsi de la véracité du dieu qu'il voulait consulter, il fit immoler en son honneur trois mille victimes, et fit fondre une infinité de vases, de trepieds, de tables d'or, qu'il convertit en lingots d'or, au nombre de cent dix-sept, pour enrichir le trésor de Delphes. Chacun

lingots pesait au moins deux talents. Il y ajouta encore un grand nombre d'autres présents, parmi lesquels Hérodote compte un lion d'or du poids de dix talents, et deux vaisseaux d'une grandeur extraordinaire, l'un d'or, qui pesait huit talents et demi et douze mines; l'autre d'argent, qui tenait six cents mesures nommées amphores. Tous ces présents, et beaucoup d'autres que j'omets pour abréger, se voyaient encore du temps d'Hérodote.

Les députés avaient ordre de consulter le dieu sur deux articles premièrement, si Crésus devait entreprendre la guerre contre les Perses; puis s'il devait appeler à son secours des troupes auxiliaires. L'oracle répondit, sur le premier article, que, s'il portait les armes contre les Perses, il renverserait un grand empire; sur le second, qu'il ferait bien de s'associer les plus puissants peuples de la Grèce. Il consulta de nouveau l'oracle pour savoir quelle serait la durée de son empire. La réponse fut qu'il subsisterait jusqu'à ce qu'on vît un

De ces lingots, longs de 6 palmes (o mèt. 462), larges de 3 palmes (o mèt. 231) et hauts d'une palme (0 mèt. 077), il y en avait 4 d'or pur, pesant 3 talents (d'après une correction que je fais au texte d'Hérodote, lisant, τpía ráhavτa au lieu de τρία ἡμιτάλαντα ), en

tout 12 talents d'or, ou 314 kilogr. et 113 lingots d'or blanc, c'est-à-dire allié d'argent, dont chacun pesait 2 talents, en tout 226 talents ou 5914 kilogr. d'or blanc.

On ne peut révoquer en doute l'existence de ces riches offrandes : Hérodote les avait vues.- L.

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