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DISCOURS D'OUVERTURE.

CONSIDÉRATIONS

SUR LES

GRANDS TRAVAUX PUBLICS MODERNES

ET SUR

leur influence sociale.

MESSIEURS,

Il y a trois ans, dans une séance anniversaire de la fondation de notre Société, comme celle d'aujourd'hui, j'ai eu l'honneur de vous entretenir de la question si importante du rôle que jouent les machines dans les Sociétés modernes et de leur influence sur la civilisation, et je crois avoir démontré que sans ces puissants moyens de production, l'humanité toute entière serait encore plongée dans l'état de barbarie qui a caractérisé les premiers âges du monde. Aujourd'hui je ferai un nouveau pas dans le même ordre d'idées et j'essayerai de prouver que les grands travaux modernes exécutés à l'aide du capital en vue de faciliter les

communications entre les différents peuples qui couvrent la surface du globe, contribuent énergiquement comme les machines, à répandre partout le bien-être et à accélérer le progrès des lumières; en un mot à rapprocher l'espèce humaine de ce but idéal de perfection vers lequel elle s'avance sans cesse sans espoir de l'atteindre jamais complétement.

Il y a aujourd'hui une vérité irrévocablement acquise, c'est que l'homme ne doit pas être continuellement absorbé par les préoccupations d'existence matérielle, c'est qu'il a besoin de loisirs, pour se livrer aux travaux de l'esprit, pour développer son intelligence et augmenter sans cesse cette somme de connaissances acquises, causes premières et parties intégrantes de la civilisation moderne. Or, pour qu'il ait des loisirs, il faut qu'il produise toutes les choses dont il a besoin avec le moins de travail possible et aussi de la meilleure qualité possible. Les hommes ont été ainsi naturellement conduits à adopter une division du travail entre les différentes parties du globe, telle, que chacune se livre de préférence à la production des choses les mieux appropriées à son sol, à son climat et aux aptitudes particulières de ses habitants, et se procure par voie d'échange celles qu'elle ne pourrait produire que de mauvaise qualité et à l'aide d'une quantité de travail trop considérable, relativement à leur utilité.

Cette division du travail s'est établie sans difficulté, pour la production d'une certaine quantité de matières premières et a été la conséquence naturelle de la diversité des climats; ainsi les habitants des régions tempérées ont laissé aux habitants des régions plus rapprochées de l'équateur, le soin de produire le coton, une partie de la laine et de la soie dont ils ont besoin pour s'habiller, le café, le cacao, les épices dont ils se servent pour augmenter la saveur de leurs aliments, mille autres produits qu'il serait trop long d'énumérer, et ils se procurent toutes ces choses en donnant en échange leurs produits manufacturés. Ainsi encore, les habitants des régions septentrionales se procurent par voie d'échange contre les produits de leur pêche, de leur chasse ou de leurs forêts, le vin qu'ils boivent et qui a été fait avec les raisins

des régions tempérées et une partie des objets manufacturés qu'ils consomment. Les pays les plus disgraciés de la nature ont leurs productions spéciales qui l'emportent sur les productions similaires des autres pays, et l'on a récemment découvert dans le Groenland dont le nom ne réveille parmi nous que des souvenirs d'ours blancs et d'immenses plaines de glace, le meilleur de tous les minérais pour fabriquer l'aluminium; on en transporte aujourd'hui aux Etats-Unis, 20 millions de kilogrammes par année. Au Spitzberg on a aussi trouvé d'abondantes couches de houille qui rendront tôt ou tard, d'importants services à la navigation; de sorte qu'il n'y a aucun point de la surface du globe qui ne puisse contribuer dans une mesure plus ou moins large, à l'accroissement du bien-être dans tous les autres.

Pour les objets manufacturés et les matières premières qui doivent être mises en œuvre immédiatement après leur récolte, la division du travail est moins tranchée et même on peut constater une tendance très-prononcée au remplacement de certaines matières premières par d'autres plus à la portée du manufacturier et fournissant des produits équivalents. L'exemple le plus remarquable de cette tendance est la fabrication du sucre dans laquelle on a remplacé la canne des régions tropicales, par la betterave des régions tempérées qui fournit un produit identique. On peut cependant constater en même temps certaines tendances contraires aux précédentes et qui consistent à remplacer des matières premières que l'on a sous la main par d'autres qui coutent moins quoiqu'elles viennent de loin; ainsi l'aloës des contrées chaudes, a remplacé dans une proportion considérable, le chanvre des régions tempérées, dans la fabrication des câbles, et la laine dans la fabrication des tapis; ainsi encore, les soies de la Chine et du Japon ont remplacé en grande partie les soies. françaises dans la fabrication de ces riches tissus que nos voisins ont portée à un si haut degré de perfection.

