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« être en délicatesse avec un tel ». Seulement, c'était sérieux, cette fois. Stendhal la « planta là » très définitivement, sur quoi les familiers de Miss Clarke crurent fermement qu'il était « un monstre, un monstre d'immoralité surtout » (1).

Le salon de Mme Edwards et du fameux Dr Edwards, frère de Milne-Edwards, était bien différent de celui de Mme Clarke. Stendhal s'y était fait présenter par son ami Edward Edwards, son compagnon de voyage à sa seconde visite en Angleterre. La chose n'avait pas été facile, car Stendhal venait de refuser à Edwards de le présenter à Mme Pasta, pour la raison suffisante, mais délicate à expliquer, que son ami n'était plus très capable, le soir venu, de savoir ce qu'il disait et ce qu'il faisait. Et puis, même quand son esprit n'était pas « offusqué par cinquante verres d'eau-de-vie », il avait un penchant malheureux pour les mauvaises plaisanteries.

Edwards avait pris très mal ce refus et avait failli provoquer Stendhal en duel. Toutefois, il n'était pas homme à garder rancune rancune et quand Stendhal lui demanda de le présenter à son frère, il fut désolé de ne pas pouvoir le faire. C'est que le savant docteur se méfiait des compagnons de son trop aimable frère. Enfin il se laissa fléchir.

« Je trouvai, dit Stendhal, un petit salon archi-bour

1. Voir sur Miss Clarke, Kathleen O'Meara, Mme Mohl. Her Salon and

her Friends (1885).

and Mary Mohl (1887).

Mme Simpson. Letters and Recollections of Julius

geois; une femme du plus grand mérite qui parlait morale et que je pris pour une quakeress, et enfin, dans le docteur, un homme du plus rare mérite caché dans un petit corps malingre duquel la vie avait l'air de s'échapper. On n'y voyait pas dans ce salon (rue du Helder, no 12) (1). » Ce n'était déjà pas un titre de recommandation auprès du docteur d'être l'ami de son frère l'idée préconçue qu'il avait de l'auteur du livre de l'Amour fit le reste. «Il m'a fallu trois années, dit Stendhal, pour vaincre la répugnance et la frayeur que j'inspirais dans le salon de M. Edwards. On me. prenait pour un Don Juan, pour un monstre de séduction et d'esprit infernal. Certainement, il ne m'en eût pas coûté davantage pour me faire supporter dans le salon de Mme de Talaru ou de Mme Duras ou de Mme de Broglie, qui admettait tout couramment des bourgeois. »

Quelle étrange idée de Stendhal, que de fréquenter ce salon, si peu fait pour lui plaire. Il détestait d'instinct tout ce qui sentait la bourgeoisie et le fuyait comme la peste. Le bourgeois est lourd d'esprit, il est pédant et bête; on ne peut parler littérature avec lui, musique non plus; il étale du luxe, il s'empare de la conversation, il parle d'une voix haute pour le plaisir de s'écouter. Donc, il faut l'éviter.

Mais, en 1822, Stendhal était trop malheureux pour agir d'une manière logique. Il n'était que trop content de se découvrir une envie même la plus passagère et mettait tous ses efforts à la satisfaire. S'étant dit une

1. Souvenirs d'Egotisme.

fois qu'il aimerait lier connaissance avec le D' Edwards, il s'y appliqua et, une fois que son salon lui fut ouvert, il y demeura fidèle « comme on l'est à une maîtresse laide, qu'on peut quitter quand on veut ».

Du reste, il garda toujours un bon souvenir du docteur, si peu aimable qu'il fût pour lui, et le mentionne souvent dans ses ouvrages comme « le savant Dr Edwards ».

Une esquisse des connaissances anglaises de Stendhal à Paris ne serait pas complète, si l'on n'y faisait une petite place à Sutton Sharpe. Pendant ses visites annuelles à Paris, il faisait partie d'un petit cercle de viveurs, qui se donnaient rendez-vous à la Rotonde. « Nous étions huit qui dînions très souvent ensemble », écrit Mérimée à la comtesse de Montijo, et il en nomme deux, Beyle et Sutton Sharpe. Les autres étaient probablement le baron de Mareste, petit, râblé, myope; Koreff, le médecin de Stendhal, homme spirituel, mais débauché et prêt à tout; Viel-Castel, diplomate et gastronome; Delacroix, parfois aussi Alfred de Musset. << On s'amusait fort, on causait bien et beaucoup et on ne se grisait pas », dit Horace de Viel-Castel (1). La dernière assertion ne s'applique pas peut-être à tous les convives, puisque Mérimée, faisant la description d'une de ces réunions, écrit : « Musset, qui avait été tout affectation jusqu'au vin de champagne, s'étant trouvé saoûl au dessert, est devenu naturel et amusant. >>

1. Mémoires, 1. 147.

Cela fait contraste avec le salon de Mme Ancelot, des Edwards, des Clarke, mais Stendhal ne trouvait-il pas que la variété est le sel de la vie ?

CHAPITRE III

Observations de Stendhal sur la politique et l'état social de l'Angleterre.

A l'en croire, Stendhal ne prenait aucun intérêt à la politique, ni française, ni étrangère. « Je compare l'état de ces patriotes qui songent sans cesse aux lois et à la balance des pouvoirs, à celui d'un homme qui prendrait un souci continuel de l'état de solidité de la maison qu'il habite. Je veux bien, une fois pour toutes, choisir mon appartement, dans une maison solide et bien bâtie; mais, enfin, on a bâti cette maison pour y jouir tranquillement de tous les plaisirs de la vie et il faut être, ce me semble, bien malheureux quand on est dans un salon avec de jolies femmes pour aller s'inquiéter de l'état de la toiture de la maison (1). » Il prétend que c'est folie de s'indigner, de blâmer, de passer son temps à haïr, de perdre en vaines discussions les plus belles années de la vie. Quelle duperie ridicule de prendre les soucis de la grandeur et seulement ses soucis !

1. Vie de Haydn, etc. p. 329.

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