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phlétaire (1). Il était, dit Stendhal, l'ennemi déclaré de l'absurde emphase et de l'affectation avec lesquelles Chateaubriand a corrompu la littérature française ; son style rappelle la vigueur et la naïveté de Montaigne : s'il avait vécu, il aurait été le Pascal du XIXe siècle.

Il y a encore Mérimée. Son Théâtre de Clara Gazul est une œuvre originale qui n'est modelée sur aucune autre production - éloge qu'on ne peut donner à aucun autre écrivain dramatique depuis Beaumarchais. Heureusement, la Bastille n'existe plus, dit Stendhal, autrement, l'Académie française, par imitation (elle l'affectionne tant!) aurait demandé des fers et un geôlier pour ce jeune et imprudent novateur, qui menace d'effacer sa gloire. Au lieu d'incidents forcés et peu vraisemblables, de caractères exagérés et dépeints sous de fausses couleurs, tels qu'on les trouve dans l'Ecole des Vieillards de M. Delavigne, le Tyran Domestique de M. Duval, et d'autres comédies peu comiques, nous avons dans ses pièces une intrigue simple, vraisemblable, bien agencée, tout à fait intéressante et, surtout, nous avons un tableau exact et excellent de la société française, comme elle existait sous Napoléon (2). Pour ce qui est des autres auteurs dramatiques de l'époque, en dehors de Scribe, qui fait des comédies amusantes, il n'y a personne, dit Stendhal, qui mérite d'être mentionné.

1. London Magazine, mai 1825.
2. London Magazine, juillet 1826.

CHAPITRE VII

Influence de la littérature anglaise sur Stendhal

Il convient que je commence ce chapitre en offrant toutes mes excuses à M. de Stendhal pour mon indiscrétion, en abordant un sujet qu'il aurait préféré voir passer sous silence. Il prétendait fièrement être imperméable (c'est son mot), ne jamais subir d'influences, soit françaises, soit étrangères, garder son génie comme renfermé dans un harem, loin des atteintes du dehors. C'est donc avec bien des hésitations que je me propose d'examiner quelle influence a pu exercer sur lui la littérature anglaise. Je ne parlerai pas ici de ses plagiats d'auteurs anglais (1), d'un passage pris dans Johnson, de tel chapitre de son œuvre traduit d'un article de la Revue d'Edimbourg. Ce sont des marqués tout extérieures de ses fréquentations intellectuelles et elles ne prouvent rien, sinon qu'il se trouve par hasard que tel ou tel écrivain anglais avait déjà exprimé, sous une forme qui se recommandait aux yeux de Stendhal, des idées qui lui étaient chères. Il s'agit ici de pénétrer

1. Voir à l'appendice B.

plus avant et de se demander en quoi la littérature anglaise a contribué à former son esprit.

Et d'abord, qu'il me soit permis de distinguer deux manières différentes dont ses lectures anglaises ont influé sur lui. La première est le résultat de l'application qu'il y apporte dans le but avoué de cultiver et de fortifier son esprit ; la seconde est inconsciente, involontaire, celle justement contre laquelle il se serait défendu avec le plus grand acharnement si ses contemporains la lui avaient fait remarquer. Disons qu'il se met à l'école chez les uns, les regardant avec tout le respect que témoigne un bon élève à ses maîtres, et qu'il s'amuse avec les autres, attrapant, bien malgré lui et sans s'en douter, quelque chose de leurs façons.

Son grand maître, c'est d'abord Shakespeare. Préoccupé dans sa jeunesse de l'idée de faire une pièce de théâtre, il commence par l'étudier dans l'intention de surprendre ses secrets et de les mettre à profit dans les tragédies et les comédies qu'il ne se lasse pas d'ébaucher (1). Mais comme il n'a décidément pas le génie du théâtre et que ses efforts pour pousser dans cette fausse direction son génie naturel ne vont pas très loin, nous pouvons l'imiter et en rester là dans notre

examen.

Puis, c'est Shakespeare psychologue qu'il médite,augmentant et fortifiant par son commerce avec le poète la qualité maîtresse de son propre génie. Il contrôle sur

1. Pour la liste de ces pièces ébauchées, voir Cordier, Stendhal et ses amis, p. 109.

les personnages du poète ses propres observations et expériences (1), ce qui est la meilleure façon de se mettre à son école. Dès le premier moment, il ne s'agit pas pour lui de prendre le théâtre de Shakespeare comme un traité de psychologie, mais d'y apprendre comment s'acquiert la science même. Le poète lui montrera le chemin (2).

D'ailleurs, est-ce que sa conception même de l'art comme d'un miroir présenté à la nature n'est pas celle de Shakespeare ? « Nous sollicitons un peu de l'indulgence que l'on a montré aux auteurs de la comédie des Trois Quartiers, dit Stendhal. Ils ont présenté un miroir au public est-ce leur faute si des gens laids ont passé devant ce miroir ? De quel parti est un miroir ? (3) » Et Shakespeare de dire par la bouche des acteurs dans Hamlet qu'il prétend « to hold as'twere a miror up to nature to show virtue her own feature, scorn her own image, and the very age and body of the time his form and pressure (4). »

Il est évident qu'on ne peut pas pousser plus avant cette comparaison et rapprocher les deux auteurs autre

1. Voir, par exemple, De l'Amour, pp. 26, 83.

2. Voir Journal, p. 226. « M'exercer à me rappeler mes sentiments naturels, voilà l'étude qui peut me donner le talent de Shakespeare.>> 3. Armance. Avant-Propos, III. Ailleurs Stendhal définit le roman comme « un miroir que l'on promène le long d'un chemin ».

4. Hamlet, III, 2 (Traduction): « ...... réfléchir la nature comme un miroir, montrer à la vertu ses propres traits, à la vanité, sa propre image, à tous les temps et à tous les âges, leur physionomie et leur empreinte. »>

ment que par la finesse de leur observation. Chercher une teinte shakespearienne dans l'œuvre de Stendhal serait une futilité trop apparente pour que j'aie à m'excuser de ne pas le faire.

Il serait intéressant au contraire de comparer Stendhal avec ces grands romanciers du XVIIIe siècle, Fielding et Sterne, qui sont fameux, eux aussi, pour leur don d'observation, leurs aperçus si justes, leurs fines analyses de sentiments. De nombreuses allusions dans ses journaux et ses lettres indiquent qu'il les lit, et non pas seulement qu'il les lit, mais qu'il les médite avec délices, tâchant de dégager et de s'approprier leur méthode d'observation. Il serait trop extraordinaire que ces lectures aient été sans influence sur son génie, qu'il ne se soit rien assimilé de ces auteurs, qu'il étudiait au début même de sa carrière, lorsque tous ses efforts tendaient à donner une forme à son talent, à déterminer la voie qu'il allait poursuivre.

Certes, ce n'est pas un élève humble et soumis, — la soumission n'était pas dans son caractère, mais pour s'être affranchi en quelque sorte de la tutelle de ses maîtres, il n'en garde pas moins dans son œuvre des traces très évidentes de l'apprentissage qu'il fit.

Pour ce qui est de Sterne, il y a tout un côté de son génie que Stendhal n'a assurément pas goûté, et qu'il était peu fait pour s'assimiler. Son «shandysme » qui constitue pour beaucoup de lecteurs tout son charme, n'est guère pour lui plaire et par conséquent, il n'en est rien passé dans son œuvre. Fasciné, par contre, par les vérités que découvre Sterne sur le cœur humain,

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