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"pondit - il fièrement, & l'on me nomme Mu » tius ; tu vois un ennemi qui a voulu tuer fon » ennemi, & je n'aurai pas moins de courage » pour fouffrir la mort que je n'en ai eu pour te » la donner. » En même temps, comme pour punir fa main droite d'avoir manqué fon coup, il la mit fur un brafier qu'on venoit d'allumer pour un facrifice, & il la vit brûler fans témoigner aucun fentiment de douleur. Le roi, frappé de ce prodige de fermeté, le fait éloigner de l'autel, & lui rend fa liberté. « Puifque tu fais, lui dit Mu» tius, honorer la vertu; ce que tu n'aurois pu » m'arracher par menaces, je l'accorderai à ton » bienfait: faches que nous fommes trois cents » jeunes Romains qui avons juré devant les dieux, » de mourir tous ou de te poignarder au milieu de »res gardes. » Porfenna, également faifi d'adiniration & de crainte, prit le parti de lever le fiége.

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Les Suiffes honoreront toujours la mémoire d'Arnold de Winkelried, gentilhomme du pays d'Underval. En 1396, ce vertueux citoyen voyant, à la bataille de Sempach, que fes compatriotes ne pouvoient enfoncer les Autrichiens, parceque ceux-ci, armés de toutes pièces, ayant mis pied à terre, & formant un bataillon ferré, préfentoient un front couvert de fer, hériffé de lances & de piques, conçut le généreux deffein de fe facrifier pour fa patrie. "Mes amis, dit-il aux Suiffes qui » commençoient à fe rebuter, je vais donner ma vie pour vous procurer la victoire; je vous re» commande feulement ma famille. Suivez-moi " & agiffez en conféquence de ce que vous me » verrez faire. A ces mots, il les range en forme de triangle, dont il occupe la pointe, marche vers

le centre des ennemis, & embraffant le plus de piques qu'il peut faifir, il fe jette à terre, ouvrant à ceux qui le fuivoient un chemin pour pénétrer dans cet épais bataillon. Les Autrichiens une fois entamés, furent vaincus, la pefanteur de leurs armes leur devenant funefte.

La ville de Calais, affiégée en 1346 par Edouard III, roi d'Angleterre, nous offre un exemple mémorable du patriotifme François. Edouard venoit de réduire la ville par famine le 3 Août 1347. Ce prince irrité d'avoir vu périr la fleur de fon armée devant cette ville qui l'avoit arrêté un an entier refufa d'abord d'accorder aucune condition favorable aux habitans. Il vouloit rançonner les uns & faire mourir les autres. Cependant, fur les repréfentations de fes géneraux qui appréhendoient, avec raifon, qu'une telle conduite n'autorifât les François à ufer de repréfailles, le monarque Anglois voulut bien fe contenter de fix victimes qui lui feroient préfentées nues têtes, la corde au col, & les clefs de la ville en leurs mains. Lorfque Mauni vint de la part d'Edouard annoncer aux habirans de Calais la dernière volonté du vainqueur, le gouverneur le pria de refter, afin d'affifter à la déclaration qu'il alloit faire de cette volonté devant le peuple. Tous les habitans affemblés fur la place, attendoient la réponfe d'Edouard avec cette inquiétude que donnent la crainte de la mort & l'efpérance de la vie. Dès que l'ordre eût été publié, un morne filence annonça l'anéantiffement de tous les cœurs. Ils fe regardoient en friffonnant, cherchant avec effroi ces fix victimes du falut public qu'ils défefpéroient de rencontrer. Ce long filence fut interrompu par des cris entre

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Coupés de fanglots, de gémiffemens & de pleurs. Jean de Vienne, leur brave gouverneur, guerrier intrépide fur la bréche, devenu citoyen compatiffant, confondoit fes foupirs avec les leurs. Mauni, témoin d'un fpectacle fi attendriffant, ne put retenir les larmes dont fes yeux étoient inondés. Cependant le peu de temps accordé s'écouloit, il falloit fe décider. Euftache de Saint-Pierre fe levá courageufement au milieu de cette foule de citoyens défolés: » Seigneurs, grands & petits, s'é» cria-t-il, grand méchef feroit de laiffer mourir » un tel peuple qui, cy eft, par famine, ou autre» ment, quand on y peut trouver aucun moyen, » & feroit grande grace devant notre Seigneur qui de tel méchef le pourroit garder. J'ai en » droit moi fi grande efpérance d'avoir pardon, fi » je meurs pour ce peuple fauver, que je veux » être le premier. «A peine eut-il ceffé de parler, qu'il reçut le prix le plus pur de la reconnoiffance de fes concitoyens : chacun l'alloit adorer de pitié, dit Froiffard: ils fe profternèrent à fes pieds en les arrofant de leurs larmes. Quel eft le pouvoir de la vertu ! Jean d'Aire, courageux imitateur d'Euftache fon coufin, vint fe ranger auprès de lui dans la réfolution de partager l'honneur de mourir pour la patrie. Jacques & Pierre Wiffant, frères & parents de ces généreux martyrs, fe dévouerent pareillement. Pourquoi, ajoute l'abbé Velly, dont ce récit eft emprunté, faut-il que l'hiftoire, qui nous a transmis les noms de tant d'hommes inutiles ou funeftes au genre humain, ait négligé de nous apprendre ceux des deux autres victimes? Le gouverneur à qui la foibleffe de l'âge, les infirmités & la douleur ne permettoient pas de fe foutenir, monta à cheval, & les conduifit jusqu'à la

