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Daniel Pearce, mort il y a quelques années à Salisbury, dont il eft parle dans les papiers Anglois, s'étoit rendu célèbre fous le nom de Dowdi, par un talent fort bizarre. Il fe divertiffoit à prendre des vêtemens déchirés, à traîner des chaînes, à teindre fon vifage de fang, & à fe donner l'air d'un maniaque furieux échappé de Bedlam (petites maifons de Londres). Il affectoit en même temps un fon de voix effrayant, qu'il moduloit à fon gré, felon qu'il vouloit augmenter ou diminuer la frayeur qu'il infpiroit: il avoit un génie particulier pour ce rôle, au point qu'il faifoit trembler les hommes les plus hardis, & qu'il les faifoit fuir devant lui. On fe jettoit par les fenêtres, on grimpoit dans les cheminées, on fe fauvoit jufques fur les toîts des maisons pour fe dérober à la fureur fuppofée de ce maniaque. On peut fe former une idée de cet homme fur la peinture ingénieufe qu'en a faite Fielding, dans le fecond volume de Tomes-Jones. Pour peindre l'effroi de Sophie, héroïne du roman dans une circonftance fingulière, il dit : » lorfque deux » étrangers, vuident une bouteille dans une taver» ne de Salisbury, fi le grand Dowdi, qui joue le » rôle d'un fou auffi - bien que ceux qui l'emploient, jouent le rôle d'un fot, vient à traîner fes chaînes & à faire entendre le long de la galerie » des hurlemens épouvantables, nos étrangers, effrayés, treffaillent d'horreur à ces horribles fons; ils cherchent un lieu pour fe mettre à l'abri » du danger qui s'approche; & fi les barreaux des » fenêtres ne leur fermoient le paffage, ils cour»roient rifque de fe rompre le cou, pour fe dérober » à la fureur menaçante du prétendu infenfé qui les » poursuit. Ainfi trembloit la pauvre Sophie, &c.«

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M. Pearce étoit d'ailleurs très-doux, très-pacifique. Souvent,a , après avoir quitté fon déguisement, il venoit offrir fes fervices aux perfonnes qu'il avoit effrayées, pour courir après le malheureux qui leur avoit joué ce tour, & le faire renfermer. On fcait qu'en Angleterre,un particulier ne peut aller dîner nulle part, même chez fon ami, fans être obligé de donner, en fortant, de l'argent aux domeftiques de la maifon, plus ou moins, felon la qualité du maître. Un officier, ennuyé de payer fort cher les dîners qu'il prenoit de temps en temps chez le duc de ***, lui demanda un jour les noms de tous fes gens. Le duc, étonné de la queftion, en voulut fçavoir la raison: » Milord, répondit l'officier, comme je ne fuis pas en état » de payer pour tous les excellens dîners que je prends chez vous, & de foutenir en même temps » mon équipage, fans lequel je ne pourrois pas y » venir, je veux me reffouvenir de ces meffieurs » dans mon teftament".

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Cet ufage bizarre choque fur-tout les étrangers; & beaucoup d'Anglois ont fait d'inutiles efforts pour le réformer. Il a cependant été aboli prefqu'entiérement en Ecoffe depuis quelque temps. Les juges de paix & les propriétaires de fief ont donné l'exemple dans certains comtés, eu prenant la réfolution, dans leurs affifes, de ne jamais donner d'argent aux domestiques des autres. Ils ont été imités dans d'autres comtés, & par des fociétés particulières. La réfolution qu'ont prife à ce fujet les fecrétaires du fceau en Ecoffe, a été inférée dans les papiers publics de 1760. » Cejourd'hui les » fecrétaires du fceau ayant examiné l'ufage de » donner de l'argent aux domeftiques, il leur a » paru que cette pratique étoit nuifible aux mœurs

» des domestiques; qu'elle n'eft en ufage chez aus » cune autre nation; qu'elle deshonore la police » de ce royaume; qu'elle met un obstacle à l'hof

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pitalité, & qu'elle impose une taxe fur le com» merce focial des amis. En conféquence, ils font » convenus unanimement de concourir avec les perfonnes & les fociétés honorables qui ont don » né un exemple louable en aboliffant cette per»nicieuse coutume; & ils ont refolu : 1°. Qu'à » compter de la pentecôte de cette année, chaque » membre de la fociété défendroit expreflément » à fes domestiques de recevoir de l'argent de quelque perfonne que ce foit. 2°. Qu'après ce » terme, aucun membre de la fociété ne donne» roit d'argent à aucun domestique, de quelque perfonne que ce foit : & ils ont ordonné que leur déliberation feroit rendue publique ". Cette réfolution excita un foulevement général parmi les domeftiques d'Ecoffe, que l'on prit foin d'appaifer. Leurs gages ont été augmentés; & l'on peut voyager actuellement en Ecoffe, fans être obligé de payer fon gîte & fon dîner chez fes amis, quatre fois plus cher qu'au cabaret.

