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et invoquait contre les coupables un luxe inouï de châtiments. Surtout elle réclamait une justice expéditive. Les conseils de guerre lui paraissaient trop lents et trop doux; elle leur reprochait de s'assujettir à des formalités puériles et de ne pas enrichir immédiatement les antipodes de criminels destinés à en faire l'ornement.

On le voit, Malvina se prononçait pour les moyens décisifs. A ce titre, l'état de siége avait son assentiment. Personne n'en comprenait mieux les douceurs, n'en demandait avec plus d'instance le maintien. Elle ne consentait pas à y voir un expédient passager; c'était assigner une part trop petite à un régime doué de tant de vertu. Volontiers elle en eût fait une institution permanente. Pourquoi pas, et où trouver un meilleur instrument? A l'emploi, on avait pu en juger. Si le pavé retrouvait son niveau, n'est-ce pas à l'état de siége qu'on en était redevable? Hors de là, point de sécurité, point de repos. Cette population d'ouvriers, dévorée de la fièvre du combat, l'état de siége avait seul la puissance de la contenir; seul il désarmait les haines et préservait Paris de terribles représailles. Dès lors il n'y avait plus à choisir. Tant d'avantages d'une part, et de l'autre, quoi? Un simple préjugé. Puisque le gouvernement avait le bon esprit de s'en affranchir, évidemment Malvina ne pouvait se montrer plus scrupuleuse. Elle se déclara donc en faveur de l'état de siége, et à perpétuité.

Il lui fut doux de voir que d'autres préjugés succombaient dans la même épreuve et par la même occasion. Ainsi, une révolution venait d'être accomplie au nom d'un droit contesté, celui de se réunir. Pour venger ce droit, on avait chassé un souverain et brisé un trône. A la bonne heure; mais, dès le lendemain du triomphe, le droit de se réunir dégénérait en appel à l'insurrection. Les clubs s'en faisaient une arme, et la garde en main ils en dirigeaient la pointe vers le cœur de la société. Quel parti prendre? Retirer le droit, c'est désavouer la révolution; le maintenir, c'était livrer le pays à d'éternels désordres. L'alternative offrait plus d'un embarras; il n'y avait de salut public qu'au prix d'un désaveu. Le gouvernement était placé entre un démenti et une trahison. Il faut lui rendre cette justice qu'il n'hésita pas. Après avoir désarmé le bras, il désarma la pensée; il traita les clubs militairement, et les fit fermer un à un. S'exécuter ainsi, c'était brûler ses vaisseaux et prendre ma femme par son côté faible.

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A la bonne heure! s'écria-t-elle, ils commencent à se former. Ce gouvernement était destiné à triompher d'un second préjugé, plus invétéré encore; je veux parler des franchises de la presse. Jusqu'alors, la presse avait joué le rôle d'une couronne de fer; y toucher portait malheur. Un trône de quatorze siècles y avait péri. De pareilles leçons ne

s'effacent pas; elles laissent une date dans les âges. Aussi la presse semblait-elle désormais placée à l'abri et au-dessus de toutes les atteintes. Elle en abusa, comme on l'a vu. Des journaux à un sou envahirent le pavé avec des titres odieux et des doctrines plus odieuses encore. Ils sonnèrent le clairon et prêchèrent la croisade de carrefour en carrefour. Chaque feuille était un programme de rébellion; chaque goutte d'encre appelait des flots de sang. Que faire? Comment y obvier? Sévir, c'était se démentir encore, c'était condamner deux révolutions à la fois. Le pas était difficile, et néanmoins ce gouvernement le franchit. Il traita la presse aussi militai. rement que les clubs. Il supprima, confisqua, incarcéra, avec l'aisance et la grâce d'un vizir. Plus que jamais Malvina se sentait gagnée.

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De mieux en mieux, dit-elle. Un préjugé de moins! un gage de plus! Ils se forment décidément.

Ce qui lui plaisait en cela, ce n'était pas de voir les gens déserter leurs propres principes et entrer d'une manière aussi délibérée dans la carrière des contradictions. Ce spectacle offrait peu d'intérêt. Encore moins prenait-elle goût aux ruines qui en étaient la suite, à ces déplacements de clientèle où la médisance apercevait un calcul. Ma femme ne descendait pas dans ces détails. Ce qu'elle y voyait, c'était l'emploi de la force, le poids d'une main de fer. Or, ce procédé était le sien, elle n'en admettait pas d'autre. C'est là-dessus qu'elle mesurait la bonté des gouvernements. Plus ils s'appuyaient sur les cuirasses, plus elle faisait fonds sur eux. Celui-ci entrait dans cette voie, il était bon de l'encourager. Elle n'y manqua pas; et lorsque la plaine de Saint-Maur se couvrit de tentes, elle ne put se défendre d'un témoignage d'admiration.

Enfin, s'écria-t-elle, voilà des hommes! Et aussi comme tout fléchit! Pas un qui bouge maintenant. Je te le disais, Jérôme : le Français a besoin d'être mené.

