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niant le Créateur. Les joueurs ivres se querellent et n'en boivent que plus. « Ah! je boirai si vous voulez, dit le Renieur, mais je pisserai sous la table. » Briette va plus loin en bons propos, et jure que, si quelqu'un demande..... ses faveurs, il les aura, s'il est jolyet. Quoi! Briette qui prêchait si bien, il n'y a qu'un moment, dire de pareilles choses! ce que c'est que la mauvaise compagnie! Alors Lucifer, jugeant la poire mûre, se montre en appelant Satan et Béhémoth pour qu'ils s'emparent des coupables; mais préalablement ceux-ci font un nouvel assaut de juremens et de discours libertins. Briette, surtout, se distingue en petits vers de cinq pieds tout à fait coquets, où, par parenthèse, les rimes des deux genres s'entre-mêlent assez régulièrement. Sur ces entrefaites, l'Église vient tenter un dernier effort. « Qui es-tu ? que maugré Jésus tu nous remplis le cul d'abus? lui dit le Blasphémateur. » L'Eglise, sans se fâcher, répond gravement : «J'ay nom l'Église. - De quoi sers-tu? lui demande le négateur. Je te baptise, répond Ecclesia. » Là dessus long récit des cérémonies du baptême, et puis sermon. Les convives tiennent bon. « Va au diable! va te...; par Dieu! je te romprai les dents. L'Église n'oppose à ces infamies que doux reproches et saintes exhortations; mais il est grand temps que Dieu vienne à son aide, car les buveurs commencent à la vouloir gourmer. Aussi apparaît-il pour prononcer de dures sentences, qui, soutenues du crucifix, ébranlent un peu le courage de la compagnie. Celle-ci se réconforte, toutefois, et reprend ses juremens et ses renégations jusqu'au point de vouloir crucifier Dieu. Soudain Marie, Chérubin, Séraphin accourent tout en larmes faire des complaintes. Représentation de la Passion. L'Église revient haranguer les nouveaux déicides. Point de repentir chez ces gens; il faut absolument que Séraphin et Chérubin les jettent à terre, leur crèvent les yeux, et les menacent de pis. Cependant les voilà qui se relèvent et recommencent encore, en disant qu'ils veulent mourir dans l'impénitence finale. Pieux discours de Marie en opposition aux discours des trois diables. Enfin les trois fléaux tombent sur les bandits et les tuent. Les ames de ces vilains morts sont livrées au diables, qui, après leur avoir fait le tableau des douceurs qui les attendent, ponunt eas in cacabinam. Alors ces ames se lamentent: il est bien temps! elles regrettent leur vie et Satan triomphe. « J'en aurai d'autres encore, dit-il, en Languedoc et en Esture, en Portugal et Beauvoys (Beauvoysis), Allemands, Flamands et Françoys, -et Pigourdins et Bourguignons, — Anglois, Ecossois et Bretons, etc., etc., etc. » Briette s'écrie : » O souverain débonnaire ! justement nous sommes punis. »

Ainsi le confesse, de son côté, le Renieur. L'Injuriateur luimême veut se réconcilier. L'Eglise, toute miséricordieuse, écoute la voix de ce repentir tardif; elle pardonne et dit : «< Chantons Te Deum laudamus! »

L'auteur de cette Moralité n'est pas connu. Ce pourrait bien être Jehan Molinet, qui avec Barthélemy Aneau, Jehan d'Abundance le basochien, et Jehan Bouchet, dit le Traverseur, étaient les principaux fournisseurs en ce genre de pièces. En tout cas, elle ne saurait appartenir à Barthélemy Aneau, qui fut plus tard luthérien ; ni à Jehan Bouchet, qui avait trop d'esprit pour un tel ouvrage ; surtout si, comme nous le croyons, il est le père de la moralité de la Chaste villageoise.

LES REGNARDS

TRAVERSANT LES PÉRILLEUSES VOYES

DES FOLLES FIANCES DU MONDE;

Composées par Sébastien Brand, lequel composa la Nef des Fòls, dernièrement imprimé à Paris, par Michel le Noir, libraire demeurant sur le pont Sainct-Michel, à lymaige Sainct Jehan levangeliste, et fut achevé lan mil cinq cens et quatre, le xxi jour de may. 1 vol. in-4 gothique, figures en bois. (Très rare.)

(1504.)

Cet ancien et précieux écrit de morale est le chef-d'œuvre du célèbre Jean Bouchet, qui en prit le surnom de Traverseur, auteur dramatique des plus estimés du 15° siècle, et savant historiographe, comme le prouvent ses excellentes Annales d'Aquitaine. Né à Poitiers, en 1476, il y devint procureur distingué, se fit une grande réputation par ses écrits, et mourut vers 1550. Est-ce prudence ou modestie de sa part; est-ce caprice de son premier éditeur, Antoine Vérard, qui fit mettre les Regnards traversant, etc., sous le nom de Sébastien Brand, fameux jurisconsulte de Strasbourg, né en 1454, mort en 1520? Nous l'ignorons; mais il n'y a point de doute à élever sur le véritable auteur du livre, puisque son nom et sa patrie sont écrits en forme d'acrostiche au commencement du chapitre intitulé: Exhortation où par les premieres lettres des lignes trouverez le nom de l'acteur et le lieu de sa nativité. L'analyse exacte de ce livre serait plus que difficile, attendu qu'il manque absolument de méthode, l'exemple de tous les traités philosophiques de cette époque, soit en Italie, soit en France. On voit bien que les premiers prosateurs ont été formés par les poètes : ils courent à l'aventure en tout sens, sous la conduite de l'imagination plutôt que de la raison, et fournissent ainsi leur carrière démesurée sans l'avoir proprement commencée ni finie. Ainsi procède le penseur Michel Montaigne lui-même; mais celui-là, pour le coup, est

