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chez elle, le cœur troublé : ses femmes ne la reconnaissent plus ; Madeleine est pénitente. Ses galans viennent l'appeler bigote; elle les renvoie avec douceur. « Laissez-moi, leur dit-elle, vous ne l'a»vez pas entendu ! je suis une misérable! fuyez mon exemple! » Elle dépouille alors ses ornemens, s'en vient en Béthanie, pénètre dans le logis de Simon le Pharisien, se jette aux pieds du maître, et verse d'abondantes larmes. On veut la chasser : «Non, dit Jésus, ne la chassez point, car elle a obtenu son >> pardon. » Marthe, sa sœur, lui dit : « Ne t'avais-je pas pro>> mis un amant digne de toi?» De ce jour, ces deux femmes se vouèrent au service de la Vierge Marie.... Pécheurs! considérons notre état, et apprenons, par ce modèle, à revenir au Seigneur! Ainsi finit le sermon. Le père de Saint-Louis l'a suivi pas à pas dans son poème de la Madeleine, qui renferme beaucoup de très beaux vers, aujourd'hui très oubliés.

Le sermon de l'Enfant prodigue, pour le samedi après le deuxième dimanche de carême, est aussi le récit paraphrasé de la parabolé évangélique. On ne peut rien faire de mieux que de raconter quand il est question d'appuyer la morale sur l'Evangile. L'usage ne s'en est conservé dans nos chaires que pour la Passion. Chaque année, encore à présent, ces sortes de discours sont purement narratifs. Jadis, tous ou presque tous les sermons l'étaient et n'en valaient que mieux. Il règne dans celui-ci un naturel frappant et une chaleur singulière. Dès l'entrée, l'intérêt dramatique commence. On frémit de l'air effronté avec lequel l'Enfant prodigue demande à son père la part de l'héritage maternel. Ce morceau est déparé, sans doute, par le quolibet suivant adressé aux jeunes auditeurs : « Vous voilà bien, jeunes gens! à peine venez-vous à vous connaître, que vous cherchez le bon temps, et que sans monsieur d'Argenton (sine domino argento), on ne fait rien de vous. » Mais de telles saillies, on doit s'en souvenir, n'étaient pas déplacées alors. — Que fera-t-il, cet enfant insensé, sitôt qu'il aura touché sa part héréditaire et quitté le toit paternel pour aller voyager au loin? 1° il s'enfoncera dans la fange des voluptés; 2° il tombera dans la détresse; 3o il enchaînera sa liberté; 4° la dureté des riches lui imposera la plus ignoble servitude. Observons-le d'abord avec ses femmes, nageant dans les délices, et dissipant tous ses biens, puis renonçant à sa dignité d'homme et aux grâces divines. Bientôt le voilà dépouillé par ses folles maîtresses et ses faux amis. Alors les uns et les autres l'abandonnent en riant, et disent : « Celui-là >> est plumé et espluché ; à d'autres! » Il court, sur ce, implorer la commisération d'un homme opulent, et lui demande de l'occupa

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tion. Cet homme considère son visage et ses mains, qui n'annoncent pas un artisan. « Vous avez été riche, lui dit-il ; mais quoi ! » que savez-vous faire? les temps sont durs je n'ai pas besoin >> d'ouvriers cette année...; cependant, voyons...; il me manque » un gardeur de porcs dans une de mes fermes. Allez-y!»-«Ah! >> misérable et infortuné que je suis! (Ha! miser ego et infortu » natus!) » Retour de l'Enfant prodigue sur lui-même ; souvenir de son père; projet de retour; espoir de pardon. C'est la parabole même étendue et commentée avec une naïveté parfaite et souvent des plus touchantes. L'orateur, fidèle interprète de l'Evangile, se surpasse dans la scène de retour à la maison paternelle. « Le père, dit-il, n'attend pas les soumissions de son fils; » le voyant en si piteux état, il l'embrasse et s'écrie: Tu es » mon ami, mon ami très cher! (Tu es amicus meus et carissimus!) » Et la joie de ce père miséricordieux, et le repentir du fils coupable, et la jalousie du frère aîné et les belles paroles qui répriment si doucement cette jalousie en rétablissant la paix dans la famille, tout se trouve dans ce sermon. Aucun trait de ce sentiment n'y est omis; et, pour résumer en un seul mot l'éloge qu'on en doit faire, on peut s'y attendrir encore après avoir lu le livre des livres.

M. de Labouderie a publié en patois auvergnat les traductions qu'il a faites de cette parabole et de l'histoire de Ruth. Ces deux ouvrages, par leur admirable simplicité, peuvent passer pour de vrais chefs-d'œuvre, et sont bien faits pour nous guérir do notre inconcevable incurie pour nos dialectes provinciaux.

LES DICTZ DE SALOMON.

Ensemble quatre autres opuscules tant gothiques que modernes, composant un joli volume manuscrit du xvur siècle, sur peau de vélin, format in-16, avec une parfaite imitation de l'écriture gothique et des figures en bois des éditions originales.

(1480-82-88-1509-1631-1750.)

1o. LES DICTZ DE SALOMON avecques les Respōces de Marcoul fort joyeuses, translaté du latin, (Salomonis et Marcolphi dialogus, Antuerpia, per me Gerardum leeu impressus, 1488, in-4), et mis en rime française par Jehan Divery. Paris, par Guillaume Eustace, M.D.IX. (Très rare.)

