صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Hanc rapient praedam, mediumque exire per ignem,
Ipso dante fidem, properant. O maxima rerum

Et merito pietas homini tutissima virtus!
Erubuere pios juvenes attingere flammae,
Et quacumque ferunt illi vestigia, cedunt.
Felix illa dies, illa est innoxia terra!
Dextra saeva tenent laevaque incendia; fertur
Ille per obliquos ignes fraterque triumphans;
Tutus uterque pio sub pondere sufficit; illa
Et circa geminos avidus sibi temperat ignis.
Incolumes abeunt tandem et sua numina secum
Salva ferunt. Illos mirantur carmina vatum,
Illos seposuit claro sub nomine Ditis,
Nec sanctos juvenes attingunt sordida fata :
Securae cessere domus et jura piorum.

635

640

645

Tel est ce poème de l'Etna, qui, nous le répétons, n'est pas certainement authentique, mais qui peut être de Virgile, et qui, du moins, est à peu près sûrement contemporain de sa jeunesse et analogue aux essais que lui-même a dû composer. L'influence de la philosophie et celle de l'alexandrinisme, celle de Lucrèce et celle de Catulle, y règnent toutes deux, comme elles règnent en général dans la littérature des années 50 et suivantes, et dans le groupe littéraire auquel Virgile semble avoir appartenu.

Le Moretum. - Outre les poèmes que nous avons énumérés, et qui sont nommés par les biographes anciens de Virgile, les manuscrits de l'Appendix Vergiliana en donnent d'autres qui leur sont inconnus, et qui se sont introduits après coup: des vers d'Ausone, des élégies en l'honneur de Mécène, et surtout le Moretum, le plus intéressant de tous, le seul qui vaille la peine qu'on en parle.

Cette petite pièce, de 124 hexamètres, représente la matinée d'un paysan italien, se levant pour préparer son plat favori, un moretum ou fromage blanc mêlé d'herbes pilées. Elle est d'un genre tout à fait réaliste, dans le meilleur sens du mot, et fort différente des poésies champêtres de Virgile. On s'accorde à penser qu'elle ne peut être de lui, quoiqu'elle soit peut-être d'un de ses contemporains. En somme, à part quelques épigrammes, la Copa et l'Etna, qu'il

ironique qui vous sont si chères !

633. Ipso dante fidem est expliqué par ce qui suit : les deux frères se rassurent en voyant les flammes s'écarter devant eux.

636. Cedunt: énergiquement détaché à la fin de la phrase et du vers. 639. Ille Amphinomus. Notez la place expressive de fertur et de triumphans

à la fin des vers. - 640. Illa est
adverbe de lieu; le texte est dou-
teux.
641. Avidus est en
opposition avec sibi temperat :
quoique avide. 642. Sua nu-
mina leurs parents, qu'ils vé-
nèrent comme des dieux. - Notez
le rejet de salva ferunt, qui fait
image.

n est pas impossible d'attribuer à Virgile, tout le reste est à coup sûr inauthentique (1). Il est bien probable que Virgile a écrit quelque chose avant les Bucoliques, mais nous devons nous résigner à ignorer ce qu'il a pu écrire.

Les amis de Virgile. Nous sommes un peu mieux renseignés sur ses amitiés de jeunesse, pas aussi bien encore que nous le voudrions. Nous ne savons s'il connut personnellement les poètes les plus célèbres de la génération précédente, Catulle, Cinna, Calvus, Valerius Cato, Furius Bibaculus. Il paraît avoir été lié avec Domitius Marsus, avec Quintilius Varus de Crémone, avec Aemilius Macer, qui était aussi un de ses compatriotes, étant originaire de Vérone. Ce Macer est l'auteur de trois poèmes qui ne nous sont pas parvenus, mais qui ont été fort lus dans l'antiquité, une Ornithogonia imitée de l'Alexandrin Boios, des Theriaca et des Alexipharmaca imités d'un autre alexandrin, Nicandre. Il s'exerçait en somme dans le genre didactique et scientifique auquel appartiendront les Géorgiques, mais il s'en faut de beaucoup qu'il y ait aussi bien réussi que Virgile ; Quintilien le trouve prosaïque, humilis; il avait probablement plus d'exactitude que de génie.

