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d'agrément. Il ne fait ici qu'ouvrir les fontaines & préparer les canaux: là, il en fuivra le cours & les détours.

M. POPE auroit pû écrire cet ouvrage en profe, mais il a préféré les vers pour deux raifons. La premiére, qui eft fort naturelle, c'eft que les Principes, les Maximes, les Préceptes frapent d'abord plus fortement; & fe retiennent enfuite plus facilement. L'autre raifon qui paroît extraordinaire, n'est pas moins vraye. Il a trouvé qu'il pouvoit s'exprimer avec plus de brieveté en vers qu'en profe. La nature de la langue & de la poëfie Angloife, & celle de fon heureux génie lui en ont donné la facilité: & il eft certain que la force & la grace des préceptes & des inftructions, dépendent beaucoup de leur précifion.

PRESQUE toute cette Préface n'eft jusqu'ici que l'extrait de celle que Mr. POPE a mife à la tête de ces Epîtres. Elles font adreffées à Henri Saint-Jean Lord BOLINGBROKE, à qui perfonne ne refufe l'aveu d'une fupériorité de génie & de talens. Mr. POPE l'a loué fans être flateur; ceci eft une exception aux Poëtes & aux dédicaces.

L'AUTEUR a parfaitement réuffi dans le deffein qu'il s'étoit propofé d'être extrêmement concis. En même tems que la brieveté de l'expreffion rend les chofes plus faciles à être retenues, le dégré d'attention qu'exige la précision rend le Lecteur plus propre à en conferver le fouvenir. Quoique le ftile de Mr. POPE foit concis, il me paroît néanmoins qu'il eft en même tems lumineux. Auffi injuftes envers un Auteur que prévenus en faveur de leur difcernement, les lecteurs l'accufent fouvent d'écrire avec obfcurité, lorfqu'ils devroient s'en prendre à leur défaut de lumiere, ou à la profondeur du fujet. Celui de cet ESSAI eft d'une métaphyfique abftraite & délicate, où l'on peut aifément perdre le fil des inductions & les liaifons des rapports & des différences. Je n'alleguerai pas que fon objet eft plus d'inf truire que de plaire: le plaifir s'y trouve, mais il veut être

recherché: le progrès des réfléxions l'amene, la fagacité du lecteur le faifit, & l'amour propre en augmente la fenfibilité; c'est avec une complaifance bien flateufe pour foi-même, que l'on goûte toute la beauté d'un ouvrage rempli de pensées profondes & fublimes.

Je donnerai ici un plan racourci de ces Epîtres; j'avoue que je ne conçois point quelle peut être l'idée de M. l'Abbé DES FONTAINES, lorfqu'il dit en parlant de cet Effai: C'est comme fi j'entreprenois un extrait fuivi des maximes de la ROCHEFOUCAULT: le fait prouve le contraire. J'ajouterai quelques réfléxions en réponse à de fauffes Critiques, que cet ouvrage a effuyées par rapport à la morale & à la Religion.

EXTRAIT

De l'Effai fur l'Homme.

LA Premiere Epitre traite de l'Homme confidéré par rapport à l'Univers. Le Poëte s'y propose de juftifier à l'Homme les voyes de DIEU. L'orgueil qui a-aveuglé notre premier Pere, nous aveugle également & nous éblouit fur notre ignorance. Nous voulons juger du rapport de toutes les parties qui forment l'Univers, & nous ne connoiffons point toutes ces parties; notre orgueil fans être arrêté par notre ignorance, veut rapporter le fifteme général à notre fifteme particulier. Toute l'Epitre tend à rabatre cet orgueil, à montrer combien fes plaintes & fes fouhaits font ridicules & extravagants, à faire voir la néceffité de fe foumettre à la grandeur infinie & à la fageffe incompréhenfible de DIEU qui a bien fait tout ce qu'il a fait. L'Univers y eft représenté comme une grande chaîne, où tout occupe la place dans laquelle il doit être, où tous les Etres font pourvûs des facultés qu'ils doivent avoir & qui font propres à former les liens & la fubordination d'une partie à une autre; où TOUT CE QUI EST, EST BIEN.

LA Seconde Epitre traite de la nature & de l'état de l'Homme, par rapport à lui-même, confidéré comme individu. Le portrait de l'Homme eft formé d'un contrafte d'ombres & de lumieres, d'un compofé de vices & de vertus. Le Poëte pour en aprofondir la nature, remonte jufqu'à leurs principes. C'eft de l'amour propre que naiffent les paffions dont le penchant nous porte vers le mal, & que la raifon doit s'efforcer de détourner vers le bien; enforte que les vices & les vertus font entées fur les paffions qui font les élémens de notre nature. Toutes ces paffions, même les vices, font des inftrumens de la Providence, des moyens du bien général. M. POPE infifte beaucoup fur ce principe qui résulte naturellement de ce qu'il a établi dans la premiere Epitre, où il a fait voir qu'on doit tout rapporter à la totalité de l'Univers, & à l'Etre fuprême, n'agiffant que pour une feule grande fin. En effet, c'eft des différentes foibleffes diftribuées par la fageffe de la Providence aux différens ordres du genre - humain que réfulte leur dépendance, leur union, leur force. Des paffions fortables accompagnent chaque état, & ce que la connoiffance peut renverfer ces paffions le relevent. De cette fage & utile diftribution de foibleffes & de paffions fuit cette conféquence, que, QUOIQUE L'HOMME SOIT FOLIE, DIEU EST TOUT

SAGESSE.

