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<<mune de tous les hommes entre eux, et une espèce de droit des « gens, ou plutôt un droit et une loi de la nature. Cette loi et <«< cette convention commune sont violées par celui qui ment. »> Quelle énormité n'ajoute point à ce violement de la parole la sainteté du serment et le nom de Dieu, pris à témoin comme on le prend toujours dans les traités? Si la bonne foi et la vérité étaient bannies de tout le reste de la terre, disait Jean, roi de France, sollicité de violer un traité, elles devraient se retrouver dans le cœur et dans la bouche des rois.

Ce qui porte les politiques à en user de la sorte, c'est qu'ils sont persuadés que c'est là le seul moyen de faire réussir une négociation. Quand cela serait, peut-il être jamais permis d'en acheter le succès au prix de la probité, de l'honneur et de la religion? Si votre beau-père (Ferdinand le Catholique), disait Louis XII à Philippe, archiduc d'Autriche, a fait une perfidie, je ne veux pas lui ressembler; et j'aime beaucoup mieux avoir perdu un royaume ( le royaume de Naples), que je saurai bien reconquérir, que non pas l'honneur, qui ne se peut jamais recouvrer 2.

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Mais, en cela même, ces politiques sans honneur et sans religion se trompent. Je n'ai point recours au christianisme, qui nous fournit des princes et des ministres bien éloignés d'une telle politique. Sans sortir de notre histoire grecque, combien avons-nous vu de grands hommes réussir parfaitement dans le maniement des affaires publiques, dans les traités de paix et de guerre, en un mot dans les négociations les plus importantes, sans jamais employer le secours de l'artifice et de la tromperie! un Aristide, un Cimon, un Phocion, et tant d'autres, dont quelques-uns poussaient la délicatesse sur ce qui regarde la vérité jusqu'à croire qu'il n'était pas permis d'user de mensonge même en riant et par manière de jeu ! Cyrus, le plus fameux des conquérants, ne trouvait rien de plus indigne d'un prince, ni de plus capable de lui attirer le mépris et la haine, que de mentir et de tromper. Il doit donc demeurer pour constant que nul succès, quelque brillant qu'il soit, ne peut et ne doit couvrir la honte et l'infamie de la mauvaise foi et du parjure.

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LIVRE QUINZIÈME.

HISTOIRE D'ALEXANDRE.

J'ai déjà remarqué que l'histoire d'Alexandre, contenue dans ce livre, renferme l'espace de douze ans et huit mois. Cet intervalle est court, mais renferme des événements si considérables et en si grand nombre, qu'on a de la peine à concevoir comment un seul homme a pu faire tant et de si grandes choses dans un si petit nombre d'années. Il avait formé encore bien d'autres desseins, car c'était un prince insatiable de gloire; mais une mort prématurée ne lui permit pas de les exécuter.

§ I. Naissance d'Alexandre. Incendie du temple d'Éphèse arrivé ce jour-là même. Heureuses inclinations de ce prince. Il a pour maître Aristote, qui lui inspire un goût merveilleux pour les sciences. Il dompte Bucéphale.

Alexandre naquit la première année de la 106° olympiade 1.

Le même jour précisément qu'il vint au monde, le fameux temple de Diane fut brûlé à Éphèse 2. On sait que ce temple était une des sept merveilles du monde. Il avait été bâti au nom et aux dépens de toute l'Asie Mineure. La construction en avait duré beaucoup d'années3. Il avait de longueur quatre cent vingtcinq pieds, sur deux cent vingt de largeur. Il était soutenu par cent vingt-sept colonnes hautes de soixante pieds, qu'autant de rois avaient fait construire avec de grands frais 4, et par les plus habiles ouvriers, tâchant d'enchérir les uns sur les autres. Tout le reste du temple répondait à cette magnificence.

1 AN. M. 3648. Av. J. 356. 2 Plin. 1. 36, cap. 14.

3 Pline marque deux cent vingt ans ; ce qui a peu de vraisemblance. Il est certain qu'il fut commencé de très-bonne

heure, puisque, selon Hérodote, ce fut Crésus qui en fournit les colonnès. L'architecte se nommait Chersiphron. — L.

4 Dans les anciens temps chaque ville presque avait son roi,

Hégésias de Magnésie, selon Plutarque, dit qu'il ne fallait pas s'étonner que ce temple eût été brûlé, parce que ce jour-là Diane était occupée aux couches d'Olympias pour faciliter la naissance d'Alexandre. Réflexion, ajoute notre auteur, si froide3, qu'elle aurait suffi à éteindre cet embrasement. Cicéron, qui attribue ce mot à Timée 4, le trouve fort bon. Je m'en étonne. La pente qu'il avait à la raillerie le rendait peut-être peu difficile sur ces sortes de traits.

Un nommé Érostrate avait mis le feu exprès à ce temple 5. Quand on lui donna la torture pour lui faire déclarer ce qui l'avait porté à faire cette action, il avoua que c'était pour se faire connaître dans la postérité, et pour immortaliser son nom en détruisant un sibel ouvrage. Les états généraux d'Asie crurent empêcher qu'il n'y réussît en faisant un décret qui défendait de le nommer. Leur défense ne servit qu'à exciter encore davantage la curiosité, presque aucun des historiens de ce temps là n'ayant manqué à rapporter une extravagance si monstrueuse en appelant le criminel par son nom.

