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les deux Roscio, Foscarini; la plupart savans, dont quelques uns avaient été ses maîtres. Galéas Bentivoglio le fit peindre par Francia. Rien de plus laid que sa figure, à en juger par la gravure que Thémiseul en donne, laquelle est de Blesweyck. Il y ressemble, en laid, au fameux violon moderne Paganini. Bayle, selon Thémiseul, a trop vanté et trop plaint Codrus, en avançant qu'il fut un des plus savans et des plus malheureux auteurs de son siècle; car Politien, Béroald, Ficin, Pic de la Mirandole furent plus savans que lui, dont le savoir était confus et la mémoire mauvaise ; qui lisait presque toujours ses leçons; et, d'un autre côté, il fut plus heureux qu'il ne devait s'attendre à l'être, vu ses hardiesses et ses mauvaises mœurs. Són mérite spécial fut d'être bon latiniste. Le service qu'il rendit à Plaute, en rétablissant son Aulularia, fait honneur aux deux. Bayle encore n'aurait pas dû dire qu'après l'incendie de ses papiers, Codrus s'alla cacher dans les forêts pour y mener une vie sauvage, tandis qu'il ne fit que s'aller coucher, pour une nuit, hors de Forli, sur un fumier; vomissant des imprécations contre la Vierge, à laquelle il signifia, en bon latin, qu'il voulait aller en enfer, et qu'elle s'en tint pour avertie au jour de sa mort; ce dont nous avons vu qu'il se repentit bien quand le grand jour fut arrivé. Montesquieu, dont le valet de chambre brûla, par mégarde, la Vie de Louis XI, ne fit pas tant de bruit pour une perte bien plus grande, sans doute, que celle du livre intitulé Pastor, qu'avait composé Codrus, et qui fut brûlé par sa propre négligence: aussi Montesquieu n'eut-il pas de pardons à demander à la Vierge en mourant. Codrus ne fut peut-être sublime qu'une fois; mais certainement il le fut dans l'épitaphe qu'il voulut faire graver sur son tombeau, laquelle consiste dans ces seuls mots: Codrus eram. Mais en voilà bien assez sur le docteur de Bologne. En résumé, Codrus fut un très bel esprit, plein de notions variées plus que profondes, érudit plutôt que réellement savant. Une multitude de faits et de textes surchargeaient sa tête et s'y confondaient, pour en sortir avec agrément et vivacité, mais sans méthode, sans but précis, et, par conséquent, sans autre résultat (du moins dans ses discours publics) que d'amuser ses auditeurs et de faire parler de lui.

C'est là, du reste, tout le fruit qu'on doit attendre communėment de ces réunions fastueuses, instituées, dit-on, pour nourrir les contemporains des graves enseignemens de l'histoire et des pures inspirations du goût littéraire. Sans doute apparaissent quelquefois, dans ses chaires illustres, d'inespérés phénomènes qui nous démentent noblement ici, et que, loin de méconnaître,

nous admirons autant que personne au monde ; mais, pour un de ces êtres privilégiés, pour un orateur brillant, chaste, solide et fécond tel que Quintilien dans Rome, tel que M. Villemain ou ses émules dans Paris, que de sophistes prétentieux, que de rhéteurs vides et bouffis il faut entendre au milieu d'applaudissemens déréglés! Généralement, on ne devrait prêcher en public que la religion et la morale, science première, dont le but est l'ordre social même; et le champ, la conscience universelle : quant aux lettres, quant à l'histoire et à la philosophie, tant d'apparat nuit plus qu'il ne sert à leur propagation; les hommes faits ne s'y avanceront que par le travail silencieux et réfléchi du cabinet; les jeunes élèves, que par le régime sévère, constant et régulier du collège ; et non dans des assemblées théâtrales, où les maîtres, intéressés à s'ouvrir des voies nouvelles, renversent de front ou de côté tout ce qui se rencontre devant eux, ou l'auditoire adulé ne demande qu'à se créer de nouvelles idoles. Aussi ne voyons-nous jamais plus briller ces assemblées consacrées au triomphe des lettres qu'à des époques où l'art et le goût ne sont déjà plus : c'est comme le festin des enterremens. Requiescant.