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Nous avons rapporté à l'article Courage, plufieurs exemples du courage Anglois. Un dernier trait qui pourra contribuer à faire connoître le génie de cette nation eft la réponse de Guillau me III à un ambaffadeur Danois. Le lord Molefworth, qui avoit été miniftre d'Angleterre à la cour de Copenhague, fit imprimer à la fin du dernier fiècle un ouvrage eftimé fur le Danemarck, intitulé: Account of Denmarck. Cet écrivain y parloit du gouvernement arbitraire de ce royaume avec cette franchise que donne l'air de liberté qu'un Anglois refpire. Le roi de Danemarck, alors ré

gnant, fut offenfé de quelques reflexions de l'auteur, & ordonna à fon miniftre d'en faire des plaintes au roi d'Angleterre Guillaume III: Que voulez-vous que je falje, dit Guillaume? Sire, répondit le miniftre Danois, fi vous vous plaigniez au roi mon maître d'une femblable offenfe, il vous enverroit la tête de l'auteur. C'est ce que je ne veux ni ne peux pas faire, répliqua le roi; mais, fi vous le defirez, l'auteur mettra ce que vous venez de me dire dans la feconde édition de fon ouvrage.

APOLOGUE.

FABLE morale, ou trait hiftorique embelli par la fiction, & dont le principal objet eft de corriger les mœurs des hommes. L'apologue eft principalement employé par les auteurs orientaux. Le gouvernement defpotique fous lequel ils vivent les obligent à ne faire paroître la vérité que couverte d'un voile qui la dérobe aux yeux de miniftres foupçonneux & jaloux.

Quelqu'un vit un renard courir de toutes fes forces & s'enfuir vers fon terrier; il lui demanda, pourquoi cette fuite précipitée? As-tu commis quelque crime dont tu craignes le châtiment? Aucun dit le renard, & ma confcience ne me reproche rien; mais je viens d'entendre des chaffeurs dire qu'ils avoient befoin d'un dromadaire, qu'ils vouloient en prendre un,le mettre en efclavage & s'en fervir. Et qu'as-tu de commun avec un dromadaire? Mon Dieu, dit le renard, les gens d'efprit ont toujours des ennemis; fi quelqu'un s'avifoit de me montrer aux chaffeurs, en difant voilà 'un dromadaire, je ferois chaffé, pris, enchaîné fans qu'on fe donnât la peine de m'examiner.

On demandoit à ce petit animal, qui marche toujours devant le lion pour faire partir le gibier: pourquoi t'es-tu confacré ainfi au fervice du lion? C'eft, dit l'animal, que je me nourris des reftes de fa table. Mais par quel motif ne l'approches-tu jamais? Tu jouirois de fon amitié & de fa reconnoiffance... Oui, mais s'il alloit fe mettre en colere?

Es-tu de l'ambre, difoit un fage à un morceau de terre odoriférante qu'il avoit ramaffé dans un bain? Tu me charmes par ton parfum. Elle lui répondit: Je ne fuis qu'une terre vile, mais j'ai habité quelque temps avec la rofe.

Un homme fans fortune avoit deux fils: il mourut. L'aîné fe rendit à la cour: il fut plaire, & il eut une charge auprès du prince. Le plus jeune cultiva un champ que fon père leur avoit laiffé, & vécut du travail de fes mains. Un jour l'aîné difoit au cadet: Pourquoi n'apprends-tu pas à faire la cour & à plaire, tu ne ferois pas obligé de travailler ainfi pour vivre ? le cadet lui répondit. Pourquoi n'apprends-tu pas à travailler comme moi, tu ne ferois pas obligé d'être efclave?

Le miniftre d'un roi fut difgracié, & fe retira dans une maifon de religieux : comme il n'avoit pas mérité fa difgrace, il s'en confola aisément, & il prit du goût pour le nouveau genre de vie qu'il avoit embraffé. Le roi qui l'aimoit, & qui eftimoit fes talens, fentit la perte qu'il avoit faite, & l'alla trouver pour le prier de revenir à la cour. Mais le miniftre refufa le roi & lui dit: tu m'avois élevé aux premières dignités, j'ai foutenu avec fermeté l'agitation des grandeurs: tu m'as forcé à la retraite, j'en goûte le repos; laiffe m'en jouir. Se retirer du monde, c'eft arracher les dents aux ani

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