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savamment compilées qu'elles peuvent être par Dacier! Heureusement, si la suite des actions de Pythagore s'est comme perdue dans la nuit des âges, son esprit revit dans le commentaire de Hiéroclès, disciple inspiré par cette grande intelligence, et, chose mémorable! inspiré après 800 ans révolus. C'est là qu'on trouve ces belles sentences:

– (1) D'où viendrait l'amour du beau et du bon, si l'ame n'était pas immortelle?

-Si l'ame est immortelle, comment appeler malheur autre chose que le vice qui nous éloigne de Dieu?

Une preuve que la droite raison est naturellement dans l'homme, c'est que l'injuste juge avec justice, quand la passion ne le domine pas.

-Ne nions pas la providence à cause de nos maux; car, puisque la vertu les adoucit, il est évident qu'une providence veille sur

nous.

-Savez-vous quels biens vous auriez, si vous aviez toujours pratiqué la vertu?

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Les maux dont vous vous plaignez sont le fruit de vos fautes. Mais la mort? la mort n'est point un mal pour l'homme qu'elle réunit à Dieu. Mais la mort des animaux? laissons cette difficulté à résoudre à celui qui prend soin des animaux comme de tout l'univers, où règne un ordre évident, lequel ne saurait exister sans Dieu.

- Si, en suivant la raison, nous diminuons nos douleurs; si, en la délaissant pour céder à nos passions, nous augmentons nos douleurs, qu'en faut-il conclure? sinon que l'ame humaine vient de Dieu, dont la loi doit être pratiquée et sera couronnée.

-Si les déréglemens de l'homme viennent de l'empire qu'il donne à ses sens, ne convient-il pas de régler ses sens, en commençant par la pratique de la tempérance?

Dieu est la source de tous les dons, et la prière est un milieu entre notre recherche des dons de Dieu et ces dons mêmes. C'est pourquoi il faut prier.

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Mais, en priant il faut agir, de peur qu'en agissant sans

(1) Nous nous servons librement ici de la traduction de Dacier, comme nous l'avons fait plus haut.

prier, nous n'embrassions qu'une vertu impie et stérile, ou qu'en priant sans agir nous ne proférions que de vaines et inutiles paroles, etc., etc., etc.

Après avoir lu ce qui précède, comment a-t-on pu confondre le commentateur des Vers dorés avec cet autre Hiéroclès, président de Bithynie, puis gouverneur d'Alexandrie, qui persécuta les chrétiens sous Dioclétien; qui écrivit contre eux, en quoi il fut combattu victorieusement par Eusèbe et Lactance; enfin qni mettait Aristée et ce fou d'Apollonius de Thyane au dessus de Jésus-Christ? M. Dacier repousse avec une force et une science invincibles cette erreur grossière, soutenue par Vossius. Il dégage notre Hiéroclès très habilement de six autres personnages homonymes, et prouve suffisamment, contre l'autorité du docte Pearson, que le digne interprète de Pythagore, celui qui ressuscita sa doctrine dans Alexandrie, vers la fin du ive siècle, et qui composa sept livres sur la providence et le destin, dont Photius nous a conservé des extraits, était originaire de Carie, et fut d'abord athlète, avant d'être un des plus sages et des derniers philosophes de l'antiquité.

PREMIERS MONUMENS

DE LA LANGUE FRANÇAISE

ET

DE SES PRINCIPAUX DIALECTES,

EXTRAITS DES ÉCRITS DE DIVERS SAVANS FRANÇAIS, ANCIENS ET MODERNĖS.

(800-13-41-1204-1566-1818.)

Entre les sujets qui ont exercé l'érudition et la dialectique de nos philologues, il n'en est point qui ait amené plus de controverses que les origines de notre langue. A la vérité, la matière était importante et ardue. Quel plus digne objet des recherches savantes que la source d'un idiome devenu l'agent le plus actif et le plus répandu de la civilisation moderne; et, aussi, quel champ plus vaste ouvert à la discussion, vu l'indigence dans laquelle les siècles antérieurs au xvi nous ont laissés, par rapport aux documens capables de verser la lumière sur ces origines ténébreuses!

Plusieurs savans, entraînés par un sentiment naturel d'orgueil national, et frappés de la physionomie constante et particulière des coutumes et du langage des contrées armoricaines, voulurent voir presque tout le français dans le celtique, et le pur celtique dans le bas-breton. De ce nombre fut, au commencement du XVIIIe siècle, le fameux religieux de Saint-Bernard, Pezron, originaire de Bretagne. Selon lui, les Celtes descendaient directement de Gomer et d'Ascénaz, fils et petit-fils de Japhet; les divers peuples de l'Europe sortaient de cette souche, et toutes les langues européennes dérivaient du celtique gomérite; opinion qu'il put appuyer du célèbre géographe Cluvier, mort en 1623, lequel, ayant aperçu, dans la langue allemande, des rapports avec certaines racines celtiques, en avait inféré que le celtique était le principe de l'allemand.

Le ministre réformé Pelloutier, historien des Celtes, venu peu après dom Pezron, tout en traitant ce dernier de visionnaire, ne s'engagea guère moins que lui dans le système celtique, sauf qu'il ne remonta point jusqu'à Noé; car, du reste, il fit descendre des Scythes, ou anciens habitans du grand plateau

de l'Asie, nos aïeux les Celtes; puis, de ceux-ci, saus difficulté, les Germains, les Scandinaves, les Moskowites, les Polonais, les Angles, les Pictes, les Grecs, les Étrusques, les Umbres, les Siciliens, etc., etc.; et, par suite, il fit découler du celtique les langues principales de l'Europe, notamment le grec, le latin et l'allemand, sur la foi de quelques termes conformes, quant au son et à la signification dans les quatre langues, tels que ates πατερ vater, père; unt≤p, muster, mère; yonv, knie, genou, etc., etc. Le Brigant (1) se fit depuis un nom, en poussant les mêmes idées à l'extrême.

