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Sans

luthériens mais revenons à Platon. De ce que l'ame, selon lui, était éternelle et d'essence divine, il en inférait qu'elle avait en elle la parfaite lumière, et que les erreurs où le corps la faisait tomber se dissipant par la réflexion et par la mort, elle retournait à son premier état parfait, n'apprenant ainsi rien de nouveau, et ne faisant du tout que se ressouvenir: doctrine si belle et si ingénieuse, qu'elle a été cause que saint Augustin a trébuché, et qu'Origène a failli. — A ce compte, mon ame, ils ont damné Origène aussi bien que notre Mathieu Paulmier? doute, Justin; mais Dieu n'aura pas pris garde à leur jugement, parce qu'il ne damne pas les gens pour des erreurs d'un esprit de bonne foi, mais seulement pour des vices du cœur. Or, parlons maintenant d'Aristote. Comme il faisait naître l'ame quand et quand le corps, il disait qu'elle ne pouvait rien opérer sans lui, si ce n'est comprendre certaines propositions évidentes, et, pour ainsi parler, palpables, telles que celle-ci : Qu'une chose ne peut à la fois être et n'être pas, etc.; et cette faculté de compréhension élémentaire, il l'attribuait à un je ne sais quoi, qu'il nommait l'intellect agent, appelé par notre poète Dante premières notices. A présent, Justin, choisis de Platon ou d'Aristote. Mon ame, c'est à toi de me guider là dessus. Eh bien, je te conseille de soumettre ta raison et de suivre simplement la foi chrétienne, comme ont fait les apôtres.- Mais, mon ame, je ne saurais soumettre ma raison à ce que je ne comprends pas. -Sois humble, te dis-je, ver de terre, et Dieu saura bien se faire entendre. · Ainsi ferai-je. — Et tu feras bien. Demain nous en reparlerons.

SEPTIEME DISCOURS.

Justin, qui vient de dormir tout d'une traite paisiblement, s'étonne que le jour soit déjà venu, et fait ses réflexions sur la fuite du temps. Son ame arrive sur ces entrefaites: il la prie de lui enseigner les moyens de ralentir un peu la course du temps, afin de prolonger sa vie. L'ame se prête de bonne grace à la proposition, toute immatérielle et immortelle qu'elle est, et donne à Justin des préceptes hygiéniques fort sages. Vivre en bon air, loger au midi, manger de moins en moins à mesure qu'on vieillit, prendre des alimens chauds pour réparer la dissi · pation de la chaleur naturelle, et humides pour combattre le dessèchement des fluides. Les substances douces et sucrées conviennent pour cet objet; le myrobolan est surtout merveilleux.

Du reste, faire de l'exercice, vivre sans souci, désir ardent, ni colère, de temps en temps humer un œuf frais, et tremper une mie de pain dans un verre de bon vin; enfin renoncer à Vénus. Voilà pour les moyens matériels. Il en est de spirituels, tout aussi efficaces pour adoucir les derniers instans que nous passons sur la terre, savoir: l'égalité d'ame, la pratique de la vertu, l'affabilité avec ceux qui nous approchent, mais surtout la piété, la croyance d'une vie meilleure, et un vif amour de Dieu. Ah! mon ame, que tes paroles sont consolantes! Je me sens tout changé. Justin, c'est ce que je désire.

HUITIEME DISCOURS.

Justin paraît soucieux : son ame en demande la cause. Mon ame, c'est le monde et la fortune; c'est l'envie qui poursuit les gens de bien. Depuis que je suis honnête homme, chacun me tombe sur les épaules; il me faudra changer de quartier. -Justin, prends garde de ne pas confondre deux choses fort distinctes, l'envie et la haine. Si tu excites l'envie, c'est que tu es heureux; alors ne te plains pas : si tu excites la haine, c'est qu'il y a de ta faute; en ce cas, corrige-toi. — Mais de quoi? — Ah! je t'y prends ; il te faut premièrement corriger de la bonne opinion que tu as de toi-même, et qui t'est commune avec presque tous les vieillards. Rien de si propre à t'attirer la haine des voisins, et c'est la véritable cause de tes soucis; mais n'en prends pas de chaudes alarmes. Les ennemis ont leur utilité comme les amis pour qui sait s'en servir : il est bon d'avoir des uns et des autres afin que d'où la honte ne te saurait retirer, la crainte t'en recule. Suivent d'autres réflexions excellentes sur l'utilité des ennemis.

NEUVIÈME DISCOURS.

Justin paraît encore soucieux, et c'est des infirmités de la vieillesse qu'il se plaint cette fois. Il a mal dormi; ses membres sout endolorés; la tête lui pèse. Son ame le semonce vigoureusement. Justin, Justin, as-tu.si mal profité de mes conseils que de te roidir contre la nécessité? Tu as mal dormi: eh bien! le sommeil, qui nous empêche de penser, est-il donc si précieux ? Longue et fastidieuse dissertation contre le sommeil. Autre dissertation subtile sur le temps et sa mesure. Le Dante cité à cette occasion: Les Italiens voient toute chose dans le Dante.

DIXIÈME DISCOURS.

