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Use du tien de sorte à n'user point d'autrui.
Les biens ont leur valeur, sans laquelle, aujourd'hui,
Jamais rien ne seras, fusses-tu l'honneur même.
La puissance de l'or fait le renom suprême!
Pourtant que l'indigent te soit plus cher que l'or;
Prompt à le secourir, ouvre-lui ton trésor.
Que si la pauvreté t'est laissée en partage,
Ne fais, pour en sortir, rien qui le ciel outrage;
Que ton lucre, au prochain, ne coûte point de pleurs!
Bien mal acquis s'envole et retombe en malheurs.
Fuis l'adulation, le précepte est facile,

Et ferme ton oreille aux faux amis de ville,
Du mal qu'on dit de toi, conteurs intéressés.
Rends ta moitié l'objet de tes soins empressés!
La vie a fait vos noeuds : que la mort seule y touche!
Sois ami pour ta femme, et non ty ran farouche;
C'est ta compagne et non ta servante, etc., etc.

Suivent d'excellens préceptes pour se conduire dans la vie privée, dans les emplois de magistrature, à la cour, à la guerre, profession dont il détourne son fils par le tableau des mœurs violentes des guerriers de son temps. Enfin,

<< Cum mors pallens ætate peracta

>> Instabit, non ægro animo communia perfer
>> Fata; nihil nobis damni mors invehit atrox,
» Sed mala cuncta aufert miseris, et sidera pandit.
>> Tu ne crede, animos una cum corpore, lucis

>> Privari usura. In nobis cœlestis origo

» Est quædam, post cassa manens, post cassa superstes
» Corpora, et æterna se commotura vigore, etc., etc. »

La traduction en vers français de cet estimable poème n'a pas, à beaucoup près, le mérite de l'original. Elle est plate, prosaïque et pleine d'enjambemens désagréables. On se permet, il est vrai, plus facilement, les enjambemens dans les vers de dix pieds, parce que le mètre en est familier de sa nature; mais il y faut des bornes. Les rimes d'ailleurs ne sont pas alternées. Il s'en trouve jusqu'à dix masculines de suite, ce qui rend l'harmonie bien monotone. C'est ici le cas de dire traduttore, traditore. Il suffit, pour juger du ton général de cette traduction, de voir comme l'ami de Dolet a rendu les beaux vers sur la mort que nous venons de citer :

<< La mort est bonne et nous.prive du mal
>> Calamiteux et puis nous donne entrée
» Au ciel (le ciel des ames est contrée);

>> Prends doncq en gré, quand d'ici partiras,

» Et par la mort droict au ciel t'en iras, etc., etc. »

Nous ne pensons pas qu'il y ait de l'orgueil à essayer de

la traduction suivante comme moins mauvaise; le lecteur en

jugera.

Et quand la pâle mort, de ton âge accompli
Viendra trancher le cours; que ton cœur amolli
N'écarte point sa faux au monde entier commune!
A qui la connaît bien la mort n'est importune;
C'est l'asile des maux, c'est la porte des cieux :
Car ne va pas penser qu'en nous fermant les yeux
Elle ferme à jamais notre ame à la lumière :
L'homme remonte alors à sa source première.
Il est, il est en lui, même au sein du tombeau,

Un principe éternel, un éternel flambeau, etc., etc., etc.

LE RÉVEIL-MATIN DES COURTISANS,

OU

MOYENS LÉGITIMES

POUR PARVENIR A LA FAVEUR ET POUR S'Y MAINTENIR;

Traduction françoise de l'espagnol de don Anthonio de Guevara, évesque de Mondoñedo, prédicateur et historiographe de CharlesQuint; par Sébastien Hardy, Parisien, receveur des Aydes et Tailles du Mans, seconde édition. A Paris, de l'imprimerie de Robert Estienne, pour Henri Sara, rue Saint-Jean-de-Latran, à l'enseigne de l'Alde. In-8 de 384 pages et 4 feuillets préliminaires. (Exemplaire de Gaignat.)

(1540-1623.)

Don Antoine de Guevara, moine franciscain de la province d'Alava, que ses talens et sa piété recommandèrent auprès de Charles-Quint, mourut, en 1544, évêque de Mondonedo. Les biographes et bibliographes citent son Horloge des Princes, ses Epitres dorées, ses Vies des empereurs romains, ses poèmes du Mépris de la court, de l'Amye de court, de la parfaite Amye de court, de la Contre-Amye de court, ainsi que les traductions de ces divers ouvrages par les seigneurs de Gutery, de Borderie, les sieurs d'Alaigre, Hécoet, Charles Fontaine, etc., etc., de l'an 1549 à 1556, et, chose étrange, ils ne disent mot de cet écrit, la meilleure, la plus oubliée et la plus rare des productions de l'auteur. Guevara composa ce traité qu'un auteur célèbre a faussement qualifié de Manuel du Cloître plutôt que de la Cour, pour un favori de Charles-Quint, modele de grandeur d'ame et de loyauté, nommé Francisco de Los Cobos, que l'empereur maria avec Marie de Mendoce, et fit grand commandeur de Léon. L'ouvrage reçut, en Italie, les honneurs de la traduction sous son titre primitif de Aviso de favoriti e dottrina de Cor teggiani. Le traducteur français Sébastien Hardy, auteur, en 1616, avec un sieur de Grieux, de Mémoires et Instructions pour le fonds des rentes de l'Hôtel-de-Ville, changea ce titre

raisonnable contre un bizarre, je ne sais pourquoi, et dédia są traduction à M. de Flexelles, sieur du Plessis-du-Bois, conseiller du roi et secrétaire des finances, dans une épître qui sent son receveur des Aides. Il dit qu'en faisant l'éloge de son original il ne craint pas de s'être mécompte d'outre-moitié du juste prix, en quoi il a raison. Du reste, sa traduction paraît fidèle et elle est fort passablement écrite.