Dom Martin et dom Brezillac, dans leur estimable Histoire des Gaules, qui parut en 1752, apportèrent, sans être aussi tranchans, des secours nouveaux à l'appui d'un système d'antiquités pour notre langue, bien propre à rehausser le rang qu'elle occupe justement parmi les idiomes connus. Un tel système devait obtenir faveur chez nous. Aussi lui fit-on fête, lorsqu'il parut ou reparut ainsi dans tout l'appareil de la science, en pompeux cortége d'assertions, de notes, de dissertations nébuleuses. Nous vîmes alors pulluler les origines celtiques. Une académie celtique se forma, qui se recommanda par d'ingénieux et pénibles travaux ; et rien, enfin, ne manqua aux Celtes renouvelés, rien que les preuves trop souvent; car les contradicteurs, violens d'ailleurs, ne leur manquerent pas plus que les partisans fanatiques.

Entre les contradicteurs, nous citerons Barbazan. C'était un homme fort instruit, sans doute, des vieux monumens de notre langue, dont il eut le mérite de réveiller le goût trop abandonné dans le grand siècle, et peut-être poussé trop loin aujourd'hui. Trois volumes d'anciens fabliaux, précédés de curieuses préfaces, et suivis d'autres poésies gothiques, publiés par ses soins, en 1756, lui font honneur, ainsi qu'à M. Méon, qui les a très amplement reproduits et annotés, en 1808; mais, après avoir payé ce juste hommage à son investigation patiente, on peut lui reprocher, sans scrupule, sa manie anti-celtique, et surtout le ton amer et décisif qui domine sa discussion. Il traite légèrement, ou même dédaigneusement, les Etienne Pasquier, les Fauchet, les Borel, les Ménage, ce que personne n'a le droit de faire;

et

(1) Elémens de la langue des Celtes-Gomérites, ou Bretons, Strasbourg, 1779, in-8. Jean-Baptiste Bullet, académicien de Besançon, mort en 1775, auteur d'une Histoire et d'un Dictionnaire de la langue celtique, 3 vol. in-fol., 1754-59-70, doit aussi compter parmi les plus notables défenseurs de nos origines du langage, tirées du Celtique. Il y a bien des rêveries, sans doute, dans son savant Mémoire; mais il s'y rencontre également beaucoup de faits et de recherches qui méritent l'estime et doivent faire réfléchir les partisans du système anti-celtique.

non seulement il ne veut voir que du latin sans le moindre mélange de celtique dans le français primitif, mais il va jusqu'à refuser aux Celtes d'avoir eu des caractères d'écriture, bien qu'il admette qu'ils ont eu des carmes, ou poésies chantées par les Bardes la raison qu'il donne en faveur de cette dernière opinion ne vaut rien... « César, écrivant à Cicéron le jeune, assiégé » dans Trèves, dit-il, se servit de caractères grecs, pour n'être >> pas lu par les Celtes ou Gaulois. » Ceci prouverait tout au plus que ces peuples ne lisaient pas communément le grec; mais non qu'ils n'eussent aucun usage de caractères phoniques, au contraire. La religion des Gaulois leur défendait, il est vrai, l'écriture, et confiait chez eux les pensées à la mémoire. Ainsi l'avaient réglé leurs druides, jaloux de toute libre communication des esprits. Toutefois, il en faut conclure que les Gaulois pouvaient écrire ; car jamais loi n'interdit l'impossible. Barbazan cite encore le lexicographe celtique dom Pelletier, qui n'a trouvé aucun monument écrit en bas-breton avant l'an 1450; mais doit-on dire, sur ce témoignage, qu'il n'exista jamais de tels monumens plus anciens? Non; ce serait abuser de l'argument négatif dont il est si reconnu qu'il faut user sobrement. Ni Mabillon, ni dom de Vaines, cela est encore vrai, ne donnent, dans leurs tableaux diplomatiques, de caractères spécialement celtiques ou gaulois; mais les habitans de la Gaule ne pouvaient-ils avoir des caractères inconnus à Mabillon et à dom de Vaines? et, quand on voit, dans la diplomatique de ces illustres bénédictins, 350 formes d'A, y compris celle-ci, F, et cette autre A, 260 formes de B, y compris celle-ci, et cette autre 8, etc., etc., n'est-on pas fondé à déclarer téméraire l'opinion qu'aucune de ces formes, employées dans les Gaules depuis l'ère chrétienne, ne fut connue des anciens Celtes ou Gaulois?

L'académicien Duclos, étayé de Samuel-Bochart, établit, dans ses judicieux et élégans mémoires (1) sur les antiquités de notre langue, que les Celtes du Midi avaient reçu, des Phéniciens, des caractères analogues à ceux des Grecs. Qui empêche, d'autre part, que les Celtes du Nord n'aient eu des caractères runiques? En un mot, point d'association d'hommes sans langage; point de corps de nation sans langage écrit ou figuré, phonique ou symbolique: or, les Celtes formaient un grand corps de nation, composé de plusieurs membres soumis à des lois; donc, il est raisonnable de leur supposer la connaissance des caractères. La préoccupation anti-celtique de Barbazan, et son parti pris

(1) Mém. de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.

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