Au premier rang parmi les compagnons de jeunesse de Virgile (2), il faut mettre L. Varius Rufus et Plotius Tucca, qui lui sont restés tendrement dévoués : le poète les inscrira parmi ses héritiers, et c'est eux que l'empereur Auguste chargera d'assurer la publication posthume de l'Énéide. Tucca nous est fort peu connu; au contraire Varius, quoiqu'il ne nous reste pas grand'chose de lui, est demeuré un des grands noms du siècle d'Auguste. Il s'était exercé dans les genres les plus élevés, la tragédie et l'épopée: son Thyeste, d'après Quintilien, valait n'importe quelle tragédie grecque; ses poèmes sur la mort de César et en l'honneur d'Auguste eurent grande réputation, et jusqu'à ce que Virgile eût écrit l'Énéide, Varius passa pour le grand poète épique du temps; c'est lui qu'Horace met en parallèle avec Virgile encore jeune en accordant au premier le don

1. Pour être tout à fait complet, il faut mentionner les vers que des anecdotes sans autorité mettent sous le nom du poète : 1° l'épitaphe du brigand Ballista: Monte sub hoc lapidum tegitur Ballista sepultus; Nocte die tutum carpe, viator, iter; 2o le distique en l'honneur d'Auguste : Nocte pluit tota, redeunt spectacula mane; Dimidium imperium cum Jove Caesar habet; 3o l'épigramme que Virgile aurait

composée pour se plaindre de ce que la récompense méritée par ce distique avait été accordée à un autre écrivain: Hos ego versiculos feci, tulit alter honores; Sic vos non vobis mellificatis, apes (cette dernière anecdocte a donné naissance au proverbial: sic vos non vobis).

2 Ce n'est qu'un peu plus tard que Virgile fit la connaissance d'Horace.

du forte epos, à l'autre celui du molle atque facetum. Les quelques vers qui nous sont parvenus de Varius ont de la vigueur et de l'élan. Virgile en a imité plusieurs.

Au-dessus de ces écrivains par le rang social, sinon par le talent, se placent deux personnages alors très considérables, et très mêlés tous deux à la vie de Virgile: c'est Asinius Pollion et Cornelius Gallus. Pollion, lieutenant de César et d'Antoine, fut un des négociateurs de la paix de Brindes entre les triumvirs; il devait, un peu plus tard, exercer le consulat et remporter une belle victoire sur les Dalmates. En même temps qu'un homme d'État, c'était un homme de lettres distingué. Il n'avait pas encore fondé la bibliothèque du temple de la Liberté, ni organisé la mode des lectures publiques: mais il s'intéressait aux jeunes écrivains; il faisait lui-même des vers « d'un goût tout nouveau », dit Virgile; il composait des tragédies et des épigrammes, sans parler de ses plaidoyers et de son histoire des guerres civiles. Virgile lui fut présenté, probablement vers 43 ou 42, et il eut sur les Bucoliques une influence que nous verrons un peu plus loin. C. Cornelius Gallus était du même âge que Virgile, et peut-être du même pays (1); comme lui, il était d'humble origine, étant fils d'affranchi, mais il s'était vite élevé dans la carrière des honneurs. Chevalier romain, chargé d'une mission de confiance par les triumvirs en Transpadane, favori et lieutenant d'Octave, il monta jusqu'au gouvernement de l'Egypte, qu'il reçut en 30, et qui était un des plus importants de tout l'empire. Enorgueilli de ses succès, il se laissa emporter à des paroles imprudentes qu'on exploita pour le perdre; il fut accusé de concussions, condamné par le sénat, et obligé de se tuer. C'était un poète de talent. Ses élégies en l'honneur de la comédienne Cythéris, qu'il appelait poétiquement Lycoris, comptaient parmi les meilleures de l'époque, Elles étaient, comme toutes celles d'alors, largement imitées de la poésie alexandrine; Gallus s'inspirait surtout d'Euphorion de Chalcis. Il fut pour Virgile, non seulement un protectour, comme Pollion, mais un véritable ami, et ainsi s'explique le ton ému sur lequel Virgile parlera de lui dans les Bucoliques.

