صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Pontevreda qui voit fon compagnon défarmé & en danger, pique auffitôt fon cheval pour le fecourir. L'Indien l'attend de pied ferme, quoique perdant tout fon fang par les trois larges plaies que lui avoit fait Valdenebro. Pontevreda lui en fait fucceflivement trois autres de la même manière, & avec le même fuccès; & deux cavaliers fe trouvent défarmés & mis en fuite par un feul de ces hommes qu'ils jugent à peine dignes de leurs chiens. Un moment après, l'Indien tomba mort, faifi de deux lances, de deux épées & de deux poignards. Non-feulement on peut dire que jamais guerrier ne mourut plus glorieufement les armes à la main; mais, par une bizarrerie dont l'hiftoire n'avoit peut-être pas produit d'exemple, on vit les victorieux chercher leur falut dans la fuite, & le vaincu périr avec toutes les marques de la victoire. Hift. de S. Domingue.

Un fait cité dans le London Cronicle, doit nous donner une étrange idée des fauvages du Canada. Deux partis d'Indiens, de tribus différentes, fe rencontrèrent par hafard fur les bords d'une rivière. L'un d'eux demanda à ceux du parti oppofé, qui ils étoient, & ce qu'ils faifoient? Ceux-ci fe nommèrent, & dirent qu'ils alloient à la chaffe des caftors, & firent à leur tour la même queftion aux autres, qui répondirent que leur nom étoit une chofe indifférente, mais qu'ils étoient chaffeurs d'hommes. Eh bien! leur répliqua l'autre parti, nous fommes des hommes; n'allez pas en chercher plus loin. Les deux partis convinrent de defcendre dans une petite ifle de la rivière; ils détruifirent leurs canots pour s'ôter les moyens de retraite, & fe mirent à combattre jufqu'à ce qu'enfin il ne refta plus qu'un petit nombre des chaffeurs

de caftors, & un feul chaffeur d'hommes, à qui on laiffa la vie, pour qu'il allât apprendre à ceux de fa nation qu'il avoit rencontré une tribu d'Indiens qui chaffoient mieux les hommes qu'eux

mêmes.

On a auffi rapporté le trait fuivant, pour prouver que l'Américain n'eft pas auffi ftupide que le fier Européen eft porté à le croire. Un voyageur Efpagnol avoit rencontré un Indien au milieu d'un défert : ils étoient tous deux à cheval. L'Efpagnol qui craignoit que le fien ne pût faire la route, parce qu'il étoit très-mauvais, demanda à l'Indien, qui en avoit un jeune & vigoureux, de faire un échange. Celui-ci refufa, comme de raifon. L'Espagnol lui cherche une mauvaise querelle. Ils en viennent aux mains; mais l'Efpagnol,bien armé, fe faifit facilement du cheval qu'il defiroit, & continue fa route. L'Américain le fuit jufques dans la ville la plus prochaine, & va porter fes plaintes au juge. L'Efpagnol eft obligé de comparoître & d'amener le cheval; il traite l'Indien de fourbe, affirme que le cheval lui appartient, & qu'il l'a élevé tout jeune. Il n'y avoit point de preuves du contraire; & le juge perplex alloit renvoyer les plaideurs hors de cour & de procès, lorfque l'Indien s'écria: Le cheval eft à moi, & je le prouve. Il ôte auffitôt fon mantean, & en couvre fubitement la tête de l'animal. Puifque cet homme affure avoir élevé ce cheval, commandezlui, s'adreffant au juge, de dire duquel des deux yeux il eft borgne. L'Efpagnol ne veut point pa roître héfiter, & répond à l'instant: De l'œil droit. L'Indien découvre la tête du cheval: il n'eft borgne, dit-il, ni de l'œil droit ni de l'œil gauche. Le juge, convaincu par une preuve fi ingénieufe &

fi forte, lui adjugea le cheval, & l'affaire fut terminée.

[ocr errors]

AMITIÉ.

OH! mes amis, il n'y a plus d'amis. Le philofophe qui tenoit ce propos, confidéroit ce qui fe paffe dans les grandes villes, où l'on voit rarement naître les fortes paffions de l'amour & de l'amitié; parce que chacun diftrait par fes occupations & fes plaifirs, n'y reçoit que de foibles impreffions de ce qui l'environne. On rencontre néanmoins quelquefois, fur ces vaftes fcènes, des cœurs généreux qui facrifient à la tendre amitié. pl

M. S. *** perd un ami qui, en mourant, laisse des dettes & deux enfans en bas âge, fans biens. L'ami, qui lui furvit, retranche fon train, fon équipage, & va fe loger dans un fauxbourg, d'où tous les jours il venoit, fuivi d'un laquais, au palais, & y rempliffoit les devoirs de fa charge. Il eft auffitôt foupçonné d'avarice, de mauvaise conduite; il eft en butte à toutes les calomnies. Enfin, au bout de deux ans M. S*** reparoît dans le monde : il avoit accumulé une fomme de vingt mille liv., qu'il place au profit des enfans de fon ami. C'eft M. Sedaine qui nous rapporte ce trait dans fon Difcours fur les qualités qui conftituent la beauté de l'ame. On eft fâché qu'il ne nous ait pas fait connoître un homme qui honore autant l'amitié.