Apologie de la vieillesse. Que lui reproche-t-on? 1° qu'elle rend inhabile aux affaires; 2° qu'elle amène les infirmités; 3° qu'elle prive des plaisirs; 4o qu'elle touche à la mort. Mais, d'abord, la plupart des affaires se réglant par le conseil plutôt que par la force, et le conseil gouvernant même souvent la force, il suit que l'âge de l'expérience et du conseil ne rend incapables d'affaires que ceux qui l'étaient dans la jeunesse encore davantage. A l'égard des infirmités, tous les âges ont les leurs, et celles de la vieillesse sont de toutes les moins douloureuses, à cause du ralentissement du sang et de la moindre irritabilité des nerfs. Quant aux plaisirs, ceux de la jeunesse, plus nombreux et plus vifs que ceux de l'âge avancé, n'excluent pourtant pas ces derniers, et leur cèdent même le pas, en ce qu'ils sont moins favorables à la morale et à la raison. N'est-ce pas un grand et noble plaisir que celui d'être respecté justement? Enfin vient le point capital, la mort; mais la mort touche à tous les âges, et la durée, qui a nécessairement son terme, est un trésor de petite valeur. Cent ans et vingt ans sont, à parler philosophiquement, des quantités égales. L'infini seul, étant sans mesure, est un bien quand on l'applique à la durée. C'est donc l'éternité seulement qui doit nous émouvoir, et qu'il faut mériter, en ayant toujours Dieu pour principe et pour fin.

Tel est sommairement ce livre que non seulement on peut, mais qu'on doit lire encore aujourd'hui, et dont certains biographes de Gello, qui, sans doute, ne l'avaient pas lu, tout en le jugeant (ainsi qu'il arrive communément aux biographes, tant ils sont pressés), n'ont pas craint de dire qu'il fut censuré comme contraire à la morale et à la pudeur, tandis qu'il ne le fut et ne le pouvait être que comme contraire aux impudiques et aux charlatans. Nous dirons, en finissant, que la traduction française est d'un très bon style, plus coulant et plus correct même que la prose d'Amyot et que celle de Montaigne, sans toutefois reproduire les graces naïves de l'une, ni la force, la vivacité, la chaleur pittoresque de l'autre.

COELII SECUNDI CURIONIS

RELIGIONIS CHRISTIANÆ INSTITUTIO

ET BREVIS ET DILUCIDA

Ita tamen ut nihil quod ad salutem necessarium sit, requiri posse videatur. Accessit epistola quædam ejusdem, de pueris sancte christianeque educandis : ut non modo filii sed etiam parentes formam pietatis habeant, quam sequantur. (1 vol. in-12 de 95 pages.)

(1549.)

Curion, l'auteur de ce petit traité, ne fut pas toujours aussi grave. C'est à lui qu'on attribue principalement le recueil des satires contre l'Eglise romaine, si rare et si recherché, intitulé: Pasquillorum tomi duo; mélange de vers et de prose auquel l'éditeur de Basle ajouta le Pasquillus extaticus et le Pasquillus theologaster du même écrivain. Sallengre, au tome 11 de ses Mémoires de littérature, a donné une très piquante analyse de cès satires ingénieuses et amères qui nous dispense d'en parler davantage. Curion, né Piémontaís, en 1503, embrassa la réforme avec fureur, souffrit pour elle des persécutions auxquelles il n'échappa que par miracle, et mourut tranquillement à Basle, en 1569, professeur de belles-lettres. Son Institution chrétienne, précédée d'une dédicace en forme de préface à ses fils Horace, Léon et Augustin, présente d'abord un dialogue entre un père et son fils sur les matières relatives au salut, dont la morale est évangélique, le style pur, mais où le dogme est fort simplifié, principalement sur le chapitre de la Communion qu'il appelle la Cène et qu'il signale, avec Luther, comme une figure du dernier repas de Jésus-Christ. Suit une lettre, également en bon latin, adressée à Fulvius Peregrinus Moratus, nouvellement marié à une vertueuse femme, touchant la manière d'élever pieusement et chrétiennement les enfans; cette lettre contient d'excellens conseils et respire plus d'onction qu'on n'en trouve communé

ment dans les écrits des théologiens réformés, dont l'éloquence n'est guère que colère et ironie. « Quelque riche que vous soyez, » y est-il dit, forcez vos enfans d'apprendre quelque industrie » honnête, pour comprimer l'inconstance et la dissipation de cet » âge.» «Quamobrem tametsi dives sis, honestam aliquam >> artem illos jubebis discere; sic enim ætas illa alioqui vaga et » inconstans, continebitur. » Remarquons le chapitre 5 de l'Evangile selon saint Mathieu, sur les béatitudes, où le prédicant rappelle l'homme à la contemplation de ses mœurs par l'idée de la brièveté de la vie ; le chapitre 22 du 5o livre des Institutions divines de Lactance, pour expliquer comment Dieu permet les épreuves des bons sur la terre et les prospérités des méchans. Le traité se termine par une suite de prières pour le matin, le soir, les études, les repas, les leçons et la lecture; prières courtes, mais solides. La traduction française, imprimée en 1561, in-12, est faite sur un texte italien du livre original. Le dialogue s'y représente en paraphrase froide et sans couleur; la présence réelle est encore plus vivement attaquée dans ce petit volume. On y invoque le témoignage des anciens docteurs, celui de saint Augustin contre Adamantinus, disciple de Manichée, épître 12; celui de saint Chrysostôme sur le psaume 22; celui de saint Ambroise, chapitre 22 de sa première épître; enfin celui de Chrysostôme de nouveau, dans l'homélie 83, chapitre 27. Suivent plusieurs courtes dissertations, visiblement calvinistes, par rapport aux images, au culte des saints, au purgatoire, à la confession auriculaire, à la libre lecture des livres sacrés, au jeûne, au pouvoir de lier et de délier; par où l'on voit que cette nouvelle institution chrétienne est autre chose que la première, laquelle nous semble bien préférable, à ne juger même que la forme; mais toutes deux sont hétérodoxes.

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