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par la conquête, mais seulement par elle-même! Il en est temps encore, dès que la langue n'a pas essuyé le coup mortel. Un pas de plus, il serait trop tard; et la ruine du théâtre une fois consommée, le mal s'étendrait plus loin. Un peuple assemblé, à qui journellement on ose tout dire et tout montrer, et qui peut tout voir et tout entendre, est incessamment capable de tout faire.

Analectabiblion. 1.

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LA PHYSIQUE PAPALE,

Faite par manière de devis et par dialogues, par Pierre Viret. L'ordre et les titres des dialogues:

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Semblablement y sont adjoustées deux fables : l'une des passages de l'Escriture, que l'autheur expose en ce livre; l'autre des matières principales contenues en iceluy. De l'imprimerie de Jean Gérard. (1 vol. in-8 de 464 pages, sans les Tables. M.D.LII.)

(1552.)

La Physique papale, ouvrage de controverse plutôt que de morale, passa, lors de sa publication, en 1552, pour un des coups le mieux assenés sur la tête du pontife romain, qui fussent partis du célèbre triumvirat de Calvin, Farel et Viret. Ce livre est spécialement dirigé contre le Rationale divinorum officiorum de Guillaume Durand, savant évêque de Mende, mort à Rome en 1296, qui rend raison des diverses cérémonies de l'Église romaine. L'auteur s'y propose, dans cinq dialogues, entre Thomas, Eusèbe, Hilaire et Théophile, de montrer que les papes, faux physiciens, médecins et apothicaires des ames, ont pris les cérémonies sacrées dans une philosophie païenne et superstitieuse, pleine d'idolatrie et de blasphemes; idée qui, dégagée d'injures et appuyée d'une érudition méthodique, ouvrait la voie à plus d'une vérité, mais dont Viret n'a guère su tirer que des erreurs insultantes, et dont il s'autorise pour joindre, aux titres de ses dialogues, le nom d'autant de divinités fabuleuses. Il avertit que, par occasion, il attaquera les faux médecins et apothicaires du corps, autrement les empiriques. Ainsi, gare aux gens qui se mêlent de traiter les maladies soit du corps, soit de l'ame! ils vont passer sous la férule calviniste sans ménagement. Mais, d'abord, il est utile de savoir qu'Eusèbe est un zélé papiste, que Thomas incline, avec un certain doute de bonne foi, vers l'orthodoxie, et qu'Hilaire et surtout Théophile sont des

réformateurs à outrance; le premier sur le ton goguenard, le second sur le ton grave.

Le débat s'engage, au premier dialogue, sur le purgatoire et les limbes. Hilaire, fidèle à son système de comparaisons prisés de la médecine, examine le profit que les médecins de l'ame recueillent de ces deux médicamens, pour en déterminer la source et la valeur. Sa manière d'argumenter rentre ici dans la maxime: Is fecit cui prodest. Il se répand en lazzis sur Mercure et saint Michel entre lesquels il trouve des rapports merveilleux, puis viennent d'autres lazzis sur les médecins qui multiplient les drogues pour augmenter leurs salaires; et sur les prêtres qui, laissant aux saints le soin d'intercéder pour les vivans, ce qui ne rapporte guère, se sont réservé d'intercéder pour les morts ce qui rapporte beaucoup. Il découvre le germe de la doctrine plantureuse du purgatoire dans le paganisme, s'égaie à propos des purifications par le feu, telles que les employait Médée, la grande sorcière, et leur compare la coutume qu'ont nos prêtres d'éventer les femmes et les enfans avec le corporal, etc., etc.

Au second dialogue (des Bains), Hilaire s'étudie à prouver, par la messe de requiem, où il est question, à l'occasion des peines de l'enfer, d'un lac profond (lacu profundo), que cette fiction est prise du 6 livre de l'Enéide. Il retrouve successivement les divers points de la doctrine du purgatoire dans les traditions païennes, avec cette différence, à l'avantage des païens sur les chrétiens, que les premiers payaient, pour le passage des morts, aux morts mêmes, tandis que les seconds paient au prêtres. D'ailleurs il en coûtait moins pour engraisser Caron que pour fournir la cuisine des évêques, etc., etc. Le mot de trespassés rappelle le passage dans la fatale barque. Suivent beaucoup d'autres divagations.

Le troisième dialogue entreprend l'Église sur l'eau bénite. Lazzis sur les prétendues vertus de cette eau, plus variées que celle de la fontaine de Sardaigne, dont parle Solin, qui guérit les maux d'yeux et découvre les larcins. Comparaison de l'eau bénite au bain sale, dont Diogène disait : « Ceux qui se bai» gnent ici, où se lavent-ils ? » Les Turcs aussi font un grand usage de tels lavemens. Mais ce sont les juifs surtout qui ont fondé l'usage de l'eau sainte. Entre ceux-ci se distinguaient les samaritains, qui usaient, à cet effet, d'urine, parce qu'ils y trouvaient à la fois l'eau et le sel. Lazzis sur le sel et la salive.employés avec l'eau dans le baptême. Le reste du dialogue continue de la sorte.

