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Les poètes nous ont peint la guerre comme une furie qui traîne à fa fuite l'effroi, la famine & la défolation. Elle ravage les campagnes, réduit les villes en cendres, déchire le cœur des mères, des époufes & des enfans, & ne laiffe pour traces de fon paffage que des brigandages & des crimes. II fuffit pour jaftifier cette horrible peinture, d'ouvrir l'hiftoire des guerres civiles; mais nous ne rapporterons que ce feul trait. En 1563, les catholiques prennent par capitulation, Annonay, ville du Vivarais. Au lieu de tenir aux calviniftes les paroles qu'ils leur ont données, ils mettent tout à feu & à fang. Les femmes font arrachées par la foldatefque, des endroits où elles s'étoient cachées pour fe dérober à l'inhumanité du vainqueur. Une d'elles eft violée en présence de fon mari; on l'oblige enfuite de tirer une épée, fans qu'elle fache ce qu'on en prétend faire, parce que fa main eft conduite par une main étrangère, & pouffée par ceux qui font derrière ; & on la lui fait enfoncer dans le cœur de fon mari, à qui elle donne, malgré elle, le coup de la mort, De Thou.

Accidens finguliers arrivés à la guerre.

M. de Thou a cru devoir remarquer, dans fon hiftoire, cet accident fingulier arrivé au fiège de Groningue en 1594. Dans l'inftant où les affaillans font prêts à tirer un canon, & à y mettre le feu un boulet, tiré du côté des affiégés, entre dans la bouche de ce canon, & fans l'avoir endommagé, eft renvoyé auffi-tôt dans la place par le canon où

il est entré.

Lors de l'expédition de Charles-Quint, en Provence, vers l'an 1536, quelques troupes de l'empereur battent, à Brignoles, un parti François

dont le commandant, nommé Montejan, est far prifonnier. Trois officiers fe difputent fa rançon. Le premier allégue pour raifon qu'il lui a enlevé fa maffe de fer; le fecond se fonde fur ce qu'il lui a arraché le gant de la main; & le troifième repréfente qu'il a pris la bride du cheval lorfqu'il marchoit encore. Les officiers généraux, devant qui l'affaire eft portée, après avoir écouté les raisons de part & d'autre, prononcent en faveur du dernier, qui a arrêté le cheval; parce que par-là il a ôté à l'officier François le moyen de pouvoir s'enfuir. Vie de Charles-Quint.

Dans les guerres de religion, lorfque les catholiques affiégeoient Rouen en 1562, François Civile, un des plus intrépides gentilhommes du parti calvinifte, reçut une bleffure qui le fit tomber du rempart dans la ville, fans connoiffance. Des foldats, qui le croyoient mort, le dépouillèrent & l'enterrèrent avec la négligence ordinaire dans ces occafions. Un domeftique affectionné, jaloux de procurer à fon maître une fépulture qu'il croit plus honorable, va le chercher. N'ayant pas réuffi à le reconnoître parmi plufieurs cadavres tout défigurés qu'il trouve, il les recouvre de terre, mais de manière que la main de l'un d'eux demeure découverte. Comme il s'en retournoit, il regarde derrière lui, il apperçoit cette main. La crainte qu'il a que cet objet n'excite les chiens à déterrer le cadavre pour le dévorer, le fait retourner fur fes dans la vue de couvrir cette main. Au moment qu'il alloit fe livrer à ce pieux office, un clair de lune lui fait appercevoir un diamant que Civile portoit au doigt. Sans perdre de temps, il prend fon maître, qui refpire encore, & le porte à l'hôpital des bleffés. Mais, les chirurgiens accablés de travail,

pas,

& regardant cet homme comme mort, ne veulent point s'occuper de fa bleffure. Le domeftique fe trouve obligé de le tranfporter à fon auberge, où il languit quatre jours fans aucun fecours. Au bout de ce temps-là, deux médecins ont la complaifance de le vifiter. Ils nettoient fa plaie & le mettent par leurs foins, en état de vivre. La ville ayant été prife d'affaut, les vainqueurs pouffèrent la barbarie jufqu'à le jetter par les fenêtres. Heureusement il tomba fur un tas de fumier où, abandonné de tout le monde, il paffa encore trois jours. Ducroiset, fon parent, le fit enlever fecrétement pendant la nuit, & tranfporter dans une maison de campagne, où il fut panfé à loifir. Là, après tant d'efpèces de morts, il recouvre une fanté fi parfaite, qu'il furvit quarante ans à tous ces accidens. Cette providence particulière, qui avoit fauvé cet homme de tant de périls, avoit auffi préfidé à sa naissance. Sa mère, étant morte enceinte, pendant l'absence de fon mari, avoit été enterrée fans que l'on fongeât à tirer l'enfant par l'opération céfarienne. Le lendemain de l'enterrement le mari arrive & apprend, avec furprife, la mort de fa femme, & le peu d'attention qu'on avoit eu pour fon fruit. Il demande qu'elle foit exhumée, & lui fait ouvrir le bas-ventre, d'où Civile fut tiré encore vivant. Voyez l'Hiftoire de M. de Thou.