Il existe donc dans nos sociétés modernes deux courants contraires et très-énergiques. L'un porte les peuples à se partager entr'eux la production des choses nécessaires à tous, de telle

façon que chacun produise celles qu'il peut faire le mieux et avec le moins de travail possible; l'autre, pousse chacun d'eux à s'approprier la production de toutes choses par la voie des produits similaires, quand les produits identiques sont impossibles. Ces deux tendances opposées sont également favorables au développement du bien-être et de la civilisation; la première est indiquée par la nature même de la surface terrestre qui ne peut fournir partout les mêmes produits, la seconde est, dans une plus large mesure, le résultat de l'activité intellectuelle de l'homme moderne; mais cette dernière ne peut produire tous les bons effets qu'elle contient en germe, qu'en renonçant au système protecteur qui consiste à condamner législativement tous les habitants d'un pays à donner à quelques-uns d'entr'eux une plus grosse part de ce qu'ils possèdent pour se procurer certains produits utiles, que si on les avait laissés libres de les acheter ailleurs; ce qui revient, quand un manufacturier n'est pas suffisamment habile, à obliger ses concitoyens à lui donner une part de leur fortune pour l'empêcher de se ruiner ou pour l'enrichir.

Le communisme protectionniste étant écarté, la tendance à produire toutes choses dans le même lieu, au moins dans la mesure du possible, est non seulement irréprochable, mais elle constitue l'un des plus énergiques stimulants du progrès, et c'est & elle que nous devons la plupart des merveilleuses inventions industrielles du XVIIIe et du XIXe siècles; elle est d'accord avec les idées de liberté et d'égalité qui nous sont chères, et toute législation nouvelle doit avoir pour but de supprimer les entraves qui l'empêchent de prendre tout son essor et de répandre sur l'humanité tous les bienfaits qui sont encore en elle à l'état latext.

Dans cet immense travail d'appropriation de tout ce qui existe à la surface du globe, aux besoins de l'homme, il devient de plus en plus évident que le rôle le plus important appartient à l'intelligence et au capital, et que rien de grand ne peut plus s'accomplir sans que la plus complète liberté d'action soit laissée à ces deux puissants moyens de production. En effet, pendant cette

longue suite de siècles qui sépare l'époque de l'antique civilisation romaine, de l'époque actuelle, la force brutale a regné presque sans partage, les travaux de l'intelligence n'ont joui que de quelques lueurs de liberté péniblement conquises, le capital a été enlevé aux producteurs par les puissants de la terre, à mesure qu'il se formait, et pas un progrès notable dans les conditions matérielles d'existence des hommes, n'a été accompli; tout ce qui s'est fait de bon, de grand, tout ce qui constitue notre supériorité sur les sociétés du moyen âge, date de l'époque où l'esprit humain a été affranchi et où le capital a été soustrait, au moins en grande partie, aux rapines des gouvernants. Tout le progrès social accompli peut donc se résumer en deux mots, propriété et liberté, et il y a la même différence entre l'industrie qui jouit de la liberté du travail et celle qui en est privée, qu'entre l'homme qui a la libre disposition de tous ses membres et celui qui est chargé de chaines.

Pour vous donner une idée un peu nette de la différence qui existe entre une industrie aidée du capital et de la liberté, et une autre qui ne l'est pas, je comparerai le mode de construction du canal Mahmoudié entre Alexandrie et le Nil à celui du canal de Suez, surtout dans sa dernière période. Dans le premier cas, le travail était imposé à de malheureux fellahs ramassés de force dans les villages voisins et amenés sur les lieux à coups de bâton. Lå ils ne trouvaient ni outils, ni approvisionnements, ils étaient obligés de creuser la terre presque avec leurs ongles et de se nourrir d'une poignée de haricots qu'on leur distribuait comme à des animaux ; aussi une multitude de ces malheureux périrent de fatigue et de faim. Dans le second cas, au contraire, des ouvriers libres, de toutes provenances, ont été réunis sur le tracé du canal, y ont trouvé des gîtes préparés d'avance, des vivres en abondance, une bonne organisation médicale et un immense matériel de machines qui les dispensaient de la partie la plus pénible de la tâche; de plus, ils ont touché de bons salaires et ont pu faire des économies sans se priver de ce qui était nécessaire à l'entretien de leur santé. Voilà ce que peut accomplir

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