La devise de Guevara est celle-ci : Posui finem curis Spes et fortuna valete, que Sébastien Hardy rend de la manière suivante: Fortune et espérances vaines, adieu, j'ay mis fin à mes peines.

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Avant d'arriver aux vingt chapitres dont se compose ce traité dans la traduction, il faut recevoir dix enseignemens, puis franchir un long prologue suivi d'un argument qui n'est pas court: les Espagnols ne vont pas vite, et leurs lecteurs ont besoin de patience; mais la patience reçoit avec eux son prix. Parmi les enseignemens, le courtisan doit retenir ceux qui suivent : Ne dites pas tout ce que vous savez ; ne découvrez pas tout ce que vous pensez; ne faites pas tout ce que vous pourriez faire; ne prenez pas tout ce que vous pourriez prendre ; ne montrez pas toutes vos richesses. Voici encore une sentence digne de mémoire, tirée du prologue : « Ceux qui cherchent plus d'un >> ami n'ont qu'à se rendre à la boucherie pour y acheter plu>> sieurs cœurs. >> La première leçon du livre est bien remarquable dans la bouche d'un homme qui avait vécu sagement à la cour, et qui enseigne l'art d'y bien vivre : « Voulez» vous être heureux? dit-il, fuyez les cours!» Ici vient, à l'appui du conseil, un détail des misères et des embarras qui assiègent le pauvre homme suivant la cour, soit en station, soit en voyage, tels que de n'avoir ni repos, ni sommeil, ni liberté, fort souvent point d'argent avec force obligation d'en donner aux valets du prince, aux archers, aux muletiers, d'en prêter aux bons amis, d'en dépenser pour soi en habits somptueux qu'il faut changer sans cesse; que savons-nous encore, et cela d'ordinaire pour n'avoir pas même une parole du maître, un regard du favori, un éçu du trésorier, et se voir assailli d'envieux qui vous croient puissant, et de cliens qui vous somment de faire leur fortune. Mettez que vous ayez tant fait que d'être un jour emplumé; voici tout d'abord les honnêtes cavaliers et les honnêtes dames vous plumant, qui d'une aile, qui de l'autre. Pour être calomnié, pour moqué, c'est le destin du courtisan, c'est sa vie; il faut qu'il s'y résigne. S'il se tait, c'est un lourdaud; s'il parle, c'est un importun; s'il dépense, on l'appelle prodigue;

s'il est ménager, avaricieux ; s'il demeure au logis, hypocrite; s'il visite, entremetteur; s'il est grandement suivi, ils disent qu'il est fol et superbe; s'il mange seul, qu'il est honteux et misérable; conclusion que de mille courtisans il n'y en a pas trois qui profitent. Mais aussi comment contenter les gens de cour? les loger à leur goût, il n'y a pas moyen, d'autant qu'il faut loger non seulement leur train, mais encore leur folie, et cela plus près du palais que de l'église. L'article des logemens occupe long-temps Guevara; c'est que dans toute cour l'article est capital pour un homme qui veut s'y pousser, et l'était surtout alors à la cour d'Espagne, si voyageuse à dos de mules et de mulets, dans un pays si dépourvu, tellement que le personnage dont chacun avait le plus affaire et qu'il fallait le plus caresser était le grand-maréchal des logis du roi. Caressez donc, Messieurs, flattez les officiers des logis, mais gardez-vous de hanter les femmes et les filles de vos hôtes! c'est une trahison infame de le faire. Passe pour gâter leurs meubles, leurs lits, leur linge, abattre les pots à bouquets, rompre les garde-fols, descarreler les planchers, barbouiller les murailles et faire bruit dans la maison; mais aborder leurs femmes et leurs filles, cela mérite d'avoir le col tordu et les mains coupées; lisez plutôt Suétone dans la vie de Jules-César, Plutarque en son Traité du Mariage, et Macrobe en ses Saturnales. « N'avez-vous donc pas à la cour >> assez de provisions de ce genre étalées en toute saison? » → Cependant voulez-vous gagner la faveur du prince? sachez lui plaire par le respect et l'à-propos; ensuite, mais en second lieu, servez-le bien.

C'est une chose fragile que la faveur, et on ne la retrouve plus quand une fois elle est échappée. Quiconque a mis son prince en colère ne doit plus compter sur sa faveur. L'activité est bonne, l'adresse bonne, la fourberie mauvaise, la vertu utile, la fortune toute puissante, Parlez peu souvent au prince; et pourquoi lui parleriez-vous souvent? pour médire? il vous craindra; pour lui donner avis secret? il ne vous croira pas; pour le conseiller? c'est vanité qui le blessera; pour lui conter des balivernes? familiarité choquante; pour le reprendre? il vous chassera; pour le flatter? il vous méprisera; le plus sûr est donc de parler peu souvent à lui. Quand vous vous y hasardez, que ce soit à l'oreille gauche, afin que le prince ait toujours la main droite. Ne sentez alors ni le vin, ni l'ail. Ne toussez ni ne crachez. — Point de gestes de tête, ni de la main; point de remuement de barbe; on devient odieux par les contraires. J'ajouterai à ces sages leçons de Guevara un important pré

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