On connaît une édition sans date des Dictz de Salomon qui est encore plus rare que l'édition de 1509, et c'est celle-là que notre manuscrit représente fidèlement. Quant à l'opuscule luimême, il est édifiant par le but de l'auteur, mais d'une telle naïveté d'expression, qu'il fait aujourd'hui l'effet d'un écrit deş plus libres. Le roi Salomon, voulant détourner les hommes des piéges de la volupté, présente un tableau hideux et vrai des ruses, des tromperies et de la basse cupidité des femmes perdues. Marcou, Marcoul, ou Marcon, son valet, fait chorus avec lui, selon le mode hébraïque, en répondant un tercet à chaque tercet de premier texte : le tout est semé de métaphores, de comparaisons, comme cela se voit dans les psaumes, et compose quatre-vingt-dix-sept tercets, dont à peine oserons-nous citer six :

SALOMON.

Ne vous chaut semer
En sablon de mer
la ny croistra grain

MARCOUL.

Bien pert son sermon
Qui veut par raison
Chastoier putain.

SALOMON.

Cerf va cele part
Ou il set lessart
Si paist volentiers.

MARCOUL.

Pute de mal art
Set bien de musart
Traire les deniers,

SALOMON.

Len tent a le glu
Ou len a véu
Reperier oisiaus.

MARCOUL.

Pute cerche four

La ou ele espour

Plente de troussiaus.

Il faut avouer que Jean Divery n'était pas un versificateur élégant, même pour son époque, et que du Verdier l'a beaucoup honoré d'en parler comme il l'a fait.

2o LA GRANDE CONFRARIE DES SOULX D'OUVRER ET ENRAGEZ DE RIEN FAIRE.; avecques les Pardons et Statuts d'icelle. Ensemble les monnoies d'or et d'argent servans à la dicte Confrarie. Nouuellement imprimé à Lyon en labbaye de Sainct-Lasche.

Cette petite pièce, sans date, qu'on doit rapporter à la fin du XVe siècle, est une vive satire des mœurs du temps cachée sous une imitation burlesque et fort spirituelle des édits royaux et ordonnances seigneuriales. « De par Saoul d'Ouvrer, par la grâce » de trop dormir, roi de Négligence, duc d'Oysiveté, palatin d'Enfance, visconte de Meschanceté, marquis de Trop-Muser, >> connétable de Nulle-Entreprinse, admiral de Faintise, capi»taine de Laisse-moy en Paix, et courier de la court ordinaire » de monseigneur Sainct-Lasche, à nos amés feaulx conseillers » sur le faict de nulle science et salut, etc. » Suit une longue ordonnance pour obliger lesdits féaulx, sujets de ladicte abbaye, à vivre oisifs, souffreteux, endettés, misérables, etc., moyennant quoi il leur est accordé royalement tous les dimanches deux miches de faulte de pain, les lundis de faulte de vin, et les autres jours nécessité, etc., etc. Après l'ordonnance vient une belle

royale promesse au nom de Bacchus, Cupido, Cérès, Pallas et Vénus, régens de la confrarie de Sainct-Lasche, pour rémunérer en l'autre monde, par toutes sortes de jouissances et profusions, lesdicts sujets de tout ce qu'ils auront souffert sur la terre. Un tarif des monnoies de l'abbaye suit le tout. On y trouve qu'un noble vaut deux vilains, un ducat deux comtes, un réal deux chevaliers, un florin au monde deux de paradis, un marquis deux barons, un ail deux oignons, etc., etc. En vérité, en vérité, la liberté de penser et d'écrire, ou même la licence, n'est pas nouvelle chez les Français : c'est une plante de leur sol et justement de leur âge.

3o. S'ensuit La LETTRE D'ESCORNIFFLERIE, nouuellement imprimée à Lyon, avec deux figures, dont l'une porte pour épigraphe: Spes Nemesis.

L'auteur de cette pièce rarissime est probablement Hans du Galaphe, le même qui doit avoir écrit le Testament de Taste-Vin, roi des Pions, vers 1480, et pourrait bien avoir aussi composé la pièce précédente, qui offre de l'analogie avec la présente lettre « Nous, Taste-Vin, par la grâce de Bacchus, roy des >> Pions, duc de Glace, etc., etc., etc., sçavoir faisons à tous >> nos subjects, vasseaux et taverniers, tripiers, morveux, es>> corcheurs, escumeurs de pottée froide, ypocrites et gens qui >> font accroire d'une truie et d'un veau que c'est un veau, que >> c'est une brebis, etc., etc., et qu'ils soyent prests à donner à >> nostre très cher et parfaict Teste de C... rosti, tasses, brocs, » verres, etc., tous pleins de vin, ypocras, vin d'anis, etc., etc., >> donné à Frimont en Yvernay, à nostre chastellerie de Tremblay, les octaves sainct Jean en hiver, et de nostre règne la » moitié plus qu'il n'y en a, etc., etc., signé par copie de maistre » Jehan Gallon, premier chambellan en nostre chapitre général, >> tenu en l'abbaye de Saincte-Souffrette, etc., etc. »

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4°. PRENOSTICATION NOUUELLE De frère ThibauLT, avec une figure et cette épigraphe : Ceste année des merueilles. Imprimé à Lyon.

Excellente plaisanteric contre les devins. L'auteur annonce des choses prodigieuses qu'il explique ensuite tout naturellement. Ainsi, cette année, on verra des rois et des reines s'allier ensemble, puis se brouiller, et se consumer en cendres. C'est un

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