Le quatrième dialogue, consacré à travestir les cérémonies

par le feu, renchérit, sur les précédens, d'obscénités, d'impiété, de fausse érudition comme de faux raisonnemens, toujours avec un flux de paroles qui gâterait la meilleure cause.

Vient enfin le cinquième dialogue sur l'Alchymie. C'est là que l'auteur rassemble tous ses moyens. Il fait voir qu'avec leurs cérémonies les prêtres de l'Église romaine ont rencontré le secret de la pierre philosophale. Dures vérités touchant la vente des sacremens et des indulgences, mais vérités si mal dites, qu'elles auraient dû manquer leur effet. Revue des différentes natures d'impôts levés par l'avarice sacerdotale sur la crédulité des fidèles.

Hilaire appelle le pape le grand capitaine des maquereaux et des paillards. Comparaison des scandales de nos prêtres aux scandales des prêtres de Cybèle dont les maris se trouvaient fort mal, encore que ces prêtres fussent châtrés. Détails, à ce sujet, tirės de l'âne d'or d'Apulée. Ici la satire de Viret devient si bassement ordurière, qu'il n'est plus permis d'en rien dire.

Nous avons analysé ce livre sans scrupule, parce qu'en dépit de sa célébrité passée il est si informe, si confus et d'un si mauvais goût, qu'il profite plus qu'il ne nuit à ce que nos cérémonies sacrées ont de majestueux et de vénérable. Ce n'est plus là Calvin, Théodore de Bèze, Ulric de Hutten, Henri Estienne, du Moulin, etc., etc.; il s'en faut de tout. Remarquons, à l'occasion de ces dialogues, que rien n'est si difficile que d'inté resser en philosophant par dialogues. Il faut, pour réussir en ce genre, une précision, une netteté d'idées, une vivacité d'esprit prodigieuses; qualités qui manquaient surtout à Viret. Le dialogue veut de l'action et non de la dissertation. Ce n'est pas trop que d'être un Platon pour disserter en dialoguant. Cicéron lui-même n'y suffit pas toujours, et l'excellence de ses dialogues tient surtout à ce qu'ils sont monologués. Conçoit-on que Pierre Viret ait été surnommé le Voltaire des calvinistes ? point d'autre Voltaire des calvinistes que Calvin ; ou plutôt Calvin est Calvin, et Voltaire Voltaire. Quant à Pierre Viret, aussi mauvais poète que méchant prosateur, s'il put avoir des succès dans la chaire satirique des réformateurs, à force de paroles et d'audace, il n'est plus rien aujourd'hui, bien qu'on paie fort cher ses écrits devenus rares. M. Brunet constate que ses satires chrétiennes de la cuisine papale se sont, entre autres, vendues jusqu'à 100 fr. Or, ces satires, au nombre de huit, précédées d'un court avertissement et suivies de six petites pièces facétieuses en vers, ne forment que 131 pages contenues dans un petit in-8°, imprimé à Genève, en 1560, par Conrad Badius. L'auteur y paraît avoir

voulu reproduire, pour le peuple, sa physique papale. Dans ce dessein, il met sa théologie satirique en vers de huit pieds et s'efforce d'être plaisant; mais c'est l'ours qui danse. Il n'a ni gaîté, ni grace, et rachète ce défaut par un vice, celui d'un cynisme qui a fait reculer l'analyse de M. de la Vallière dans sa bibliothèque du Théâtre Français. Vainement les interlocuteurs Friquandouille, frère Thibauld et messire Nicaise essaient-ils, dans la septième satire, de rompre l'uniformité de ces diatribes plates et obscènes, le lecteur n'en peut être réjoui.

Et que disent-ils ? que les cieux
Pour de l'argent nous sont ouvers
Ils les nous vendent les pois vers
Et aux gris leurs amis invitent.

Alleluias, eleïzons

Sont aloyaux de venaisons,

Agios, himas sont andouilles.

Fressures, hachis, saupiquets,

Sont exorcismes bourriquets, etc., etc.

C'est sur ce ton que Viret parodie les sacremens, les cérémonies, les offices de l'Eglise et le culte des saints. Il compare la papauté à Proserpine, l'ange Gabriel au messager des dieux, traite les moines de traîne-couteaux et de marmitons, et décrit burlesquement le banquet du pape et des cardinaux dans le style le plus grossier et le plus plat qu'on puisse imaginer; après quoi, viennent messieurs les ministres réformés, qui chassent les convives et houspillent le grand patriarche Saoul d'Ouvrer, et le livre finit.

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