MORALITÉ TRÈS SINGULIÈRE

ET TRÈS BONNE

DES BLASPHEMATEURS DU NOM DE DIEU;

Où sont contenus plusieurs exemples et enseignemens à l'encontre des maulx qui procedent a cause des grans Juremens et Blasphèmes qui se commettent de jour en jour, et aussi que la coustume n'en vaut riens, et qu'ils finent et fineront très mal s'ils ne s'en abstiennent.-Et est la dicte Moralité à dix-sept personnaiges dont les noms s'ensuyvent ci-après, premierement: Dieu, le Crucifix, Marie, Séraphin, Cherubin, l'Eglise, la Mort, Guerre, Famine, le Blasphémateur, le Négateur, l'Injuriateur, Briette, le fils de l'Injuriateur, Satan, Béhémoth, Lucifer. (Gothique, sans date, mais de 1531 à 1540; 52 feuillets en 13 cahiers.) A Paris, par Pierre Sergent.

Avant 1820, on ne connaissait, de ce curieux monument de notre ancien théâtre, dit un de nos plus distingués bibliophiles, qu'un seul exemplaire imprimé, qui fut acheté cing sous en 1793, sur le pont de Rouen, par un curé de Normandie, et vendu 800 francs, en 1818, à la bibliothèque royale. La Société des bibliophiles français le fit réimprimer, en 1820, par M. Firmin Didot, sous la direction du savant que nous venons de désigner pour l'insérer dans le tome 1er de ses Mélanges. Vers 1830, un amateur éclairé a fait exécuter en facsimile une nouvelle réimpression de cette moralité dont nous allons donner une analyse succincte, le peu de mots qu'en ont dits les frères Parfait ne nous paraissant pas devoir suffire. Il n'est pas inutile de mentionner ici que les Mélanges des Bibliophiles français, n'étant tirés qu'à 25 exempl., et la réimpression de cette moralité, en facsimilé, ne l'étant qu'à un très petit nombre, l'ouvrage est encore aujourd'hui peu commun.

(1502-31-40-1820.)

Le drame des Blasphémateurs du nom de Dieu sort d'une source plus nouvelle que celle du mystère de la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, quoique plusieurs écrivains recommandables, tels que la Croix du Maine, du Verdier, Vauprivas et le Duchat les aient confondus dans une origine commune. L'erreur de ces derniers tient à ce qu'ils n'ont pas distingué les

