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s'il est ménager, avaricieux ; s'il demeure au logis, hypocrite; s'il visite, entremetteur; s'il est grandement suivi, ils disent qu'il est fol et superbe; s'il mange seul, qu'il est honteux et misérable; conclusion que de mille courtisans il n'y en a pas trois qui profitent. Mais aussi comment contenter les gens de cour? les loger à leur goût, il n'y a pas moyen, d'autant qu'il faut loger non seulement leur train, mais encore leur folie, et cela plus près du palais que de l'église. L'article des logemens occupe long-temps Guevara; c'est que dans toute cour l'article est capital pour un homme qui veut s'y pousser, et l'était surtout alors à la cour d'Espagne, si voyageuse à dos de mules et de mulets, dans un pays si dépourvu, tellement que le personnage dont chacun avait le plus affaire et qu'il fallait le plus caresser était le grand-maréchal des logis du roi. Caressez donc, Messieurs, flattez les officiers des logis, mais gardez-vous de hanter les femmes et les filles de vos hôtes! c'est une trahison infame de le faire. Passe pour gâter leurs meubles, leurs lits, leur linge, abattre les pots à bouquets, rompre les garde-fols, descarreler les planchers, barbouiller les murailles et faire bruit dans la maison; mais aborder leurs femmes et leurs filles, cela mérite d'avoir le col tordu et les mains coupées; lisez plutôt Suétone dans la vie de Jules-César, Plutarque en son Traité du Mariage, et Macrobe en ses Saturnales. « N'avez-vous donc pas à la cour >> assez de provisions de ce genre étalées en toute saison? >> Cependant voulez-vous gagner la faveur du prince? sachez lui plaire par le respect et l'à-propos; ensuite, mais en second lieu, servez-le bien.

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C'est une chose fragile que la faveur, et on ne la retrouve plus quand une fois elle est échappée. — Quiconque a mis son prince en colère ne doit plus compter sur sa faveur. L'activité est bonne, l'adresse bonne, la fourberie mauvaise, la vertu utile, la fortune toute puissante. Parlez peu souvent au prince; et pourquoi lui parleriez-vous souvent? pour médire? il vous craindra; pour lui donner avis secret? il ne vous croira pas; pour le conseiller? c'est vanité qui le blessera; pour lui conter des balivernes? familiarité choquante; pour le reprendre? il vous chassera; pour le flatter? il vous méprisera; le plus sûr est donc de parler peu souvent à lui. Quand vous vous y hasardez, que ce soit à l'oreille gauche, afin que le prince ait toujours la main droite. Ne sentez alors ni le vin, ni l'ail. - Ne toussez ni ne crachez. Point de gestes de tête, ni de la main; point de remuement de barbe; on devient odieux par les contraires. J'ajouterai à ces sages leçons de Guevara un important pré

