صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

»ment Séleucus, qu'un Dieu favorable changeât » la paffion de mon fils, & fubftituât la reine à la » place de votre femme! non-feulement je facri«fiefois mon époufe, mais, je donnerois tout mon royaume pour fauver un fils qui m'eft fi cher." Le roi prononça ces dernières paroles avec une fi grande effufion de cœur, qu'Erafiftrate ne balança plus à découvrir la vérité. « Seigneur, dit» il à Séleucus, en lui tendant la main, vous n'a» vez ici befoin que de vous-même pour guérir » votre fils. Il et amoureux de Stratonice

[ocr errors]

; il

languit; il brûle; il meurt pour elle. Voi» là fon mal; le remède est entre vos mains: » voyez ce que vous pouvez faire ». Ce père attaché aux jours de fon fils, ne balança point; iĺ affembla le confeil de la nation, & déclara le deffein qu'il avoit d'établir Antiochus roi des hautes provinces de l'Afie, & de le marier à Stratonice. Ce fait, tiré de l'hiftoire de Séleucus, roi des Syriens, a fourni le fujet d'un intermède intitulé: le Médecin de l'Amour, joué, pour la première fois, fur le théâtre de l'opéra-comique, en 1758.

Il y a dans le Traité de l'Éducation de M. Rouffeau un trait qui prouve combien l'amour a de pouvoir fur les inclinations des jeunes gens. « J'étois, dit l'auteur, à Venife en vifite chez le gouverneur d'un jeune Anglois. C'étoit en hyver nous étions autour du feu. Le gouverneur reçoit fes lettres de la pofte. Il les lit, & puis en relit une tout haut à fon élève. Elle étoit en Anglois : je n'y compris rien; mais durant la lecture, je vis le jeune homme déchirer de très-belles manchettes de point qu'il portoit, & les jetter au feu l'une après l'autre, le plus doucement qu'il put, afin

qu'on ne s'en apperçût pas : furpris de ce caprice, je le regarde au vifage & crois y voir de l'émotion: mais les fignes extérieurs des paffions, quoiqu'affez femblables chez tous les hommes, ont des différences nationales, fur lefquelles il eft facile de fe tromper. Les peuples ont divers langages fur le vifage, auffi-bien que dans la bouche. J'attends la fin de la lecture, & puis montrant au gouverneur les poignets nuds de fon élève, qu'il cachoit pourtant de fon mieux; je lui dis, peut-on fçavoir ce que cela fignifie? Le gouverneur voyant ce qui s'étoit paffé, fe mit à rire, embraffa fon élève d'un air de fatisfaction, & après avoir obtenu fon confentement, il me donna l'explication que je fouhaitois. Les manchettes, me dit-il, que M. John vient de déchirer, font un préfent qu'une dame de cette ville lui a fait il n'y a pas longtemps. Or, vous faurez que M. John eft promis dans fon pays à une jeune demoiselle pour laquelle il a beaucoup d'amour, & qui en mérite encore davantage. Cette lettre eft de la mère de fa maîtreffe, & je vais vous en traduire l'endroit qui a caufé le dégât dont vous avez été témoin. «Luci ne quitte point les manchettes du Lord » John. Miff Betti Holdam vint hier paffer l'après» midi avec elle, & voulut à toute force travailler » à fon ouvrage. Sachant que Luci s'étoit levée plutôt qu'à l'ordinaire, j'ai voulu voir ce qu'elle faifoit, & je l'ai trouvé occupée à défaire tout » ce qu'avoit fait hier Miff Betti. Elle ne veut pas qu'il y ait dans fon préfent un feul point d'une » autre main que de la fienne. »

دو

[ocr errors]

دو

"

Nos anciens étoient perfuadés que l'amour perfectionnoit les ames bien nées, & qu'il étoit entrepreneur de grandes choses. Auffi étoit-il de l'effence

de

de l'ancienne chevalerie d'avoir fa dame à qui, comme à un être fuprême, on rapportoit tous fes fentimens, toutes fes penfées, toutes les actions. Ah! fi madame me voyoit, difoit Fleuranges en montant le premier à l'affaut.

On difoit à Zénon que l'amour était indigne d'un philofophe. Si cela étoit vrai, répondit Zénon, le fort des belles feroit bien à plaindre, elles ne feroient aimées que des fots..

AMOUR CONJUGAL.

ON demandoit à une dame Romaine qui étoit reftée veuve dans le printems de fes jours, pourquoi elle ne fe remarioit point? C'est que mon mari est toujours préfent pour moi.