par

Mystères d'avec les Moralités, ce qu'ont fait judicieusement les frères Parfait dans leur Histoire du Théâtre Français, ouvrage, par parenthèse, très estimable, dans sa simplicité de rédaction, le nombre et l'exactitude des recherches qu'il suppose et des renseignemens qu'il donne. Les Mystères, disons-le avec nos excellens guides, étaient des pièces sérieuses, tirées exclusivement de l'Histoire sacrée et profane, mais plus souvent des récits de l'Ancien et du Nouveau Testament. La troupe, dite des Confrères de la Passion, en avait le monopole qui leur fut accordé sous Charles VI, en 1402, et retiré, sous François Ier, en 1548, par suite des licences qu'ils s'étaient données, ou que le public se donnait, à leur occasion, aux dépens de la religion. Quant aux Moralités, elles formaient le domaine des clercs de la basoche, corporation de jeunes légistes, successivement favorisée par nos rois, dont l'établissement remontait à Philippe le Bel, en 1303, et qui, par un effet de la gaîté naturelle à la jeunesse, s'étant, depuis longues années, attribué le privilége d'amuser la capitale par toute sorte de fêtes, avait voulu, à l'instar des confrères, fonder un théâtre, ce qu'elle fit quelque temps après 1402, sans pouvoir néanmoins exploiter le champ des grands sujets historiques, réservé entièrement à leurs ainés. Il advint aux basochiens ce qui était advenu aux confrères; c'est à dire qu'après avoir débuté moralement, saiutement même, si l'on veut, en faisant de leurs petites compositions, de mille vers au plus, des instructions édifiantes pour les spectateurs presque toujours sous le voile alllégorique, en personnifiant les vertus et les vices, en faisant dialoguer, dans un but honnête, Franche voulunte avec Contrition, Chasteté avec Bien advise, Luxure avec Malefin; le tout en présence de Dieu, de Marie et des Anges, à la barbe de Satan et de Beelzebuth, ils finirent, dans leurs Moralitez, dégénérées en farces, par devenir de vrais diables de malice et de satire personnelle; d'où s'ensuivit qu'après bien des vicissitudes et force arrêts pour et contre eux, après qu'entre autres choses, ils eurent été supprimés par Charles VIII, et rétablis par le bon roi Louis XII, qui voulait, disait-il, s'entendre crier la vérité, fût-ce par la bouche de la satire, ils furent interdits tout à fait en 1540, sous peine de la hart, pour n'avoir plus, depuis lors, que des destinées vulgaires et obscures. La licence fut plus heureuse à la suite des Enfans sans soucy, dans les Farces joyeuses et les Sotties; mais nous parlerons en leur lieu des Enfans sans soucy, ces patriarches de nos petits théâtres; maintenant tenons-nous aux Moralitez, et notamment à celle qui fait Le sujet de cet article.

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Une opinion conjecturale, bien fondée d'ailleurs sur le ton de bonne foi qui règne dans l'ouvrage, tout grossier qu'il est, a fait penser que la moralité des blasphémateurs datait de l'année 1502 environ. Elle ne serait donc pas des plus anciennes ; la première inscrite dans le catalogue des frères Parfait, étant celle de la Vigile des Morts par Jean Molinet (1474); mais elle tiendrait encore un rang d'âge très sortable dans la période morale, puisqu'elle aurait précédé celles de Mundus, Caro Demonia, de l'homme juste et l'homme mondain. de l'enfant prodigue, et aussi la pathétique moralité de la chaste villageoise dont on verra l'extrait dans ce recueil analytique. Les Blasphémateurs débutent par un prologue en vers édifians et soporifiques, terminé par cet avis de l'auteur aux spectateurs : « Je vous supply que nul ne parle haut-Et ne face nully bruict qui nous nuyse; — Patience est vertu qui moult vault - Et qui l'a ung ainsi chascun la prise.»

Les diables paraissent: Lucifer appelle ses frères les démons? «Haro! haro! haro!j'enraige, Où estes-vous, meschans truans?» Satan vient: «Que veux-tu, mauldict Lucifer ?—Que te faut-il, beste sauvaige? Je viens tout droict du pays de France Où j'ay faict faire mille maulx,-Encontre Dieu et sa puissance, -Par meurtriers et par larronneaux. »

Béhémoth arrive aussitôt, et dit : « Je viens de Sainct-Jacques en Galice Où j'ay faict le diable et sa mère - Car un marrault mauldict et nice-Devant tous a tué son père. J'ay faict cou cher une commère Lubricque, mauldicte et dampnable Plusieurs foys avec son compère, Dont auront douleur innom

brable. »

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Voilà de hautes œuvres de ces deux diables, et pourtant Lucifer n'en est pas content; il leur souhaite la fièvre quartaine et leur commande d'aller «Tôt par monts et par vaux - Faire jurer le nom de Dieu A garses et garsonneaux, En toute place et en tout lieu; ce que Satan promet, se soumettant, au cas contraire, à être dedans le feu infernal, aggravanté. Sur ces entrefaites, survient un bon vivant qui se propose de mener vie de liesse, sans se douter qu'il va devenir le Blasphėmateur. Lès stances qu'il débite sont d'un rhythme harmonieux, qui paraî trait tel, même encore aujourd'hui :

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