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Ne cherchons point aujourd'hui d'autre consolation, chrétiens vous ne verrez pas dans cet éloge de ces événements éclatants, où l'orateur peu instruit de son ministère, vient dans ce lieu saint étaler avec art la figure d'un monde profane; et jusque sur le tombeau fatal, donne du corps et de la réalité au fantôme que le siècle adore.

Je n'ai à vous entretenir ici, Messieurs, ni de ces négociations importantes, qui, arrachant le pontife du sanctuaire, le rengagent dans le tumulte du siècle, et sous le spécieux prétexte du bien public l'autorisent à violer ses devoirs particuliers; ni de ces intrigues pénibles, où l'on voit les interprètes des secrets du ciel devenir les dépositaires des mystères des cours, les sentinelles de Jérusalem ne veiller presque plus qu'à la défense de Jéricho, et les docteurs des tribus d'Israël se glorifier d'être les législateurs des nations.

L'histoire de notre pieux prélat n'est mêlée qu'avec celle de son diocèse : ses jours ne sont marqués que par les fonctions de son ministère; ses emplois se trouvent tous renfermés dans ses devoirs; et pour savoir ce qu'il a fait, il suffit de savoir ce qu'il a dû faire.

Nous tirerons donc du sanctuaire même les ornements sacrés, qui vont servir d'appareil aux funérailles de l'oint du Seigneur; nous ne pren

drons que sur l'autel les fleurs que nous allons jeter sur le tombeau du prince des prêtres. Le siècle qui n'eut jamais de part à ses actions, n'en aura point aussi à ses louanges. Nous sortirons de l'Egypte pour rendre les devoirs suprêmes à cet autre Jacob: mais les pompes de Pharaon ne viendront plus comme autrefois jusque dans une terre sainte, honorer les cendres et la mémoire des patriarches.

Ce n'est pas que j'ignore là-dessus les vaines pensées des mondains. Admirateurs insensés de cette vicissitude de fantômes, sur quoi roule tout le siècle présent, il leur faut des spectacles pour les frapper, de vastes projets, des entreprises éclatantes, des emplois tumultueux. On a toujours chez eux des vertus obscures, quand on n'a pas des vices glorieux; et ce n'est guère qu'aux grands défauts, qu'ils savent accorder le nom de grand mérite.

L'innocence des mœurs, la bonne foi, l'affabilité, la clémence, l'application à ses devoirs, la miséricorde, ont je ne sais quoi de tranquille et d'uni, qui ne donne rien aux spectateurs. Les merveilles de la foi n'ont pas le même privilége que les illusions des sens. Ce qui sert de spectacle à Dieu et aux anges, paroît à peine digne de l'attention des hommes. On diroit que pour mourir avec honneur, il faut avoir su être autre chose

qu'homme de bien. La solennité des éloges veut presque être soutenue par le faste du héros qu'on loue; et il semble que l'orateur n'a jamais plus besoin d'art, que lorsqu'il n'a qu'à louer la vérité et la justice.

Telle est la prudence du siècle, je le sais: mais viens-je ici pour donner du poids aux coutumes d'Egypte, durant la solennité même de l'immolation de l'Agneau? viens-je par un discours profane, suspendre l'attention des ministres gravement assemblés autour de l'autel et appliqués au sacrifice, ou aider leur recueillement avec la parole évangélique? viens-je mêler aux chants lugubres de la triste Sion les cantiques de Babylone? viens-je en un mot, honorer mon ministère, édifier votre piété, ou respecter vos erreurs, et dégrader l'honneur du sacerdoce? Ah! ce n'est pas ici un de ces préludes artificieux, où l'orateur semble acheter le droit d'être tout profane, en promettant d'abord qu'il ne dira rien que de saint, et où l'on ne voit de chrétien, que des précautions pour ne l'être pas. Rien de ce qui va s'éteindre au tombeau, ne brillera dans cet éloge funèbre.

Ce ne sera pas même une histoire inconnue. Ce que vous avez vu, entendu, et touché presque de vos mains, ce sera ce que nous annoncerons. Je parle d'un pasteur qui n'a jamais perdu son

troupeau de vue. L'intégrité de ses mœurs, l'application aux fonctions de son ministère, la profusion de ses trésors, qui vont faire le sujet de cet éloge, ont mille fois servi de matière aux vôtres : et s'il étoit permis au peuple affligé qui m'écoute, de le dire ici à ma place, il diroit comme moi, que sa vie fut toujours réglée par la loi: Ambulavit pes meus iter rectum à juventute meâ ; que son autorité fut toujours utile à l'Eglise : Zelatus sum bonum; et que ses richesses furent toujours prodiguées aux pauvres : Et venter meus conturbatus est. Représentons-le donc comme un homme juste et irréprochable, comme un pontife fidèle, et comme un père charitable.

C'est l'éloge que je consacre à la mémoire de messire Henri de Villars, archevêque et comte de Vienne, primat des primats. Esprit saint, mettez dans ma bouche cette parole efficace, ce glaive à deux tranchants, qui en faisant le discernement des pensées du Juste, aille faire de douloureuses séparations dans le cœur du pécheur, et qui n'élève ce pieux et lugubre monument à la religion, que sur les débris de l'idole du monde.

PREMIÈRE PARTIE.

L'INNOCENCE des mœurs, je le sais, n'est pas toujours le fruit de la piété des ancêtres, ni des secours de l'éducation. Il y a des enfants de co

lère, des cœurs si profondément gâtés, qu'on les voit déjà méditer l'iniquité parmi les leçons de vertu qu'ils reçoivent de leurs pères, et qui ne trouvant autour d'eux que des objets saints, savent s'en former de criminels de leur propre fonds.

Je sais que la sagesse vient d'en-haut et descend du Père des lumières, qu'elle ne se recueille pas sur la terre comme la succession d'un père foible et mortel; et que la piété est le don d'un Esprit qui souffle où il veut, et non pas le fruit d'une chair qui ne sert de rien '.

Cependant il faut avouer que l'ordre de notre naissance donne presque le premier branle à celui de nos destinées; qu'avec le sang qui nous fait ce que nous sommes, nos pères font d'ordinaire passer jusqu'à nous les impressions de ce qu'ils ont été ; et que dans les semences de vie que nous tenons d'eux, nous trouvons des ascendants secrets qui nous font vivre comme eux. Lorsque la racine est sainte, dit l'Apôtre, les branches le sont aussi; et il est mal aisé que d'une masse pure et brillante, on ne tire que des portions viles et flétries 2. N'en cherchons pas des exemples hors de l'histoire de l'homme juste que nous louons. Sorti d'une famille où la probité, l'honneur, et je ne sais quelle élévation d'ame, coulent avec le

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