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joignoit une petite piece qu'après les huit ou dix premieres représentations; ce qui donnoit lieu de croire que la piece commençoit à tomber. Pour prévenir ces jugemens, quelquefois mal fondés mais toujours défavantageux, M. de la Mothe fit jouer une petite piece dès la premiere repréfentation de Romulus. Cet exemple a été fuivi depuis par les auteurs qui défiroient de voir l'ufage établi, mais qui craignoient de commencer, de peur qu'il n'en réfultât un mauvais préjugé pour leur drame.

Avant que les Pantins euffent regné à Paris, la mode avoit mis un bilboquet entre les mains de la plupart des Parifiens. Cette niaiferie monta même fur le théâtre, & l'on vit, il y a environ cinquante ans, la Defmares s'en amufer au milieu de fes rôles de fuivante, au grand contentement du parterre.

Des anecdotes, plus intéreffantes pour notre fcène dramatique, font les changemens arrivés depuis quelques années à la comédie Françoife. Ces changemens ont été très-bien expofés dans un difcours imprimé dans l'Etat de la Mufique du Roi. Il a manqué, y eft-il dit, à Corneille, à Racine, & à Moliere, cette vérité de repréfentation, fi propre à favorifer le fuccès des drames. Le péu de goût ou le défaut de zèle de leurs acteurs, déroba aux yeux de leurs contemporains les plus grandes beautés de leurs ouvrages: une scène embarraffée de fpectateurs toujours frivoles & attentifs, des perfonnages revêtus d'habillemens bizarres, & rarement convenables à leurs rôles détruifoient cette illufion précieufe, à laquelle l'intérêt eft fi étroitement lié. De nos jours même, nous avons vu les femmes des confuls Romains

peu

& des héros Grecs, paroître avec des habits François, & ne différer de nos petites maîtreffes, que par une coëffure de mauvais goût, que le caprice de l'actrice imaginoit, & qu'elle faifoit fouvent contraster avec fon rôle. Les mêmes confuls Romains & les mêmes Grecs, couverts de la cuiraffe antique, & chauffés du cothurne, portoient nos chapeaux François, furmontés d'un panache qui rendoit encore cette coëffure plus barbare, & la difparate plus choquante. Enfin Mademoiselle Clairon & M. Le Kain, éclairés & conduits par l'amour de leur talent, ont introduit le coftume, dont la néceffité étoit fi évidente. Les paniers & les chapeaux ne paroiffent plus dans le tragique s'ils n'y font effentiels. On deffine les habits d'après les antiques. Nos plus célèbres peintres font confultés avant nos marchandes de modes & nos tailleurs. Ce changement a paru fi avantageux, que les autres fpectacles l'ont adopté. Les comédiens de province en ont également fenti les avantages. L'émulation s'eft ranimée entre les différentes troupes, à la faveur de cette utile nouveauté. Le goût du public s'eft réveillé; & jamais nos théâtres n'ont été fuivis avec plus d'affluence. On a cherché à jetter de la magnificence dans la repréfentation des pieces; on a multiplié les gardes & les foldats qui environnent ou fuivent les perfonnages tragiques; on les a revêtus avec décence, & toujours conformément à la vérité hiftorique. Les coups de théâtre fe font avec plus de précifion, de fafte & de vraisemblance. Les dénoûmens s'exécutent fans embarras & fans ridicule. Cependant il manquoit encore cette liberté de la fcène, fi long-temps defirée par les maîtres du théâ tre. En 1760, un amateur a eu la générofité de

procurer à fa nation, ce qu'elle fembloit fouhaiter inutilement. Un théâtre vuide de fpectateurs, ouvre une nouvelle carriere au génie des auteurs dramatiques & à l'art des comédiens. Tel eft l'état actuel de la comédie-Françoise, de ce spectacle où tant de chefs d'œuvres, dans tous les genres, étoient repréfentés avec fi peu de vérité & d'illufion; où la même décoration fervant à la fois au tragique & au comique, étoit tantôt un temple, & tantôt un falon; tantôt un veftibule commun, & tantôt un cabinet particulier. Le roi, toujours attentif aux progrès des arts, vient d'accorder à fes comédiens l'ufage de quelques décorations. Tout concourt en un mot à rendre déformais notre fcène digne de la beauté de nos poèmes. Quels avantages ne doivent pas réfulter de ces différentes réformes? Les auteurs, dans les plans de leurs ouvrages, ne feront plus intimidés & refroidis par la crainte des contre-temps qu'entraîne inévitablement une exécution rendue difficile par le peu d'étendue de la fcène, & l'embarras qu'y jettoit le préfence des fpectateurs. Il n'en réfulte pas moins d'avantages pour le comédien intelligent; un efpace plus étendu lui permet, tra de varier fes attitudes, de changer fes pofitions, de donner plus de naturel & de vivacité fes mouvemens : en un mot, le génie de l'acteur pourra peindre celui du poète; peut-être même la force de l'illufion théâtrale pourra-t-elle faire oublier au fpectateur l'auteur & le comédien. M. de Voltaire avoit fi bien fenti l'utilité d'un théâtre plus étendu, qu'il eft peu de préfaces où il n'en foit queftion. Il parle encore d'un établissement à la gloire des arts: c'eft d'élever en l'honneur des grands hommes qui les ont illuftrés, des monu

