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DICTIONNAIRE

HISTORIQUE

D'ÉDUCATION.

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ABSTINENCE.

1.LE PRINCE de Conti, frère du grand Condé quoique accablé d'infirmités, se refusoit aux goûts les plus innocens, à ceux même qui pouvoient le distraire et faire un peu diversion à ses continuelles douleurs. La princesse son épouse, toujours attentive à soulager l'ennui de ses maux, le pressoit vainement de se permettre quelques récréations : « En se livrant à un << goût, lui répondoit-il, on s'accoutume à se livrer à <<< tous les autres. Il faut savoir, ou ne pas tout désiou se passer souvent de ce qu'on désire. » 2. On envoya à S. Macaire d'Alexandrie un panier de fort beau raisin, qui tenta son appétit ; mais songeant en lui-même que s'il satisfaisoit ce désir innocent, cette facilité pourroit réveiller des passions assoupies plutôt qu'éteintes, il ne voulut point goûter de ce fruit délicieux, et l'envoya à un autre solitaire, que ce présent tenta pareillement. Le solitaire fit comme Macaire ; et tous les autres anachorètes auxquels le raisin fut porté successivement, imitèrent ces deux saints personnages, et ne voulurent point y toucher. Ce raisin passa de la sorte de main en main; et celui Tome I.

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qui le reçut le dernier le fit porter à Macaire, croyant lui faire un grand présent. Ce saint homme, louant Dieu d'une si rare abstinence, fit distribuer le raisin aux pauvres qu'il nourrissoit.

3. S. François de Sales ayant été en conférence, pour une affaire de piété, avec une dame de la cour, quelqu'un lui demanda si cette femme étoit belle : «Je n'en sais rien, répondit le saint prélat. Mais << ne l'avez-vous pas vue? Oui, je l'ai vue; mais << je ne l'ai point regardée. »

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4. David, étant dans la caverne d'Odollam, témoigna, en présence de ses gens, qu'il boiroit avec plaisir de l'eau de la citerne de Bethléem, assez éloignée de là. Aussitôt trois de ses plus vaillans hommes, passant au travers du camp des Philistins, allèrent puiser de l'eau de cette citerne, et la lui apportèrent. Mais la réflexion ayant éteint le désir, ce prince refusa d'en boire, et l'offrit au Seigneur. « Dieu me garde, dit-il, << de faire cette faute ! Quoi! boirois-je le sang de ces << braves? boirois-je une eau qu'ils ont achetée au << péril de leur vie? »

5. Pendant une marche longue et pénible dans un pays aride, Alexandre et son armée souffroient extrêmement de la soif. Quelques soldats envoyés à la découverte, trouvèrent un peu d'eau dans le creux d'un rocher, et l'apportèrent au roi dans un casque. Alexandre fit voir cette eau à ses soldats, pour les encourager à supporter la soif avec patience, puisqu'elle leur annonçoit une source voisine. Ensuite, au lieu de boire, il la jeta par terre, aux yeux de toute l'armée. Les Macédoniens applaudirent, par de grandes acclamations, à cette abstinence héroïque; et ne pensant plus à leur soif, ils dirent au monarque qu'il pouvoit les mener par-tout où il voudroit ; que jamais ils ne se lasseroient de le suivre.

Caton d'Utique, au milieu des sables brûlans de la Lybie, fit la même chose à la tête de son armée ; il répandit un peu d'eau qu'un de ses soldats avoit trouvée avec peine. Cette eau, si elle eût été bue n'eût pas suffi pour étancher la soif d'un seul : étant

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répandue, elle leur rendit à tous la soif plus aisée à supporter.

Ce grand homme avoit hérité de l'abstinence et de la frugalité de Caton l'ancien, son bisaïeul, qui, dès sa jeunesse, et faisant encore ses premières armes, s'étoit accoutumé à ne boire que de l'eau. Quand sa soif étoit excessive, il se permettoit seulement de répandre deux ou trois gouttes de vinaigre dans son eau; et dans la suite, lorsqu'il étoit exténué de travail, il se contentoit de boire trois ou quatre doigts de vin pur, pour rappeler ses forces épuisées. Chez lui, au sein de l'hiil ne portoit qu'une tunique sans manches : dans l'été, il travailloit presque nu avec ses esclaves; et après leur avoir donné l'exemple de la promptitude et de la dextérité, il se mettoit à leur table, mangeoit et buvoit avec eux, et n'avoit point d'autres alimens que ceux qui leur étoient destinés. Cet austère Romain regardoit l'ivresse comme une folie volontaire.

