Et de ma couche alors levant le blanc rideau, Ma mère, tu semblais soulever le fardeau Qui pesait sur mon coeur; et, soudain éveillée, Ce baiser du matin dont la mort m'a sevrée, Plus calme et ranimant mon coeur à ton amour, Je te suivais aux champs pour voir lever le jour. Et d'abord sous cet orme à l'ombre séculaire, Qui sur la grande cour dresse un toit circulaire, Comme pour abriter avec son vert manteau Du soleil du midi les murs blancs du château; Sous cet orme où l'oiseau pose son nid de mousse, Où le coq matinal chante, où la poule glousse, Où le paon fait briller son plumage étoilé, D'abord tu t'arrêtais en égrenant du blé; Et la poule et le coq à la crête écarlate Accouraient en frappant le gazon de leur patte; Et le paon, déployant sa queue en tournesol, Leur disputait le grain qui tombait sur le sol; Et les oiseaux dans l'air jetaient mille ramages, Et le soleil jouait dans leurs brillants plumages. Je rêvais en voyant ta sublime bonté Se répandre, depuis les douleurs du génie Et donner à tout être, hélas! qu'on foule au pié, Je rêvais en voyant tout ce que l'homme blesse, Peignait la pauvreté qui, par toi secourue, Venait à la même heure, au bord de ton chemin, Recevoir chaque jour l'aumône de ta main. La mère qu'accablait le poids de ses entrailles, par toi le froment des semailles; Tu cachais sous l'épi, dans nos moissons glané, La layette de lin pour l'enfant nouveau-né ; Puis tu disais avec un sourire céleste : ; « La pauvre femme assise à son foyer modeste, Ce soir, en déliant les gerbes du faisceau, La charité, l'amour, ces divines vertus Dont pour nous ennoblir Dieu nous a revêtus; La charité, ce mot du céleste idiome, Qu'un ange à son berceau fait bégayer à l'homme, La charité du Christ, qui fit naître la soi, O ma mère, elle était inépuisable en toi; Sur les douleurs du corps, sur les tourments de l'âme, Je me sentais rougir de désirer si peu, Au lieu de tes vertus, la gloire.... Oh! non, mon Dieu! La gloire qui n'a pas un ami près de soi, Et faites-moi chercher la charité féconde Dont ma mère reçut la couronne en ce monde, Le jour où son exil ici-bas s'achevait. |