Pauline, femme de Sénèque, ne voulut point furvivre à fon mari dont Néron avoit ordonné la mort, & fe fit, à fon exemple, ouvrir les veines. Mais Néron ayant envoyé des gens pour l'obliger à permettre qu'on lui arrêtât le fang, elle porta le refte de fa vie fur fon visage une pâleur, dit Tacite, qui fut un glorieux témoignage de fon chafte amour pour fon mari.

Sinorix & Sinatus, au rapport de Plutarque étoient deux des plus puiffans Seigneurs du pays de Galatie. Camma, femme du dernier, n'étoit pas moins recommandable par fa vertu que par fa beauté. Sinorix en devint amoureux. Il connoiffoit la févérité de fes mœurs, & ne pouvoit fe Aatter d'aucun retour. Il a recours au crime; il affaffine Sinatus. Quelque temps après il demande Camma en mariage, & fait agir fes parens. Cette veuve infortunée ne rejerte pas tout-à-fait la propofition, elle fait feulement quelque diffiTome I.

C

culté. Mais enfin, on convient du jour pour la cé rémonie du mariage Camma fe rend devant l'autel de Diane dont elle étoit prêtreffe. Alors ayant, fuivant l'ufage, répandu devant la déeffe un peu d'un breuvage qu'elle avoit préparé, elle en but & donna le reste à Sinorix. Auffi-tôt qu'il en eut avalé ; je t'appelle à témoin, dit-elle, en s'adreffant à la déeffe, que fi j'ai furvécu à mon mari ce n'a été que pour venger fa mort. Pour toi, Sinorix, le plus méchant de tous les hommes, donne ordre que tes amis te préparent un tombeau au lieu d'un lit nuptial. If mourut le même jour & Camma le lendemain.

Conrad III., qui avoit été élu empereur en 1138, affiégeoit Weinfperg, petite ville de l'état du duc de Wittemberg en Allemagne. Ce duc, qui avoit été un des oppofans à l'élection de Conrad, fe tenoit avec fa femme renfermé dans cette ville. Il en foutint le fiège avec une bravoure héroïque, & ne céda qu'à la force. L'empereur irrité, vouloit mettre tout à feu & à fang; cependant il fit grace aux femmes, & leur permit de fortir & d'emporter avec elles, tout ce qu'elles avoient de plus précieux. L'époufe du duc profita auffitôt de cette permiflion pour fauver les jours de fon mari. Elle le prit fur fes épaules. Toutes les femmes de la ville en firent autant, & l'empereur les vit fortir ainfi chargées, la Ducheffe à leur tête. Il ne put tenir contre un fpectacle fi intéreffant, & cédant à l'admiration qu'il lui caufoit, il fit grace aux hommes en faveur des femmes. Laville fut fauvée.

Un Charles Emmanuel, duc de Savoie, qui avoit des prétentions fur la ville de Genève, tenta au commencement du dernier fiècle de s'en em

parer par furprise. Il la fit efcalader de nuit; mais le fuccès ne répondit point à fes vûes; l'alarme commença avant qu'il y eût un affez grand nombre d'affiégeans fur les murailles. Les citoyens coururent aux armes, & repoufferent les ennemis trop foibles pour leur réfifter. Ceux qui tomberent entre leurs mains, furent livrés à une mort ignominieufe. Du nombre de ces prifonniers étoit un officier de marque. La nouvelle de fon malheur eft portée à fon époufe: cette dame étoit enceinte elle vole vers le lieu où fon mari va ; périr, & demande à l'embraffer pour la derniere fois. On lui refufa cette grace, & l'officier fut. pendu fans qu'elle eût pu l'approcher. Elle fuivic néanmoins le corps de fon mari au lieu où il devoit être expofé: là elle s'aflit devant ce trifte fpectacle, & y demeura fans vouloir prendre de nourriture, ni ceffer d'y fixer fes regards. La mort qu'elle attendoit avec impatience, vint enfin lui fermer les yeux en cette fituation.

Un autre trait de ce genre d'héroïfme que produit l'amour conjugal fera tiré de l'histoire Ja-' ponnoife. L'empereur avoit fait mourir fecrétement un officier de mérite qui avoit une fort belle femme. Quelques jours après le prince fit venir cette dame & voulut l'obliger de faire fa demeure avec lui dans le palais. Je dois me réjouir & m'eftimer heureufe, lui répondit-elle, de ce que vous m'avez jugé digne de votre amitié; je reçois cette grace comme je le dois; mais j'ofe prendre la liberté de vous demander un intervalle de trente jours, pour achever de pleurer la mort de mon mari. Permettez encore, ajouta t-elle, qu'après ce délai je puiffe raffembler fes parens & leur donner à manger dans l'une des

« السابقةمتابعة »