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fe fent de leurs vertus ou de leurs vi ces: ils font, fi je l'ofe dire, citoyens de l'univers ; au milieu de tous les peuples fe paffent des événements, qui prennent leur fource dans leurs exemples: ils font chargés devant Dieu de la juftice ou des iniquités des nations; & leurs vices ou leurs vertus ont des bornes encore plus étendues que celles de leur Empire.

La France fur-tout, qui depuis longtems fixe tous les regards de l'Europe, eft encore plus en fpectacle qu'aucune autre nation. Les Étrangers y viennent en foule étudier nos mœurs, & les porter enfuite dans les contrées les plus éloignées : nous y voyons même les enfants des Souverains, s'éloigner des plaifirs & de la magnificence de leur Cour, venir ici comme des hommes privés, fubftituer à la langue & aux manierès de leur nation la politeffe de la nôtre, & comme le Trône a toujours leurs premiers regards, fe former far la fageffe & la modération, ou fur l'orgueil & les excès du Prince qui le remplit. SIRE, montrezleur un Souverain qu'ils puiffent imiter; que vos vertus & la fageffe de votre Gouvernement les frappent encore plus que votre puiffance: qu'ils foient

encore plus furpris de la juftice.de votre regne, que de la magnificence de votre Cour. Ne leur montrez pas vos richeffes, comme ce Roi de Juda aux Etrangers venus de Babylone; montrez-leur votre amour pour vos fujets & leur amour pour vous, qui est le véritable trésor des Souverains. Soyez le modèle des bons Rois ; & en faifant l'admiration des Etrangers, vous ferez le bonheur de vos peuples.

Mais ce n'eft pas feulement aux hommes de leur fiécle, que les Princes & les Grands font redevables : leurs exemples ont un caractère de perpétuité qui intéresse tous les fiécles à venir.

Les vices ou les vertus des hommes du commun meurent d'ordinaire avec eux leur mémoire périt avec leur perfonne le jour de la manifeftation tout feul révélera leurs actions aux yeux de l'univers: mais en attendant, leurs œuvres font enfévelies, & reposent fous l'obfcurité du même tombeau que leurs cendres.

Mais les Princes & les Grands, SIRE, font de tous les fiécles; leur vie, liée avec les événements publics, paffe avec eux d'âge en âge; leurs paffions Ou confervées dans des monuments publics, ou immortalifées dans nos hif

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toires ou chantées par une poéfie lafcive, iront encore préparer des piéges à la derniere poftérité : le monde eft encore plein d'écrits pernicieux qui ont tranfmis jufqu'à nous les défordres des Cours précédentes. Les diffolutions des Grands ne meurent point; leurs exemples prêcheront encore le vice ou la vertu à nos plus reculés neveux; & l'hiftoire de leurs moeurs aura la même durée que celle de leur fiécle.

Que d'engagements heureux, Sire, leur état feul ne forme-t'il pas aux Grands & aux Rois pour la piété & pour la juftice? S'ils y trouvent plus d'attraits pour le vice, que de puiffants motifs n'y trouyent-ils pas auffi pour la vertu ? Quelle noble retenuë ne doit pas accompagner des actions qui feront écrites en caractères ineffaçables dans le livre de la postérité ? quelle gloire mieux placée que de ne point fe livrer à des vices & à des paffions dont le fouvenir fouillera l'histoire de tous les tems, & les hommes de tous les fiécles? quelle émulation plus louable que de laiffer des exemples, qui deviendront les titres les plus précieux de la Monarchie, & les monuments publics de la juftice & de la vertu ; enfin quoi de plus grand que d'être né

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pour le bonheur même des fiécles à venir de compter que nos exemples feuls formeront une fucceffion de vertu & de crainte du Seigneur parmi les hommes, & que de nos cendres mêmes il en renaîtra d'âge en âge, des Princes qui nous feront femblables.

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Telle eft, SIRE, la deftinée des bons Rois; & tel fut votre augufte Bifayeul, ce grand Roi que nous vous proposerons toujours pour modele. Hélas! il le fera de tous les Rois à venir. N'oubliez jamais ces derniers moments, où cet héroïque Vieillard, comme aujourd'hui Simeon vous tenant entre fes bras, vous baignant de fes larmes paternelles, & offrant au Dieu de fes Peres, ce refte précieux de fa Race Royale, quitta la vie avec joie, puifque les yeux voyoient l'Enfant miraculeux, que Dieu réfervoit encore pour être le falut de la Nation, & la gloire d'Ifraël.

SIRE

ne perdez jamais de vue ce grand fpectacle, ce Pere des Rois mourant, & voyant revivre en vous feul l'efpérance de toute fa poftérité éteinte; recommandant votre enfance à la tendre & refpectable Dépofitaire [1] de votre premiere éducation (1) Madame la Duchesse de Vantadour.

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laquelle en formant vos premieres in clinations, & pour ainsi dire, vos premieres paroles, fut fur le point de recueillir vos derniers foupirs; confiant le facré dépôt de votre Perfonne au pieux Prince (1) qui vous infpire des fentiments dignes de votre Sang, à l'illuftre Maréchal [2], qui a reçu comme une vertu héréditaire, la fcience d'élever les Rois; & qui, devenu un des premiers Sujets de l'Etat, vous apprendra à devenir le plus grand Roi de votre fiécle, au Prélat fidéle (3) qui, après avoir gouverné fagement l'Eglife, lui formera en vous fon plus zélé Protecteur; enfin, à toute la Nation, dont vous êtes en même-tems, & le précieux Pupille, & le Pere.

Puiffiez-vous, SIRE, n'effacer jamais de votre fouvenir les maximes de fageffe que ce grand Prince vous laiffa dans ces derniers moments > comme un héritage plus précieux que fa Cou

ronne.

Il vous exhorta à foulager vos Peuples: foyez en le Pere, & vous en ferez doublement le maître.

Il vous infpira l'horreur de la guer-
(1) Le Duc du Maine.
(2) Le Maréchal de Villeroy.
(3) L'ancien Evêque de Fréjus.

re,

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