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Le prince Charles de Lorraine ayant paffé le Rhin en 1744, avec une armée confidérable, Louis XV interrompit fes conquêtes de Flandres, & vola au fecours de l'Alface. Îl tomba malade à Metz. Quand il fe crut en danger de mort, il dit à M. d'Argenfon, fon miniitre de la guerre : » Ecrivez de ma part au maréchal de Noailles, » que pendant qu'on portoit Louis XIII, au tom» beau, le prince de Condé gagna une bataille.

Ceprince malade, rendu aux vœux de fes fujets, remporte fur les Anglois, en 1745, la célèbre bataille de Fontenoy. Durant la bataille, il fit ramaffer les boulets de canon qui tomboient aupres de lui, & dit gaiement à M. de Chabrier, officier d'artillerie : » Renvoyez ces boulets aux ennemis ; je ne veux rien avoir à eux.

La victoire avoit été long-temps à fe décider, & le maréchal de Saxe, qui craignoit le fuccès de cette journée, fit dire au roi qu'il le conjuroit de s'éloigner avec monfieur le Dauphin, & qu'il fera ce qu'il pourra pour réparer le défordre. Oh! je fais bien qu'il il fera ce qu'il faudra, répondit le monarque; mais je refterai où je fuis.

Monfieur le Dauphin court de fon côté, l'épée à la main, pour fe mettre à la tête de la maifon du roi, qui va faire un dernier effort. On l'arrête; on lui dit que fa vie eft trop précieuse. Ce n'eft pas la mienne qui eft précieuse, dit il, c'eft celle du général le jour d'une bataille. Hiftoire de la guerre de

1740.

Les anecdotes qui regardent les rois prédéceffeurs, les grands généraux d'armée, & les hommes illuftres en tout genre, font rapportées, comme nous l'avons déja dit, dans le Dictionnaire des Portraits & Anecdotes des Hommes Illuftres.

Tome I.

X

FRAYEUR.

LA frayeur, comme dit Bekker dans fon Monde

Enchanté, prive un homme de fon jugement, & lui ôte l'ufage de fes fens, enforte qu'il croit voir & entendre des chofes qui n'exiftent que dans fon imagination troublée. Cet auteur rapporte à ce fujet l'anecdote fuivante. Un chauderonnier de Bafle avoit été condamné, pour fes maléfices, à être pendu, ce qui fut exécuté. On tranfporta le corps au gibet patibulaire, qui n'étoit pas éloigné de la ville. Quelques jours après cette exécution, un marchand s'étoit hâté de nuit d'aller au marché qui fe tenoit dans la ville. Comme il fe doutoit bien que les portes ne s'ouvriroient pas de fi-tôt, il fe repofa fous un arbre proche ce gibet. Deux heures après d'autres hommes allant auffi au marché, & étant proches du gibet où étoit le pendu lui demandèrent par gaufferie, s'il vouloit venir au marché avec eux: le marchand couché fous l'arbre, croit que c'eft à lui qu'on adreffe la parole, & dit à ces paffans: Attendez-moi, je m'en vais avec vous. Ceux-ci, s'imaginant que c'est le pendu qui leur parle, en font fi épouvantés, qu'ils prennent la fuite de toute leur force. Il n'en fallut peut-être pas davantage pour perfuader à bien du monde, qu'il s'étoit fait un miracle.

Le cardinal de Retz rapporte dans fes Mémoires un de ces petits faits qui peuvent encore fervir à confirmer ce que dit Bekker. Ce cardinal qui n'étoit alors qu'abbé, avoit fait la partie de paffer la foirée dans la maison de l'archevêque de Paris fon oncle, à faint Cloud, avec madame & mademoiselle de Vendôme, madame de Choisi, le vi