47 Cette action héroïque d'amitié nous en rappelle une autre à peu-près femblable, & dont l'hiftoire ancienne fait mention. Eudamidas de Corinthe touchoit à fa dernière heure, & lailloit fa mère & fa fille expofées à la plus cruelle indigence. Il n'en fut point allarmé, il jugea des cœurs d'Arethus &

de Charixene, fes fidèles amis, par le fien propre. Il fit ce teftament, qui ne doit jamais être oublié : » Je lègue à Aréthus, de nourrir ma mère, & de » l'entretenir dans fa vieilleffe: à Charixene, de » marier ma fille, & de lui donner la plus groffe » dot qu'il pourra; & au cas que l'un des deux » vienne à mourir, je fubftitue en fa part celui qui furvivra « Ces deux amis du vertueux Eudamidas fe montrèrent dignes de leur ami. Aréthus maria la fille d'Eudamidas le même jour que la fienne, & leur donna une égale portion de fon bien. Le pinceau du célèbre Pouffin a confacré cette action fublime. Il a peint Eudaimidas dans le moment où il n'a plus qu'un refte de vie, & où il dicte fes dernières volontés.

[ocr errors]

La véritable amitié n'infpire que des fentimens généreux. Callifthènes d'Olynthe, qui avoit fuivi Alexandre dans fes conquêtes, fut accufé de trahifon auprès de ce prince, qui le fit mutiler, & le condamna à être enfermé dans une cage de fer à la fuite de l'armée. Lyfimaque, l'un des capitaines d'Alexandre, & l'ami fidèle de Callifthènes, ne difcontinua cependant point de venir le voir. Ce philofophe, après l'avoir remercié de cette attention courageufe, le pria, au nom des dieux, que ce fût pour la dernière fois. Laiffez-moi, lui ditil, foutenir mes malheurs, & n'ayez pas encore la cruauté d'y joindre les vôtres. «Je vous verrai tous les jours, tépondit Lyfimaque ; fi le roi vous fa» voit abandonné des gens vertueux, il n'auroit plus de remords, & commenceroit à vous croire coupable. Oh! j'espère qu'il ne jouira pas du plaifir de voir que la crainte d'encourir la dif» grace, m'a fait abandonner un ami«.

دو

[ocr errors]

Le comte d'Aubigné, aïeul de madame de Main

tenon, fit paroître cette même générofité dans les fentimens. Henri IV lui reprochoit de ce qu'il fe montroit l'ami du feigneur de la Tremouille, difgracié & exilé de la cour. » Sire, lui répondit d'Aubigné, M. de la Tremouille eft affez malheu» reux, puifqu'il a perdu la faveur de fon maître ; » j'ai cru ne devoir point l'abandonner dans le » temps qu'il avoit le plus befoin de mon amitié «. On aimera à voir dans les lettres ci-après, de Voiture & de l'abbé Coftar, un trait de cette confiance & de cette aimable franchise qu'infpire la fincère amitié. Voiture étoit un des beaux efprits du fiècle de Louis XIII. Ayant un jour perdu tout fon argent au jeu, il fe trouva avoir befoin de deux cens piftoles; il écrivit en conféquence à l'abbé Costar, fon fidèle ami: » Je perdis hier tout mon argent, » & deux cens piftoles au-delà, que j'ai promis » de rendre dès aujourd'hui. Si vous les avez, ne » manquez pas de me les envoyer; fi vous ne les › avez pas, empruntez-les : de quelque façon que » ce foit, il faut que vous me les prêtiez ; & gar » dez-vous bien de fouffrir que quelqu'autre vous » enlève fur la moustache cette belle occafion de » me faire plaifir; j'en ferois fâché pour l'amour » de vous: comme je vous connois, vous auriez » de la peine à vous en confoler bientôt; afin d'é

[ocr errors]

viter ce malheur, vendez plutôt ce que vous » avez.... Vous voyez comme l'amour eft impé> rieux : je prends un certain plaifir à en ufer de » la forte avec vous; & je fens bien que j'en aurois » encore un plus grand, fi vous en ufiez ainfi avec si môi; thais vous êtes un poltron. Jugez, s'il ne » faut pas que je m'affure bien de vous... Je don»nerai ma promeffe à celui qui m'apportera votre argent. Bon jour ".

« السابقةمتابعة »