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6. On demandoit à Alphonse, roi de Sicile et d'Aragon, pourquoi il ne buvoit pas de vin, et pourquoi lorsque par hasard il en prenoit, il y mettoit tant d'eau? « Ce n'est pas là, ajoutoit-on, l'usage des rois, ni de << ceux qui les environnent. - Je le sais bien, répon<< dit-il, mais ils ignorent sans doute que le vin fait « éclipser la sagesse, et que cette liqueur traîtresse, << prise sans modération, éteint ce feu de l'esprit, cette << énergie de l'ame qui soutient la dignité d'un roi, et « le rend digne d'en porter le nom. L'ivressé, di<< soit-il à un autre courtisan, qui lui faisoit la même << question, l'ivresse est la mère de la fureur et de la << lubricité; et ces deux vices doivent être bannis du « cœur comme du palais des princes. » Il fut une fois forcé de se poster sur le bord d'un fleuve, pour empêcher l'ennemi de le passer: la nuit approchoit; l'armée dépourvue de vivres, n'avoit rien pris depuis le matin. Il avoit aussi faim qu'elle. Alors un de ses officiers lui offrit un morceau de pain, un radis et un peu de fromage. Dans la circonstance, il y avoit là de quoi faire un festin délicieux : « Je vous remercie, dit le <« prince; il ne me convient pas de manger, quand

<< mon armée est à jeun ; » et effectivement il ne mangea qu'après elle.

7. Lysandre, capitaine lacédémonien, se rendoit, avec quelques troupes, en Ionie : des amis qu'il avoit dans cette contrée de la Grèce, lui envoyèrent, entre autres choses, un boeuf et un gâteau aussi appétissant que volumineux: « Qu'est-ce que cette friandise? de« manda-t-il, en regardant le gâteau. Seigneur, « répondit le porteur, c'est une tarte au miel et au « fromage. —Va, mon ami, répliqua Lysandre, re<< porte ta tarte à ceux qui l'envoient ce n'est pas « là la nourriture d'un brave soldat, ni d'un homme << libre. » Quant au bœuf, il le fit tuer et apprêter à la Lacédémonienne, et il fut mangé avec un plaisir égal à la simplicité de l'assaisonnement.

8. Zénon étant tombé malade, le médecin lui conseilla de manger un pigeonneau. « Prescririez-vous << cette nourriture à un esclave? - Non. - Guériroit« il néanmoins? - Il est probable: ces sortes de gens << n'ont pas besoin d'alimens si délicats pour être rap<< pelés à la santé. —O philosophie, n'aurois-je suivi tes << leçons que pour être plus efféminé qu'un esclave!»> Il rejeta, avec une sorte d'indignation, l'avis du `médecin, et ne voulut user que des alimens les plus

communs.

› 9. Le grand Pompée étant malade, le médecin lui ordonna de manger une grive; mais les grives étoient fort rares alors. Les esclaves du général romain, après bien des perquisitions, vinrent lui rapporter qu'on ne pouvoit trouver de grives que chez Lucullus, qui en nourrissoit pendant toute l'année. «Quoi! dit Pompée, « je mourrois donc, si Lucullus ne vivoit pas dans la << mollesse ! » Il crut indigne de lui de prolonger sa vie à ce prix. Il ne mangea point de grives, malgré l'ordonnance du médecin, ce qui ne l'empêcha pas de guérir.

10. Louis VIII, roi de France, étant malade, les médecins lui proposèrent un remède dont ils assuroient l'efficacité; mais il étoit contraire à la loi de Dieu et aux bonnes mœurs. Le pieux monarque le

rejeta avec horreur. Cependant, malgré son refus, on fit mettre auprès de lui, pendant qu'il dormait, une jeune fille qui, à son réveil, lui exposa le motif pour lequel on l'avoit introduite dans son appartement. << Non, ma fille, répondit-il, j'aime mieux mourir que << de sauver ma vie par un péché mortel. » Aussitôt il appelle Archambault de Bourbon, qui étoit son confident, et lui ordonne de procurer un établissement honorable à cette jeune personne.

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11. S. Antoine, patriarche des cénobites, ne mangeoit qu'une fois le jour, après le soleil couché, ou de deux jours l'un souvent même il passoit trois jours dans une abstinence générale. Sa nourriture n'étoit que du pain et du sel: il ne buvoit que de l'eau.

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S. Jean Chrysostome ne se trouvoit jamais aux festins dont il étoit prié ; mais il mangeoit toujours en particulier, regardant tous les repas de société, même les plus modestes, comme des occasions dangereuses.

La veuve sainte Paule, dont S. Jérôme a si justement célébré les vertus, s'interdit entièrement l'usage de la viande, du vin, du poisson, du lait, des œufs et du miel; et elle n'usoit d'huile qu'aux jours de fête: abstinence d'autant plus admirable, que cette sainte femme sortoit d'une des familles les plus nobles et les plus opulentes de l'empire, et qu'elle avoit été élevée avec une délicatesse égale à sa naissance.

12. M. le duc d'Orléans invita le célèbre Boileau à diner: c'étoit un jour maigre, et l'on n'avoit servi que du gras. On s'apercut qu'il ne touchoit qu'à son pain, <<< Il faut bien, lui dit le prince, que vous mangiez gras << comme les autres on oublié le maigre. Vous << n'avez qu'à frapper du pied, monseigneur, lui ré« pondit Boileau, et les poissons sortiront de terre. » Cette réponse plut au prince; et sa constance à ne vouloir point toucher au gras fit honneur à sa religion. Sans doute on lui donna du maigre. Qu'importe ? en a-t-il moins le mérite de son abstinence?

13. On conduisoit S. Fructueux, évêque de Tarragone en Espagne, à la place publique, pour y être brûlé vif. Quelques chrétiens, par un mouvement de

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