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Après le combat, l'Assemblée se remit aux affaires. Il était temps. Depuis cinq mois on vivait sous l'empire du hasard. Point de loi reconnue, point de régime régulier. Entre les institutions détruites et les institutions à créer, il existait une lacune que l'arbitraire seul pouvait combler L'Assemblée avisait au plus pressé; le reste s'en allait à l'aventure. En toute chose, le provisoire dominait. Les départements ne prenaient pas au sérieux des préfets échappés de la tabagie et qu'ils avaient connus sous le travestissement de commissaires. Ils doutaient d'une autorité confiée à de telles mains; ils l'entouraient d'un respect et d'un dévouement fort équivoques. Un acte solennel pouvait seul remettre les populations dans leur voie et donner à cette suite d'improvisations le caractère d'un établissement définitif.

C'est à ce besoin que la constitution devait pourvoir. On s'en promettait de grands effets, et, en première ligne, I apaisement des esprits. Ce n'est pas qu'il manquât de sceptiques pour augurer à ce nouveau pacte le sort de ses aînés. Mais les croyants n'en étaient que plus résolus à fonder leur monument sur le granit et à construire pour l'éternité. L'Assemblée y songeait sérieusement; elle y voyait son acte essentiel. Des discussions intérieures s'étaient engagées et sur l'ensemble et sur les détails; les escarmouches précédaient la bataille. Déjà les opinions s'y dessinaient. Les uns voulaient circonscrire le débat, les autres s'efforçaient de l'étendre. Pour ceux-ci, c'était un champ ouvert à toutes les témérités; pour ceux-là, un retour naturel vers les choses possibles. Chacun avait ainsi son thême et n'en déviait plus.

Pourquoi chercher ? disaient les ardents. Pourquoi se mettre en quête d'évangiles nouveaux? L'ancien n'est-il pas là ? Et qui aurait la prétention de mieux faire? La chaîne des traditions est rompue; il s'agit simplement de la renouer. Nos pères ont tout dit, tout écrit. Inclinons nos fronts devant leurs œuvres immortelles. La déclaration des Droits existe; à tout républicain sincère elle suffit. Elle est le résumé de la sagesse révolutionnaire. Tenons-nous-y, ne répudions pas ce legs précieux. N'en retranchons rien, ajoutons-y plutôt. L'esprit du temps pousse à des conquêtes nouvelles. Abondons dans ce sens. Parlons du droit au travail et de l'impôt progressif. Flétrissons la tyrannie du capital en des termes qui soient à la hauteur de nos colères. Dénonçons la propriété comme un fait abusif; signalons la richesse comme un fléau. Surtout point de limites à l'assignat; des chiffons sur une grande échelle. C'est par de tels moyens que nous embellirons l'œuvre de nos aïeux. Ainsi s'exprimaient les ardents, en ajoutant aux vertiges et aux illusions du passé les illusious et les vertiges de leur époque.

De la discrétion, répliquaient les modérés; elle n'a jamais rien gâté. Voyez le pays, il vous subit à regret et résiste à vos expériences. N'abusez pas de lui; il vous échapperait. Vous avez, dans un jour de surprise, mis la main sur ses destinées. Contentez-vous de ce succès et laissez le reste à l'avenir. Assez de violences comme cela; qui tend trop l'arc le brise. L'essentiel aujourd'hui, c'est de rendre aux âmes un peu de repos et d'assigner des bornes à l'esprit d'aventures. Que votre Constitution s'inspire de ce sentiment; qu'elle s'adapte à nos mœurs, qu'elle ne les excède pas autrement vous rencontreriez des instincts. rebelles. Il ne ne faut pas imposer aux populations plus qu'elles ne peuvent porter; c'est un jeu plein de périls. Au nom de la République que vous avez fondée, sachez donc vous contenir; ajournez vos visions. à d'autres temps. Laissez le papier-monnaie à l'empirisme financier; sortez de ce nuage sinistre que l'on nomme le droit au travail. Et comme un bâtiment à deux ancres, ayez deux chambres. Le salut public est à cette condition. Ainsi parlaient les modérés; leur rôle était simple ne pouvant arrêter le char, ils s'efforçaient de l'en

rayer.

Cette attitude des partis se prolongea durant tout le débat. L'air resta le même; les variations se multiplièrent à l'infini. Il y eut des discours d'éclat ; il y en eut de modestes. Les discours d'éclat ne se passaient pas sans quelques préparatifs; ils exigeaient des frais de mise en scène. Plusieurs jours à l'avance le bruit s'en répandait; on s'en entretenait comme d'un événement. Un réservoir d'enthousiasme se formait alors

pour s'épancher au moment décisif. L'heure venue, le héros de la séance gravissait d'un pas solennel les degrés de la tribune. Quel silence! quel recueillement ! Que de regards attachés sur lui! Il parlait, et l'admira

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tion se donnait carrière. Le programme l'avait prévu; un programme doit tout prévoir. Les amis, distribués sur divers points, secondaient l'orateur à la manière du chœur antique. Ils répondaient à sa pensée

par

des frémissements expressifs et les échos d'une acclamation bruyante. L'orateur s'y inspirait, s'y retrempait. Au moment où il quittait l'estrade, ses amis y répondaient par une manœuvre digne des plus grands tacticiens. Ils se précipitaient vers l'enceinte dans un désordre affecté. Bon gré, mal gré, ils voulaient que la séance fût suspendue. C'était un

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