Portrait du poète vers la vingt-cinquième année. - Quelle idée pouvons-nous nous faire de Virgile à l'âge de 25 ans environ, avant que ses Bucoliques le rendent célèbre? Physiquement, c'est un grand jeune homme, au teint brun, à la physionomie rustique, d'une santé assez faible, souffrant de la tête, de la gorge, de l'estomac, avec de fréquents vomissements de sang. Ses manières sont un peu embarrassées. C'est proba

1. Le Forum Julii d'où il était originaire peut être aussi bien le Frioul que Fréjus.

blement lui qu'Horace dépeint (1) comme un paysan mal peigné, chaussé de souliers mal attachés, habillé d'une robe trop large, mais cachant, sous cet extérieur négligé, une âme dévouée et un grand génie. Au moral, ce n'est pas un modèle de vertu; il participe dans une certaine mesure aux vices du temps, il serait puéril de vouloir le nier. Mais ce n'est pas non plus un débauché. D'autre part, il n'est ni ambitieux ni cupide; toutes

AUGUSTE

les passions violentes paraissent lui être étrangères. C'est une âme douce, franche, de cette loyauté transparente que les Latins désignent par la belle métaphore de candida (2), plutôt faible qu'ardente, mais impressionnable et délicate (3). Il partage son temps entre Andes et Rome, entre les soins de sa propriété et la fréquentation des cercles lettrés de la capitale. Un jeune provincial intelligent et timide, épris de la campagne et des beaux vers, voilà à peu près ce que devait sembler Virgile, jusqu'au jour où les contre-coups des événements politiques allaient lui fournir l'occasion de se révéler grand poète.

-

Situation de Rome au moment de (d'après un buste antique). la jeunesse de Virgile. Le monde romain traverse en effet à ce moment une crise particulièrement confuse et douloureuse. Rappelons-en brièvement les faits principaux. César, après une courte dictature, au cours de laquelle il a remis un peu d'ordre dans la société, est assassiné par Brutus et Cassius (44). Son neveu Octave, le futur Auguste, se fait d'abord l'allié des meurtriers et du sénat contre Antoine, lieutenant du dictateur (guerre de Modène, 43). Puis, il se retourne contre le sénat, et, allié cette fois à Antoine et à Lépide, il proscrit les principaux membres du parti républicain (triumvirat de Bologne). Il combat et vainc Brutus et

1. HORACE, Sat. I, 1, 29 et suiv. 2. HORACE, Sat. I, v, 41-42. 3. Le surnom de Parthenius qu'il reçut des Napolitains plus tard a été interprété de plusieurs façons bien différentes. Les uns y voient un simple jeu de mots sur son nom (Virgilius pouvant être rattaché à virgo, la jeune fille), mais le jeu de mots n'a de sens que s'il contient une

allusion au caractère de la personne nommée. D'autres le prennent pour un éloge de la chasteté du poète, d'autres encore pour une épigramme contre sa timidité c'est cette dernière hypothèse qui est la plus probable, car les surnoms de cette espèce sont plus souvent malicieux qu'élogieux.

Cassius à Philippes (42). Antoine et lui se partagent alors l'empire, Antoine prenant l'Orient et Octave l'Occident. Tous deux multiplient les largesses à leurs soldats, et les cruautés contre leurs adversaires. La discorde renaît bien vite entre eux. Les troupes d'Octave assiègent dans Pérouse le frère d'Antoine. Celui-ci débarque à Brindes pour marcher contre Octave. Leurs amis, Mécène et Pollion, négocient entre eux une paix provisoire, qui ajourne le conflit, tout en le laissant prévoir pour l'avenir. Qu'on se représente ce que de pareils événements supposent de perfidies et de déloyautés chez les dirigeants, de violences chez leurs soldats, d'injustices et de spoliations subies par les citoyens paisibles, d'inquiétudes sur l'avenir répandues dans tout le public. Voilà les maux dont Virgile jeune a eu le spectacle, dont il a parfois souffert personnellement, et dont il a été ému dans son âme loyale et tendre même quand il n'en était pas atteint pour son compte. C'est de toutes ces misères que va naître ce qu'il y aura de meilleur, de plus original et de plus profond dans les Bucoliques.

« السابقةمتابعة »