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LES DIALOGUES

DE JEAN TAHUREAU,

Gentilhomme du Mans, non moins profitables que facétieux, où les vices d'un chacun sont repris fort aprement, pour nous animer d'advantage à les fuir et suivre la vertu. A Monsieur François Piéron, à Paris, chez Gabriel Buon, au clos Bruneau, à l'enseigne Saint-Claude, avec privilége (1 vol. in-16 de 210 feuillets, plus 11 feuillets préliminaires, titre compris, et, à la fin, 3 feuillets d'une table des matières, très bien faite). Jolie édition d'une œuvre posthume, donnée pour la première fois, et dédiée par M. de la Porte, le 24 mars 1565, à l'abbé François Piéron, grand-vicaire de monseigneur l'abbé de Molesmes.

(1555-65-70.)

Jean Tahureau, gentilhomme du Mans, né avec de brillantes dispositions pour la poésie et les lettres, eut une carrière courte, mais bien remplie, puisque, étant mort à 23 ans, il eut le temps de servir avec honneur dans les armées de François Ier, et de se faire un nom mérité parmi les meilleurs poètes et les meilleurs prosateurs de son époque. Ses deux dialogues du Democritic remonstrant au cosmophile sont le seul témoignage qui nous reste de l'élégante pureté de sa prose et de sa verve satirique et plaisante; mais il est décisif. On trouverait difficilement, même dans des écrits de cent ans postérieurs, des périodes mieux construites que celle-ci contre la folie des amans qui se laissent fasciner par leurs maîtresses. «< Encores ne » suffiroit-il pas à ces messieurs, s'ils n'en faisoient des divi»nitez, tant, qu'il s'en est levé une infinité de cette secte, qui ne se sont jamais trouvez contens jusques à ce qu'ils >> nous ayent donné à entendre par leurs gentils barbouillemens » et sottes fictions leur belle vie et folle superstition : les uns » appellant leurs amies déesses et non femmes les autres les >> faisans vaguer et faire des gambades en l'air avecques les >> esprits : les autres les situans avecques les étoilles aux cieux :

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>> aucuns les élevans avecques les anges pour leur vouer de >> belles offrandes; tellement que je croy, si on leur veut d'ad» vantage prester l'oreille, ils s'efforceront de les mettre au » dessus des dieux, et tant est creüe cette folie entre les hom» mes, que le courtisan du jour d'hui, ou autre tel faisant estat » de servir les dames, ne sera estimé bien appris, s'il ne sçait, >> en déchifrant par le menu ses fadèzes, songes et folles pas>>sions, se passionner à l'italienne, soupirer à l'espagnole » fraper à la napolitaine, et prier à la mode de cour; et qui » pis est, pensant bien voir et louer je ne sçay quoi de beauté » qu'il estime estre en s'amie, il ne la voit, le plus souvent, » qu'en peinture, j'entens peinture de fard ou d'autre telle >> masque, de quoy ne se sçavent que trop réparer ces vieilles » idoles revernies à neuf, etc., etc., etc. »

La mauvaise humeur, vraie ou feinte, de Tahureau contre les femmes aurait pu lui attirer, de leur part, un châtiment sévère à meilleur titre encore que le roman de la Rose ne fit, dit-on, à Jehan de Meung, si la politesse du temps où il vivait ne l'eût préservé. Réellement il ne les épargne guère. Leur avarice à l'égard d'autrui, leur prodigalité pour elles, leurs tromperies, leurs caprices, leurs attachemens saugrenus, leurs penchans désordonnés, tous ces torts que la satire leur impute depuis le commencement du monde revivent sous sa plume pour lui fournir quantité de traits épigrammatiques, d'invectives véhémentes, de peintures vives et hardies, à la vérité très amusantes. Nous signalerons notamment, aux amateurs de tableaux malins, ceux de l'amour de l'homme d'armes, l'amour du courtisan, et de l'amour de l'écolier. La galanterie ne fait pas le sujet unique de cette double satire, dans laquelle le cosmophile tâche vainement d'adoucir, par d'assez froides agologies, les censures du Démocritic. La vie des gens de guerre, celle des praticiens, des avocats, des médecins, des courtisanes sont aussi rudement traitées. La folie des astrologues, des magiciens, des alchimistes est également le but de ses traits. Tahureau se mêle enfin de philosophie, et toujours glosant contre les anciens, les modernes, les étrangers, les Français, contre tout le monde en un mot, se moquant de Cardan, d'Agrippa, de Frégose et d'Erasme aussi bien que de Platon, qu'il appelle le philosophe imaginaire, et d'Aristote qu'il qualifie de mignard, on ne sait pourquoi (car personne ne fut jamais moins mignard qu'Aristote); il s'enveloppe dans le christianisme, après quoi il congédie son cosmophile avec cette pieuse conclusion que tout ici bas est vanité, hormis d'aimer

Dieu et de le servir. Une si sage maxime fui donne occasion de joindre, à ses deux dialogues, cinq petites pièces de vers sur la vanité des hommes, la constance de l'esprit, le parler peu, l'inconstance des choses et le contre-amour, qui se font remarquer par un sentiment peu vulgaire de l'harmonie lyrique.

Tout ce que l'homme fait, tout ce que l'homme pense,

En ce bas monde icy,

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N'est rien qu'un vent legier, qu'une vaine espérance
Pleine d'un vain souci.

Fuïons doncques, fuïons ces trop vaines erreurs,

Dressons nostre courage

Vers ce grand Dieu qui seal nous peut rendre vainqueurs
De ce mondain orage,.

Recherchons saintement sa parolle fidelle,
Invoquons sa bonté!

Car, certes, sans cela, nostre race mortelle
N'est rien que vanité.