porte de la ville : là, il les remit entre les main de Mauni, en le priant d'intercéder pour eux au près de fon roi. Ils parurent devant le monarque Anglois, & lui préfentèrent les clefs de la ville. Tous les feigneurs qui environnoient le roi, ne pouvoient diffimuler la pitié & l'admiration qu'une pareille magnanimité leur infpiroit: on n'entendoit autour du prince que murmure confus excité par la compaffion générale. Edouard feul parut inflexible: il les regarda d'un air févère, & commanda qu'on les conduisît au fupplice. Ce fut envain que le prince de Galles fe jetta à fes pieds: on eût dit qu'en ce moment la colere avoit mis fur les yeux de ce prince un bandeau qui lui déroboir la honte d'un pareil emportement; il réitéra l'ordre de faire venir le bourreau : foit fait venir le coupe-tête, dit-il. C'étoit fait de ces illuftres infortunés, & de la gloire d'Edouard, fans la reine fon époufe, qui pour lors étoit à l'armée. Cette refpectable princeffe entra dans la falle & fe précipita aux genoux de fon mari, le conjurant par les motifs les plus puiffans de l'honneur, de l'humanité & de la religion, de ne pas fouiller fa victoire. Le monarque baiffa les yeux: après un moment de filence: Ah! madame, s'écria-t-il, je aimaffe mieux que vous fuffiez autre part que cy:vous me priez fi acertes, que je ne puis vous conduire. Si les vous donne à votre plaifir. Auffitôt la reine les emmena dans fon appartement, les fit habiller, ordonna qu'on leur apportât à dîner, & les renvoya fous une efcorte sûre, après leur avoir fait donner à chacun fix piéces d'or pour leurs befoins. Voyez Froiffard, l'Hiftoire de France, par l'abbé Velly, & la Tragédie de M. de Belloy, intitulée. le Siége de Calais, repréfentée avec un applau

diffement univerfel par les Comédiens François, le 13 Février 1765.

Lors du fiége de Turin, formé par l'armée Françoife en 1640, un fergent des gardes Piémontoises donna cet exemple fingulier de patriotisme. Ce Sergent gardeit avec quelques foldats le fous-terrein d'un ouvrage de la citadelle; la mine étoit chargée; il n'y manquoit qu'un fauciffon pour faire fauter plufieurs compagnies de grenadiers qui s'étoient emparés de l'ouvrage, & y avoient pris pofte. La perte de l'ouvrage auroit pu accélérer la reddition de la place. Ce fergent, avec fermeté, ordonne aux foldats qu'il commandoit de fe retirer; les charge de prier de fa part, le roi fon maître, de protéger fa femme & fes enfans; bat un briquet, mer le feu à la poudre, & périt pour fa patrie.

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Nous voyons, dans l'hiftoire de la Chine, qu'un Chinois, juftement irrité des vexations des grands, fe préfente à l'empereur, & lui porte fes plaintes. Je viens, dit-il, m'offrir au fupplice auquel de pareilles repréfentations ont fait traîner fix cents de mes concitoyens ; & je t'avertis de te prépa,, rer à de nouvelles exécutions; la Chine poffède ,, encore dix-huit mille bons patriotes, qui, pour la même caufe, viendront fucceffivement te de,, mander le même falaire". La cruauté de Fempereur ne put tenir contre tant de fermeté; il accorda à cet homme vertueux, la récompenfe qui le flattoit le plus, la punition des coupables & la fuppreffion des impôts.

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La même hiftoire nous fournit, dans une mere, un autre exemple frappant de l'amour de la patrie. Un empereur, pourfuivi par les armes victorieufes d'un citoyen, voulut fe fervir du respect aveu

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