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Il est

cepte: En voiture, gare les jambes, et n'ayez ni nécessités, ni inconvéniens, autrement c'est fait de vous. - Rire quand le prince se gausse de quelqu'un ; bon, bon: mais rire sans éclats, et ne pas se gausser pareillement. Soyez connu de tous ceux qui approchent le prince; bien traité d'eux ou foulé aux pieds, n'importe; soyez connu. Point de presse à vous entremêler des hautes affaires; le maître ne les confie qu'aux gens retenus. -Combattez vos ennemis, sans laisser de leur parler ni de les saluer avec politesse, la cour est une lice de chevaliers, non une arène de gladiateurs. Il y a des hommes simples à la cour qui prennent pour bons tous les avis qu'on leur donne; erreur notable! la plupart de ces avis sont des embûches. Il y en a d'autres qui, pour être assidus, se font chenilles; autre erreur notable! Rien à gagner pour un courtisan à dîner fréquemment en ville, le maître en serait jaloux. Il convient d'être bien habillé et bien suivi. Chicherie, mort du courtisan. Ayez des mules bien pansées et équipées, et ne manquez pas de proposer aux dames de les porter en croupe au palais. bon de donner, parfois, quelque pièce de soye ou quelque bague de valeur aux huissiers du palais; bon également d'être courtois avec les dames. Quant à en servir une particulière, cela n'est bon que si l'on a force plumes à perdre. La présence fréquente au manger et au lever du roi est d'excellent régime. C'en est un très mauvais que de s'accoster des bouffons et des bavards. — A la chasse, un fin courtisan court le roi, pendant que le roi court la bête. A table avec le roi, il prend moins plaisir à boire et à manger qu'à se voir en si haut lieu. —— Méprisez les méchans discours, afin de mieux venger et plus sûrement vos injures. - Vos ennemis véritables, ceux-là seuls qui sont dignes de vos traits, ne sont pas les mal disant de vous, mais les mieux plaisant que vous. Si vous apercevez quelque buffet préparé dans un coin des appartemens du roi, n'en approchez pas, car ce buffet n'est peut être ainsi disposé que pour donner aux mauvais desseins, s'il y en avait, l'occasion de se manifester. Suivez la faction de vos pères dans cet empire des factions. Rien ne préjudicie tant à la fortune des courtisans que d'en changer. A la cour on ne compte pas par individus, mais par familles. Maintenant venons aux favoris. Ils n'ont plus qu'à se maintenir, et pour ce, ils ne doivent pas se troubler de l'envie qu'ils causent, car elle est inévitable. — Il leur suffit de surveiller les envieux, de ne se mêler d'aucune autre querelle que de celles du prince, d'expédier promptement les affaires. On supporte les refus prompts et polis, jamais le

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silence ni le dédain. - Qu'ils ne soient, aux gens, ni ingrats
ni fâcheux; qu'ils dirigent et contiennent leurs employés.
Un favori peut être impunément, ce qu'à Dieu ne plaise toute-
fois, luxurieux, gourmand, envieux, paresseux, colère; mais
tôt ou tard, il paie chèrement la superbe. La braise ne se con-
serve que sous les cendres. L'avarice est dommageable au
favori, vu que n'attachant que lui à sa richesse, elle ne donne
à sa richesse qu'un seul appui. Qu'il mette une borne à sa
cupidité; car, outre que le cupide ne se désaltère pas plus que
l'hydropique, il arrive communément qu'une fois devenue bête
grasse, il sert au prince de festin. Favoris, ne vous fiez pas
trop sur votre faveur ; l'histoire vous le conseille! ne soyez point
esclaves de ce monde périssable; Dieu vous le défend. - Si
vous voulez mourir gens de bien, quittez la cour avant de
vieillir! Je ne puis mieux finir que par ce grand trait l'ana-
lyse de cet ouvrage agréable et profond.

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LYON MARCHANT.

Satire françoise sur la comparaison de Paris, Rohan, Lyon, Orléans, et sur les choses mémorables, depuys l'an mil cinq cens vingt quatre, soubz allégories et énigmes, par personnages mystiques, jouée au collège de la Trinité, à Lyon, mil ccccc XLI. On les vend à Lyon, en rue Merciere, par Pierre de Tours. (1 vol. in-12 gothique, de 27 feuillets.) M.D.XLII.

Ce n'est pas le volume imprimé que nous possédons, mais une parfaite copie manuscrite, figurée, faite dans le xvine siècle, de cette satire de Barthélemy Aneau, qui fut jouée à Lyon, en 1541, au college de la Trinité, et imprimée aussi à Lyon, en 1542, par Pierre de Tours. L'imprimé, selan M. Brunet, n° 9899, est devenu sí rare, qu'un exemplaire s'en est vendu 201 liv. chez le duc de la Vallière, et 210 liv. chez M. Gaignat. Notre copie, qui est unique, n'est donc guère moins précieuse que l'original; elle a, de plus, le mérite de renfermer, outre le Lyon Marchand, 1°l'Adventure du capitaine Tholosan, en 1541, avec cette devise : Liberté plus que vie; 2°1'Adventure du Ramoneur envers dame Jeanne le Reste, belle Lyonnaise, Baiser libéral; 3° diverses Epigrammes latines et françoyses; 4° la Traduction d'une Épître de Cicéron à Octave, par Barthélemy Aneau, avec une Dédicace à Mellin de Saint-Gelais; 5° des Vers latins de Corneil Severe, docte romain, sur la mort de Cicéron, avec la traduction en vers françoys.