Quelle fureur tenaillant les esprits
Fait tristement sangloter tant de cris
A ces sots que l'amour transporte?
Quel vain souci dont ils vont soupirant
Les fait brûler, glacer, vivre en mourant,
Enrager de douleur si forte?

Pauvre aveugle! pauvre sot amoureux!

Pauvre transi! pauvre fol langoureux! etc., etc., etc.

Laissons ces regrets et ces pleurs,
Laissons ces trop lâches douleurs,
Laissons tous ces cris lamentables
A ces personnes misérables

Qui se tourmentent pour un rien,
Qui pour un tant soit peu de bien,
Qu'ils perdent par quelque fortune,
Se chagrinent d'une rancune
Qui, les rongeant jusques aux os,
Les prive du bien du repos.
C'est affaire au gros peuple ainsi

De prendre tant de vain souci, etc., etc.

Nous appelons particulièrement l'attention sur le début de la troisième pièce intitulée : De l'inconstance des choses, et adressée, par Tahureau, à son frère :

On ne voit rien en ces bas lieux
Qui ne soit rempli d'inconstance,
Et rien ne couvre ces hauts cieux
Où l'on puisse prendre assurance.
Comme l'un va, l'autre revient;
L'un mourant, l'autre prend naissance;
L'un que la richesse soutient
Soudain la pauvreté le chasse;
Et l'autre en faveur se maintient
Qu'on voit bientôt mis hors de grâce;

Tantost en la froide saison,
La terre se gèle endurcie,
La glace resserre en prison
L'eau des rivières espessie;
Et les gorgettes des oiscaux
Qui chantoient en douce harmonie,
Au printemps, dessus les rameaux
De quelque verdissant Bocage,
Cessent adonc les chants nouveaux
De leur mélodieux ramage.
Le petit enfantin de lait

Incontinent commence à croître,
Et soudain d'enfant tendrelet
On le voit tout homme apparoistre;
Puis la vieillesse faiblement

Le fait de ses forces décroitre;
Et le battant incessamment
De langueur et de maladie,

Lui fait quitter en un moment

Le plaisir trompeur de la vie, etc.,

etc.

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Respondant à Pasquin Rommain de la vie de ceulx qui sont allez demourer, et se disent vivre selon la réformation de l'Evangile, au païs jadis de Savoye ; et maintenant soubz les princes de Berne et seigneurs de Genève; faict en forme de dialogue. (1 vol. in-16 de 48 feuillets.)

290

7:0

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SH(1556.)

En tête de notre exemplaire se lit une note de Bernard de la Monnoye, de son écriture très jolie et très fine, par laquelle il combat l'auteur de la comédie du Pape malade, qui attribue le présent dialogue, anticalviniste, au Be nommé Artus Désiré, prêtre fanatique et bouffon, auteur de plusieurs libelles contre Calvin, mort vers 1578. Selon La Monnoye, qui s'appuie de Créme anthoine Cathelan, du diocèse d'Alby, ancien cordelier, que Maine et de du Verdier, le véritable père du Passevent parisien du est Theodore de Bèze, dans sa vie de Calvin, traite d'effronté menteur. Nous - avons peu de foi aux libelles, pour notre compte, et nous sommes disposés à les taxer d'exagération et de calomnie; toutefois il nous paraît curieux, pour l'histoire du temps, d'extraire celui-ci, qui n'est pas commun. Des -icanecdotes du xvi siècle, vraies ou fausses, doivent se peser; et d'ailleurs fli Calvin, tout homme de génie qu'il était, a si souvent prodigué les accusations, l'ironie et l'invective, qu'on peut, sans scrupule, rappeler celles dont il fut à tort ou à raison, l'objet, sans oublier de rappeler pourtant que les écrivains les plus orthodoxes, tels que Maimbourg, du Perron, etc., ont accordé à ce personnage des mœurs assez pures et une vie assez réglée, contre l'opinion du présent libelliste. Cathelan, selon toute apparence, composa son Passevent parisien, pour faire contre-poids au pamphlet, si comique, de Théodore de Bèze, contre le président Lyset, abbé de SaintVictor de Paris, intitulé: Epistola benedicti Passavantii ad Petrum Lysetum, et la complaincte de Pierre Lyset sur le trespas de son feu nez; pamphlet qu'on trouve à la fin des lettres d'Hommes obscurs (Epistolæ obscurorum virorum, etc.), autre écrit hétérodoxe fort piquant, en deux tomes, d'Ulric de Hutten, l'un des plus beaux esprits de la réforme luthe..rienne avec Reuchlin, et l'un des chefs de cette secte, comme Bèze, Farel et Viret le furent de la secte de Calvin. On voit dans la bibliothèque de La Croix du Maine, tome 111, page 96, qu'Anthoine Cathelan, cordelier albigeois, a aussi écrit l'epitre catholique de la vraie et réelle existence du précieux corps et sang de notre Sauveur, au sainct Sacrement de l'autel Lyon, 1562, et l'arithmétique ou manière de bien compter par la plume et par les jects, en nombre entier et rompu, Lyon, 1555. Bèze, dans sa Vie de Calvins raconte qu'en 1556, Cathelan, étant venu à Genève avec une fille de mauvaise vie, fut bientôt reconnu pour un affronteur et contraint de déloger, d'où il se retira à Lausanne, puis sur les terres de Berne, et que là il fit tant par ses beaux actes, qu'il en fut banni sous peine du fouet. Cela le dépita tellement, qu'il s'en retourna en France, d'où il envoya une épître imprimée aux syndics de Genève contre la doctrine de Calvin. Bèze ne parle pas d'ailleurs du Passevent parisien.

-1:1

Luther, dans sa haine contre le pape et l'Église romaine, avait donné l'exemple d'une violence de discours qui passe

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