mens qui tranfmettent leur mémoire à la poftérité. Ce projet commence à s'exécuter; les comédiens jaloux de perpétuer parmi eux d'une manière plus particulière, le fouvenir des pères de leur théâtre, vont orner leur nouvelle falle d'af femblée, des buftes de ces illuftres auteurs: ils l'ont déja décorée du portrait du roi, que fa majefté leur a donné.

Combien de fpectateurs qui fe prétendent les juges des pièces de théâtre, & reffemblent à ce vieux magiftrat dont on compte l'anecdote fuivante! Ce grave perfonnage n'ayant jamais été à la comédie, s'y laiffa entraîner par une compagnie, à caufe de l'affurance qu'elle lui donna, qu'il feroit très-content de l'Andromaque. Il fut très-attentif au fpectacle, qui fut terminé par les Plaideurs. En fortant, il trouva l'auteur; & croyant lui devoir un compliment, il lui dit: « Je fuis très-content, "monfieur, de votre Andromaque; c'eft une jolie piece: je fuis feulement étonné qu'elle finiffe fi gaiement. J'avois d'abord eu quelqu'envie de pleurer; mais la vue des petits chiens m'a fait rire. Pourquoi eft-on porté à rire fur le compte d'un auteur qui n'a pas réuffi au théâtre? « C'est par la » même raifon que la chûte d'un homme qui paffe fur un endroit gliffant, excite la rifée de ceux qui le regardent.

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- Une de ces fociétés de beaux efprits, dont Paris eft rempli, avoit élevé jufqu'aux nues une pièce nouvelle, qui tomba à la premiere repréfentation. On étoit le lendemain triftement affemblé fans dire mot. Enfin, une jolie femme qui, la première, avoit donné fon fuffrage, rompit le filence. Je ne conçois pas, dit-elle, pourquoi on ne rejoue pas cette pièce; car elle n'a pas été fif

flée?« Parbleu! madame, je le crois bien, répondit brufquement un étranger; & comment vou » lez-vous que l'on fiffle quand on bâille

Un auteur venoit de voir tomber sa pièce en plein théâtre. Remis un peu de cette chûte, il alla voir l'actrice qui avoit été chargée du principal rôle il lui dit, dans l'efpérance d'obtenir quelques mots de confolation, que le public n'étoit pas toujours jufte; que fes amis d'ailleurs avoient tort de l'avoir tant preffé, & que la poire n'étoit point encore mûre....« Oh mûre ou non, re» prit l'actrice, elle eft pourtant d'abord tombée. »

Un auteur tragique, qui n'avoir pas été plus heureux, fit un faux pas en fortant du fpectacle. Quelqu'un s'empreffa de le foutenir. Le pauvre auteur, qui penfoit toujours à fa pièce, dit à l'homme charitable : « Parbleu ! monfieur, c'eft » ma pièce qu'il falloit foutenir, & non pas moi "

On rapporte auffi de Roi, poëte lyrique, que fortant de la comédie, il fit une chûte, parce qu'il s'étoit embarraffé dans la robe d'une dame. Com me celle-ci lui fit des excufes : » Il n'y a pas de mal, lui dit Roi, les auteurs font accoutumés à tom>>ber ici ".

Un poëte étoit à la représentation d'une de fes piéces dont il expliquoit le fujet à un homme de la cour. » La fcène, lui difoit-il, eft en Cappadoce, » il faut fe transporter dans ce pays-là, & entrer dans le génie de la nation". Vous avez raison répondit le courtifan, je crois que votre pièce seroit bonne à jouer fur les lieux.

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Quelques perfonnes faifoient malignement courir le bruit qu'Alzire, tragédie de M. de Voltaire, n'étoit pas de cet auteur: Je le fouhaiterois de tout mon cœur, dit un amateur éclairé;-&pourquoi

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