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comte de Turenne, l'évêque de Lifieux & meffieurs de Brion & Voiture. On s'amufa tant que la compagnie ne put s'en retourner que très-tard à Paris. La petite pointe du jour (c'étoit dans les plus grands jours d'été ) commençoit à paroître, quand on fut au bas de la defcente des Bons - Hommes. Justement au pied, le caroffe arrêta tout court. Comme j'étois, dit l'auteur des mémoires, l'une des portières avec mademoiselle de Vendôme, je demandai au cocher pourquoi il arrêtoit, & il me répondit avec une voix tremblante: Voulez-vous que je paffe par-deffus tous les diables qui font-là devant moi? Je mis la ,, tête hors de la portière ; & comme j'ai toujours ,, eu la vue fort baffe, je ne vis rien. Madame de ,, Choifi, qui étoit à l'autre portière avec M. de Turenne, fut la première qui apperçut du caroffe la caufe de la frayeur du cocher; je dis du caroffe, car cinq ou fix laquais, qui étoient », derrière, crioient Jefus, Maria, & trembloient déja de peur. M. de Turenne fe jetta en bas du ,, carroffe aux cris de madame de Choifi. Je crus » que c'étoit des voleurs, je fautai auffi-tôt hors » du carroffe; je pris l'épée d'un laquais, je la ti,, rai, & j'allai joindre de l'autre côté M. de Tu» renne, que je trouvai regardant fixement quelque chofe que je ne voyois point. Je lui deman,, dai ce qu'il regardoit, & il me répondit, en me », pouffant du bras & affez bas, je vous le dirai ¿ mais il ne faut pas épouvanter ces dames, qui dans la vérité hurloient plutôt qu'elles ne rioient. Voiture commença une Qremus; madame de Choifi pouffoit des cris aigus; mademoiselle de Vendôme difoit fon chapelet, madame de Vendôme vouloit fe confeffer à M. de

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Lifieux, qui lui difoit: ma fille n'ayez point de peur, vous êtes en la main de Dieu. Le comte de Brion avoit entonné bien triftement à genoux, avec tous nos laquais, les litanies de la Vierge. Tout cela fe paifa, comme on peut fe l'imaginer, en même temps & en moins de rien. ,, M. de Turenne qui avoit une petite épée à fon côté l'avoit auffi tirée, & après avoir regardé un ,, peu, comme je l'ai déja dit, il fe tourna vers ,, moi, de l'air dont il eut demandé fon dîner, & de l'air dont il eut donné une bataille, & me dit ces paroles: Allons voir ces gens-là. Quelles ,, gens, lui repartis-je ? & dans la vérité je croyois ,, que tout le monde avoit perdu le fens. Il me ,, répondit; effectivement je crois que ce pourroit bien être des diables. Comme nous avions déja fait cinq ou fix pas du côté de la Savonnerie & ,, que nous étions par conféquent plus proches du fpectacle, je commencai à entrevoir quelque ,, chofe; & ce qui m'en parut, fut une longue proceffion de phantômes noirs, qui me donna ,, d'abord plus d'émotion qu'elle n'en avoit donnée ,, à M. de Turenne, mais qui par la réflexion que je fis, que j'avois longtemps cherché des efprits, & qu'apparemment j'en trouvois en ce lieu, me fit faire un mouvement plus vif fes maque ,,nières ne lui permettoient de faire. Je fis deux ,, ou trois fauts vers la proceffion. Les gens du carroffe qui croyoient que nous étions aux mains ,, avec tous les diables, firent un grand cri, & ce ,, ne furent pourtant pas eux qui eurent le plus de peur. Les pauvres Auguftins réformés & déchauf ,, fés, que l'on appelle Capucins noirs, qui étoient nos diables d'imagination, voyant venir à eux deux hommes qui avoient l'épée à la

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5, main, l'eurent très-grande, & l'un d'eux fe détachant de la troupe, nous cria, meffieurs, nous fommes de pauvres religieux, qui ne faifons de ,, mal à perfonne & qui venons nous rafraîchir », un peu dans la rivière pour notre fanté. Nous ,, retourâmes au carroffe, M. de Turenne & moi, ,, avec des éclats de rire que l'on peut s'imaginer & nous fîmes lui & moi dans le moment même ,, deux réflexions, que nous nous communiquâ,, mes dès le lendemain matin. Il me jura que la première apparition de ces phantômes imaginaires lui avoit donné de la joie : quoiqu'il eut », toujours cru auparavant, qu'il auroit peur, s'il voyoit jamais quelque chofe d'extraordinaire : & ,, je lui avouai que la première vue m'avoit ému

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quoique j'euffe fouhaité route ma vie de voir des ,, efprits. La feconde obfervation que nous fîmes, fut que tout ce que nous lifons dans la vie de la plupart des hommes eft faux. M. de Turenne ́, me jura qu'il n'avoit pas fenti la moindre émo,, tion, & il convint que j'avois eu fujet de croire ,, par fon regard fixe & fon mouvement fi lent, qu'il en avoit eu beaucoup. Je lui confeffai que ,, j'en avois eu d'abord, & il me prorefta qu'il auroit juré fon falut, que je n'avois eu que du courage ,,& de la gaire. Qui peut donc croire la vérité, que ceux qui l'ont fentie? Le préfident de Thou ,, a raifon de dire, qu'il n'y a de véritables histoi,, res que celles qui ont été écrites pat des hommes ,, affez fincères pour parler véritablement d'euxmêmes. Mem. du cardinal de Retz.

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