Redde meis. Vicisti, et victum tendere palmas 935 Aeneas, volvens oculos, dextramque repressit; Et jam jamque magis cunctantem flectere sermo 940 945 rejet, fait image. 935. Talis = tali aetate. 950 Atque insigne gerebat, et non atque cujus insigne gerebat: Gr., 156. 945. Notez l'effet pathétique du rejet terribilis, Indute et non indutus, par attraction: Gr., 60. Meorum, pluriel poétique: Gr., 56. 946. La répétition de Pallas, outre qu'elle peint la colère d'Énée, a pour but, dans l'intention du poète, d'excuser le héros du meurtre qu'il va accomplir.947. Immolat: encore un rejet pathétique. 949. Fervidus, mis en relief par la coupe du vers. 950. Ce vers se lit déjà, XI, 831. CHAPITRE V La mort et la survivance de Virgile. Les dernières années de la vie de Virgile. Aux approches de la cinquantaine, Virgile était au comble de la gloire et du succès. Il était, non seulement le favori, mais l'ami d'Auguste, qui lui écrivait sur un ton d'affectueuse intimité; l'ami aussi de Mécène, et de tout ce que le monde officiel comptait de grands personnages. Le peuple était enthousiaste de lui: s'il faut en croire une anecdote rapportée par Tacite, un jour que Virgile entrait au théâtre, la foule se leva en signe d'hommage, malgré la présence de l'empereur. Sa situation de fortune était très brillante aussi : il possédait dix millions de sèsterces (environ deux millions de notre monnaie), une maison dans le quartier neuf de Rome, sur le mont Esquilin, près des jardins de Mécène, et une propriété en Campanie. C'est là qu'il résidait le plus habituellement, ou en Sicile, ayant conservé jusqu'au bout son amour pour la campagne. Le voyage en Grèce. Lorsque son Énéide fut à peu près terminée, il conçut le projet d'aller visiter la Grèce et l'AsieMineure, où se plaçait la scène d'une partie de son récit. Il comptait y rester trois ans, puis revenir en Italie, corriger son poème, et réserver à la philosophie le reste de son existence. Il partit en 19 av. J.-C. Son ami Horace composa lors de son départ une très belle ode adressée au navire qui l'emportait : Sic te diva potens Cypri, Sic fratres Helenae, lucida sidera, Obstrictis aliis praeter Iapyga, Navis, quae tibi creditum Et serves animae dimidium meae 1. Un poète moderne, José-Maria de Heredia, a développé le même thème dans un des plus admirables sonnets de ses Trophées : Que vos astres plus clairs gardent mieux du danger, Le poète latin qui veut, au ciel hellène, Que des souffles de l'air, de tous le plus léger, A travers l'Archipel où le dauphin se joue, La moitié de mon âme est dans la nef fragile La mort de Virgile. Les vœux d'Horace ne furent qu'à moitié exaucés. Virgile arriva bien en Grèce; il vit Athènes, ce qui dut être pour son âme de poète et d'helléniste une exquise joie. Mais, au cours d'une excursion à Mégare, il fut dangereusement frappé par la chaleur, et tomba malade. Auguste, passant par Athènes à son retour d'Orient, le vit, et lui conseilla de revenir avec lui en Italie: Virgile se laissa persuader. Mais déjà il était trop tard; il mourut peu de temps après avoir débarqué à Brundisium, le dixième jour avant les calendes d'octobre, sous le consulat de C. Sextius et de Q. Lucretius (22 septembre 19 av. J.-C.). Il avait alors 51 ans. Le tombeau de Virgile. Ses restes furent transportés à Naples et ensevelis sur la route qui va de cette ville à Pouzzoles. Ses biographes citent l'épitaphe qui fut placée sur son tombeau, et qui, d'après eux, aurait été composée par le poète luimême : Mantua me genuit, Calabri rapuere, tenet nunc 1. Nous ne citons que les deux premières strophes de cette pièce célèbre, les seules qui se rappor VIRGILE. tent à Virgile; les autres forment une méditation sur l'audace des navigateurs. 22 E Ce tombeau existait encore à l'époque de Trajan, puisqu'un poète de ce temps-là, Silius Italicus, y allait régulièrement en pèlerinage. Le monument qu'on montre aujourd'hui, sous ce nom, assez près du Pausilippe, est certainement un tombeau romain, et peut avoir été celui de Virgile, quoique rien ne le prouve avec certitude. Le testament de Virgile. Virgile laissait dans son testament deux sortes de prescriptions, les unes littéraires, relatives à l'Enéide, dont on a déjà parlé, les autres finan cières il léguait les six douzièmes de sa fortune à son demi-frère Proculus, trois à Auguste, un à Mécène, un à Varius, un à Plotius Tucca, restant aussi fidèle à ses plus anciens amis qu'à ses plus puissants protecteurs. La réputation de Virgile à Rome. La gloire de Virgile, déjà très grande de son vivant, ne tarda pas à s'accroître par la publication de l'Énéide. Elle ne fut pas acceptée sans contestation. Un érudit, Carvilius Pictor, publia même un pamphlet sous le titre de Aeneidomastix (« le fouet de l'Énéide »), à l'imitation de l'Homeromastix de Zoïle. Il y eut d'autres critiques également mal disposés pour Virgile, puisque les admirateurs du poète se crurent obligés de leur répondre, comme Asconius Pedianus dans son traité Contra obtrectatores Vergilii. Mais ce furent des exceptions, et en général Virgile fut placé très haut, beaucoup plus haut que tous les autres poètes latins, à un rang que seul avec lui Homère pouvait atteindre: Juvénal nous montre les femmes savantes de son temps établissant des parallèles en bonne forme entre l'auteur de l'Iliade et celui de l'Énéide, sans pouvoir se prononcer pour l'un ou l'autre. Les œuvres virgiliennes eurent de bonne heure cette suprême consécration qu'est l'étude scolaire. Le grammairien Caecilius Epirota fut le premier à les faire expliquer par ses élèves; après lui, Virgile resta toujours inscrit au programme des écoles romaines; Quintilien, saint Augustin, Macrobe, Paul Orose attestent la perpétuité de cette coutume, et Juvénal représente les écoliers allant en classe et portant sous leur bras un Virgile tout sali par l'usage. L'influence de Virgile sur les écrivains de l'époque impériale. Ainsi admiré et étudié dès l'enfance, il était inévitable que Virgile exerçât une action profonde sur les écrivains postérieurs, et de fait il n'y a pas de poète qui ait été plus souvent cité ou imité. Pendant les deux premiers siècles, les poètes qu'on peut appeler «< classiques » sont, non seulement des imitateurs, VIRGILE DANS L'ART DU IV SIÈCLE. LE CHEVAL DE TROIE. mais bien souvent des copistes ou des plagiaires de Virgile. La Thébaïde de Stace est calquée sur l'Énéide, et Stace en a si bien conscience qu'il conseille à son épopée de ne pas prétendre à rivaliser avec sa devancière, mais de la suivre de loin en adorant la trace de ses pas : Nec tu divinam Aeneida tempta, Sed procul sequere et vestigia semper adora. Silius Italicus, celui-là même qui faisait de si fréquentes visites au tombeau de Virgile et qui en célébrait l'anniversaire plus pieusement que le sien propre, Silius, dans ses Punica, s'est donné pour tâche unique d'habiller, avec des développements et des expressions d'origine virgilienne, le récit de la guerre punique composé par Tite-Live. L'imitation de Virgile, chez tous |