(1541-42-1750.)

La satire du Lyon marchant est une comparaison des avantages de la ville de Lyon avec ceux des autres principales villes de France, telles que Paris, Rouen et Orléans, où la palme est décernée à la première.

Paris monté sur un cheval Rohan,

Paris appreins aux amours plus qu'aux armes
Divins corps nudz touljours veoir vouldroit bien,
Mais en ayant ses pasteurs bons gens d'armes
Pour estre grand et monté sur Rohan, etc., etc.

Europe est grande et pleine de bonté;
Aurelian est un fort chien couchant;
Et Paris est dessus Rohan monté,

Mais devant tous est le Lyon marchant.

Ce vers, qui termine la pièce préliminaire ou le prologue intitulé: Le cry des Monstres de la Satire, devient comme le refrain de l'ouvrage. Quant à la satire elle-même, elle offre une perpétuelle et obscure allégorie où l'on voit figurer divers

monstres et personnages fabuleux, tels qu'un lion, Arion monté sur un dauphin, Vulcain, Aurélien l'empereur, Paris monté sur un cheval rohan, Androdus, Europe, Ganimède et la Vérité toute nue, qui devait être curieuse à voir sur le théâtre du collége de la Trinité. Arion, sur son dauphin, ouvre la scène en chantant sur le luth un lay piteux et lamentable; puis il jette son instrument et se met à plorer la mort du Dauphin, fils de François Ier, otage de son père à Madrid; mort funeste attribuée au poison. Sur ces entrefaites, Vulcan sort d'un souterrain armé d'une serpentine dont il tire un coup en criant: Avez-vous peur ?... et oui vraiment Paris a peur, Paris, qui dormait au pied du mont Ida; Androdus, Ganimède et la Vérité, qui n'étaient pas loin, ont tous grande peur à ce méchant tour de Vulcan. Ils accourent sur le théâtre esbahis. «Hau! qu'est-ce celà? >> dit Paris; à quoi Vulcan, toujours plaisant, répond :

C'est un coup de matines

Que Vulcan sonne avec son gros beffroy, etc.

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Allusion à l'attaque soudaine de Charles-Quint contre François Ier. On se doute bien que Lyon n'a pas peur :

Hà faut-il craindre? oncq crainte n'esprouvay;
Je me retire en mon fort jusqu'au fond, etc.

Là dessus Arion se met à raconter en vers ses longues infortunes expliquées ensuite par la Vérité, d'où il suit qu'Arion, jeté en mer, est le roi de France fait prisonnier à Pavie, par trahison. Puis Lyon vient faire une sortie contre Henri VIII, au sujet des troubles d'Angleterre. A son tour, Paris expose les fatals exploits du comte de Nassau, en Picardie, et comme il battit en brèche la ville de Péronne. Europe prend ensuite la parole pour déplorer les conquêtes du sultan Soliman, menaçantes pour la chrétienté. Dans ce conflit de malheurs, Paris, Lyon et Aurelian (Orléans) réclament l'honneur de défendre le cueur d'Europe, c'est à dire la France. Lyon dit que cet honneur lui revient, en sa qualité de seul lion qui soit en France. Paris fait valoir ses droits de capitale, étant Paris sans pair. Aurelian observe qu'il a vaincu la reine de Palmyre. « Et moy, reprend Paris, ne suis-je » pas Pâris le beau fils de Priam ? »

Mais je (réplique Lyon), qui de nature
Suis la plus noble et forte créature, etc.

Voyez un peu tout ce qu'en dit cy Pline
En naturelle histoire et discipline, etc., etc.

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