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pourvu de tant de génie et de verve gasconne, qu'il est encore plus malaisé de l'oublier que de l'extraire. Conten tons-nous donc de faire connaître, par quelques citations, le style et la manière du Traverseur, après avoir, avant tout, rendu hommage à sa fécondité, à ses vues saines, à ses réflexions solides, et à la pureté surprenante de sa diction, principalement dans sa prose, infiniment préférable à ses vers, d'abord beaucoup trop multipliés. Les Regnards traversant comprennent trois parties: la 1re, toute en prose, est divisée en 13 chapitres de réflexions et de censures judicieuses sur le relâchement des mœurs, l'inconstance du peuple, la vraie et la fausse noblesse, les devoirs et les vices des grands, les folles espérances de ceux qui s'attachent trop aux biens de fortune et aux dignités, l'hypocrisie des femmes, des moines et des gens de cours; sur les envieux, les fous amoureux et les usuriers; sur les mauvais conseillers des princes, les violateurs des franchises de l'Église, la vie dissolue du clergé, les inconvéniens du célibat des prêtres, qu'il admet pourtant par respect pour les canons; sur la justice et ses organes, sur l'objet de l'autorité royale, les châtimens dont Dieu a frappé la France, etc., etc., le tout mêlé d'exemples, de rapprochemens historiques et de textes sacrés. La 2o partie est en vers : c'est une suite de pièces morales du rhythme de huit et de dix pieds, que l'auteur nomme ballades, où il passe en revue les sciences, les arts, les professions, les métiers, pour en montrer les abus, depuis le labourage jusqu'à la médecine; depuis la charpenterie jusqu'à la chevalerie; depuis la théologie jusqu'à la musique; et aussi tous les vices qui affligent l'humanité en général. Il règne un peu de mélancolie et beaucoup de négligence dans les vers de Bouchet. On peut, si l'on veut, s'en prendre à la maladie dont il nous dit qu'il était alors tourmenté. Au surplus, rien de plus moral que cette macédoine poétique. La 3e partie a donné à l'ouvrage entier son titre, et c'est la plus étendue. Le sujet en est un vieux pécheur de renard, lequel sentant poindre l'aiguillon de la mort, veut faire une bonne fin et se confesse. Les exhortations du confesseur, flanquées de longs passages des Écritures, forment presque tout ce poème plus ennuyeux encore qu'édifiant, et fort au dessous des réflexions et des ballades précédentes. La totalité du livre peut être considérée comme une explication des figures allégoriques, gravées sur bois, qui précèdent les chapitres, et où l'on voit des renards en divers costumes et diverses attitudes. L'esprit humain aime naturellement les allégories, les énigmes, le merveilleux; c'est ce que témoignent les premiers auteurs de toutes les litté

ratures, par les formes contournées dont ils ont enveloppé leurs productions.

Voici maintenant de courts échantillons des vers et de la prose de Jean Bouchet:

Il ne faut point que le Seigneur se rye
Quand ses subjects sont en mutinerie,
Mais à cela doibt saigement pourvoir
Et tout premier doibt oster pillerie,
Et d'avec luy deschasser flatterie;

Car ces deux vices font maints maux recebvoir,
En oultre ce, je lui fais assavoir

Que s'il ayme trop argent ou avoir,

Tout yra mal; ce n'est point mocquerie, etc.

Les nobles font aujourd'hui tant de maulx
A leurs subjects et très poures vassaul
Que l'air en put et le ciel en murmure.
Les juges font de trop villains deffaulx,
Les advocats sont cauteleux et faulx,
Les procureurs font pis, je le vous jure,
Et le marchant pour bien pou se parjure,
Faisant à Dieu et son proème injure.
Les mécanies si sont trompeurs et caulx;
Sergens, notaires font mainte forfaiture;
Le laboureur près son champ et pasture,
Ne fait pas moins nonobstant ses travaux.
Curés, evesques et prebstres séculiers
Des abus font à cens et à milliers
Que je ne nomme parce qu'on le scet bien.
Abbés, prieurs et moynes réguliers
Sont aujourd'hui si très irréguliers
Qu'on ne pourrait dire d'eulx aulcun bien.

.....

C'est grant horreur, pour au propos venir,
Des gens d'église auxquels on voit tenir
Publicquement bastards et concubines.
Femme ne peut si bien se contenir
Qu'ils ne facent à pesché parvenir, etc., étc.

DES FOLS AMOUREUX.

« O fols amoureux qui metiez vostre cueur en une chose tant >> vile et abominable, regardez le dangier où à vue d'œil vous >> vous mettez. Considérez les maulx que les fols amoureux ont >>> pour leurs sottes amourettes. Les uns en sont occis, les aultres » en sont malades, les aultres en sont perturbés de leurs sens, >> les aultres destruits et mis à poureté, les aultres abétis, et les >> aultres impotens pour les froidures qu'ils ont en leur jeunesse. » endurées à la porte de leurs dames. Il fault aller,. venir, tra» verser, regarder en crainte, saluer sous le bonnet, porter

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