Vers l'an 1576, les habitans de Villefranche en Périgord, avoient formé, durant les guerres civiles, le complot de furprendre Montpafier, petite ville voifine. Ils choifirent pour cette expédition, la même nuit que ceux de Montpafier, fans en rien favoir, avoient auffi prife, pour tâcher de s'emparer de Villefranche. Le hazard fit encore que les

deux troupes, ayant pris un chemin différent, ne fe rencontrèrent point. Tout fut exécuté, avec d'autant moins d'obstacle de part & d'autre, que les murs étoient demeurés fans défense. On pilla, on fe gorgea de butin, on fe crut heureux, jufqu'à ce que le jour ayant paru, les deux villes connurent leur méprife. La compofition fut que chacun s'en retourneroit chez foi, & que tout feroit remis en fon premier état. Ceci peut encore donner une image de la guerre qui fe faifoit en ces temps-là. Mémoires de Sully.

En 1599, deux frères Espagnols, qui, quoiqu'ils fe fuffent toujours cherchés, ne s'étoient jamais vûs, fe rencontrent par hazard au fiège de Bommel, place de guerre, où ils fervent dans deux compagnies différentes. S'étant reconnus, après quelques éclairciffemens, ils fautent au cou l'un de l'autre. Dans le temps qu'ils fe tiennent étroitement embraffés, un boulet de canon leur emporte la tête, fans féparer leurs corps, qui tombent enfemble. Ainfi périffent ces deux frères dans le moment le plus doux de leur vie. Memoires d'Amelot de la Houffaye.

Dans les premiers jours de la campagne que les François ouvrirent en Allemagne en 1691, il arriva une aventure de déferteurs affez particulière. Un grenadier du régiment de Souternon déferte, & avertit les Impériaux qu'un convoi affez confidérable part d'Allemagne pour l'armée Françoife. Mille chevaux partent auffi-tôt de Mayenne, pour L'enlever. Un huffard Allemand déferte dans le même temps, avertit les François du rifque que court leur convoi; & fon rapport les déterminé à le faiLe foutenir par un détachement confidérable. Les

Coup

deux corps fe rencontrent, fe chargent avec beau de vivacité, & les Impériaux font battus. Ainfi cette double défertion expofa & fauva le convoi. Mém. du marechal de Villars.

La Colonie, dans fes mémoires, rapporte le fait fuivant. Cet officier, quoique François, commandoit un régiment de grenadiers au fervice de l'électeur de Bavière. Immédiatement, dit-il après la bataille de Denain, en 1712, M. de Quémin, major de mon corps, me demanda si je trouverois bon qu'il profitât du temps pour aller compter dans les retranchemens le nombre des hommes qui avoient été tués pendant l'attaque. Je lui dis que j'y confentois avec plaifir, & que même je ferois bien aife de le favoir de lui. Au même inftant, un bon Bavarois, un peu âgé, qui étoit lieutenant de la compagnie que j'avois en qualité de colonel, me demanda la permiffion de l'accompagner; ce que je lui accordai pareillement, & ils partirent tous deux. Ils ne furent pas loin fans trouver à compter des morts, & ils alloient en mettre un dans le nombre, lorfqu'ils l'entendirent fe plaindre. Un grenadier du régiment de Guienne, qui fe promenoit aufli pour voir fi on n'auroit pas oublié d'en dépouiller quelques-uns, entendit la voix plaintive du mourant; & cette bonne ame voulut le foulager. Pour cet effet, il s'en appro che, le couche en joue; & en lâchant un facre.... il dit, qu'il alloit achever ce pauvre malheureux fouffroit trop. Heureufement, M. de Quémin détourna le fufil, & lui dit: Laiffe mourir ce miférable, s'il doit mourir. Monfieur, dit le grenadier, excufez-moi, s'il vous plaît; je voulois rendre fervice à ce pauvre garçon; &, dans l'état où il eft, le meilleur eft de l'achever; car c'est mettre

qui

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