,

LA Troifieme Epitre traite de la nature & de l'état de l'Homme confidéré par rapport à la Societé. Le Poëte y envifage d'abord l'union & la relation générale de tous les Etres; les dépendances mutuelles de l'Homme & de la bête, & leurs fervices réciproques: il y fait voir comment la bête eft conduite par l'inftinct, & l'Homme par la raifon, l'un & l'autre vers le même but; que c'eft même l'instinct qui a jetté les premiers fondemens de la Societé humaine, & qui a donné à l'Homme les premiers exemples de la Societé civile, Il en examine l'origine, examen qui conduit à la connoiffance d'un premier Pere de tous les Hoinmes, DIEU Créateur; &

qui réunit la fource du gouvernement à celle de la Religion. L'amour étoit la baze de l'une & de l'autre dans leur premiere origine. C'est la crainte qui a établi la tirannie & la fuperftition. Les Hommes devenus tirans & vicieux crurent en des Dieux tirans & vicieux. L'amour propre aveugle produifit ces maux, & le même amour propre éclairé les rectifia, & apprit qu'un gouvernement fondé fur la violence ne peut fubfifter long-tems. De- là l'établissement des Loix qui font fondées fur les befoins mutuels; & de-là l'établiffement de cette vérité fondamentale, que pour l'amour de foi-même il faut aimer les autres, & que par conféquent LE VERITABLE AMOUR PROPRE & L'AMOUR SOCIAL NE SONT QU'UN.

LA Quatrieme Epitre traite de la nature & de l'état de l'Homme par rapport au Bonheur. C'eft un but auquel tous les Hommes tendent par l'impulfion de la nature; il doit par conféquent être d'une nature telle que tous puiffent y atteindre: & comme Dieu n'agit point par des loix particulieres mais par des loix générales, & que toute la nature n'est qu'un feul fifteme, le bonheur doit confifter, non dans le bien d'un feul, mais dans le bien de tous; le bonheur de P'un doit dépendre de celui de l'autre, & tout bonheur particulier du bonheur général. Il ne peut donc confifter dans la poffeffion des biens de la fortune, qui, pour l'ordre, la paix & le bien être de la focieté, doivent être inégalement diftribués. A les bien aprécier, ils fe réduifent à la fanté, à la paix & au néceffaire. Le néceffaire eft le fruit du travail; la fanté fe maintient par la tempérance; & pour la paix c'est la vertu feule qui la donne; elle joint à la jouiffance des autres biens un plaifir que le fcélerat ne fauroit goûter: tous les avantages du vice, elle les fuit, elle les dédaigne. La vertu & le vice ont leur récompenfe & leur punition propres, repos ou l'agitation de l'ame, l'approbation ou le reproche de la confcience. Le vice entraine avec lui un levain qui empoifonne tout: richesses, dignités, naiffance, grandeurs, re

nommée & même talens fupérieurs, rien ne peut rendre heureux l'efclave du vice. Il n'y a que la vertu feule qui puiffe extraire du bien de tous les objets; elle feule peut faire goûter le bien fans mélange de mal. Le Poëte prouve enfuite que la vertu confifte dans l'AMOUR DE DIEU & dans celui du PROCHAIN. Ce n'eft que l'amour de Dieu & celui du prochain, qui peuvent conftituer un bonheur qui s'accorde avec le fifteme général, qui s'accorde avec notre fifteme particulier, & qui faffe dépendre tout bonheur particu lier du bonheur général: proprietés caractéristiques de la véritable vertu & du véritable bonheur. Leur liaison & leur reffemblance prouvent que LA VERTU SEULE FAIT ICI

BAS NOTRE BONHEUR.

REFLEXIONS

En Réponse à quelques Critiques.

On trouve dans l'Effai fur l'Homme un Philofophe profond un Poëte vraiment fublime. Cet ouvrage ne peut nuire qu'aux efprits corrompus qui tournent tout en venin. Un esprit droit en tirera un bon fuc, de grandes viles & des maximes utiles. J'emprunte ce jugement d'un illuftre Sçavant.

Il y a beaucoup de témérité, & un zele peu éclairé, peu charitable, & par conféquent peu chrêtien, dans les objections de ceux qui s'érigeant en Scrutateurs des cœurs & des reins ont donné leurs foupçons imaginaires pour les motifs cachés de l'Auteur. Qui ne mépriferoit ces Critiques, voyant qu'elles viennent de la part de perfonnes qui ne connoiffent ni le caractere, ni les ouvrages de celui qu'ils attaquent? Mr. POPE étoit un de ces caracteres mâles, incapable de pallier la vérité de ses sentimens, & d'avoir dans un ouvrage d'autres vûes que celles qu'il paroiffoit avoir. La flaterie & la diffimulation lui auroient été inconnues, s'il n'avoit fallu qu'en être exempt pour les ignorer: il étoit fi éloigné de ces vices,

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