La passion dominante d'Alexandre, dès sa plus tendre jeunesse, fut l'ambition et une vive ardeur pour la gloire, mais non pour toute sorte de gloire. Philippe se piquait, comme un sophiste, d'éloquence et de beau langage, et il avait la vanité de faire graver sur ses monnaies les victoires qu'il avait remportées aux jeux Olympiques à la course des chars. Ce n'était pas à quoi son fils aspirait. Ses amis lui demandant un jour s'il ne se présenterait pas aux mêmes jeux pour y disputer le prix, car il était très-léger à la course, il répondit qu'il s'y présenterait s'il devait avoir des rois pour antagonistes.

Toutes les fois qu'on lui apportait la nouvelle que son père avait pris quelque ville, ou gagné quelque grande bataille, loin de s'en réjouir avec tout le royaume, il disait d'un ton plaintif

C'était un historien qui vivait du Ephesiæ templum deflagravisse, adtemps de Ptolémée fils de Lagus. 2 Plut. in Vita Alex. p. 665.

3 Je ne sais si la réflexion de Plutarque n'est pas encore plus froide.

Concinne, ut multa, Timæus, qui, quum in historia dixisset, qua nocte natus Alexander esset, eadem Dianæ

junxit: minime id esse mirandum, quod Diana, quum in partu Olympiadis adesse voluisset, abfuisset domo. » (De Nat. Deor. lib. 2, n. 69.)

5 Val. Max. 1. 8, c. 14. 6 Plut. in Vita Alex. p. 665-668; id. de Fort. Alex. p. 342.

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aux jeunes gens qui étaient élevés avec lui: Mes amis, mon père prendra tout, et ne nous laissera rien à faire.

Un jour, des ambassadeurs du roi de Perse étant arrivés à la cour pendant l'absence de Philippe, Alexandre les reçut avec tant d'honnêteté et de politesse, et leur fit si bien les honneurs de la table, qu'ils en furent charmés; mais ce qui les surprit plus que tout le reste, c'est l'esprit et le jugement qu'il fit paraître dans les divers entretiens qu'il eut avec eux. Il ne leur proposa rien de puéril, ni qui ressentît son âge, comme aurait été de savoir ce que c'était que ces jardins suspendus en l'air, qui étaient si vantés; ces richesses et ce superbe appareil du palais et de la cour du roi de Perse, qui faisaient l'admiration de tout le monde ; ce platane d'or dont on parlait tant, et cette vigne d'or dont les grappes étaient faites d'émeraudes, d'escarboucles, de rubis, et de toutes sortes de pierres précieuses, sous laquelle on dit que le roi de Perse donnait souvent ses audiences aux ambassadeurs. Il leur fit des questions toutes différentes : quel che- . min il fallait tenir pour arriver dans la haute Asie; quelle était la distance des lieux; en quoi consistait la force et la puissance des Perses; quelle place le roi prenait dans une bataille; comment il se conduisait à l'égard de ses ennemis, et comment il gouvernait ses peuples. Ces ambassadeurs ne se lassaient point de l'admirer, et, sentant dès lors ce qu'il pouvait devenir un jour, ils marquèrent en un mot la différence qu'ils mettaient entre Alexandre et Artaxerxe, en se disant les uns aux autres: Ce jeune prince est grand 3, le nôtre est riche. C'est être réduit à bien peu de chose que de l'être uniquement à ses richesses, sans avoir d'autre mérite.

Un jugement si prématuré dans ce jeune prince n'était pas moins l'effet de la bonne éducation qu'il avait reçue, que de son heureux naturel. Il avait auprès de lui plusieurs maîtres chargés de lui apprendre tout ce qui convient à l'héritier d'un grand royaume, au-dessus desquels était Léonidas, parent de la reine, et d'une grande austérité de mœurs. Alexandre lui-même rapportait dans la suite que ce Léonidas, dans les voyages qu'il

Athen. 1. 12, p. 739.

2 C'était Artaxerxe Ochus.

† Ὁ παῖς οὗτος, βασιλεὺς μέγας ὁ δὲ ἡμέτερος, πλούσιος.

faisait avec lui, allait souvent visiter les coffres et les malles où l'on serrait ses lits et ses habits, pour voir si sa mère Olympias n'y aurait fait rien mettre de superflu et qui ne fût que pour la délicatesse et pour le luxe.

Le plus grand service que Philippe rendit à son fils fut de lui attacher Aristote, le plus célèbre et le plus savant des philosophes de son temps, à qui il confia pleinement le soin de son instruction. Une des raisons qui le portèrent à lui donner un maître de ce mérite et de cette réputation fut, disait-il, pour faire éviter à son fils bien des fautes où lui-même était tombé. Philippe connut tout le prix du trésor qu'il avait dans la personne d'Aristote; il lui établit de gros appointements, et lui paya un autre salaire de ses peines encore plus glorieux; car, ayant ruiné et détruit la ville de Stagire, qui était la patrie de ce philosophe, il la rebâtit pour l'amour de lui 3, y rétablit les habitants, qui s'en étaient retirés ou qui avaient été réduits en servitude, et leur donna pour le lieu de leurs études et de leurs assemblées un beau parc au faubourg de Stagire. On y voyait encore du temps de Plutarque des siéges de pierre qu'Aristote y fit faire, et de grandes allées d'arbres pour se promener à l'ombre.

Alexandre, de son côté, ne marqua pas moins d'estime pour son maître, qu'il se croyait obligé d'aimer comme son propre père; car, disait-il, il était redevable à l'un de vivre, et à l'autre de vivre bien. Les progrès du disciple répondirent aux soins et à l'habileté du maître. Il conçut une grande ardeur pour la philosophie, et en embrassa toutes les parties, mais avec la discrétion 5 qui convenait à son rang. Aristote s'appliqua à lui former le jugement, en lui donnant des règles sûres pour discerner un raisonnement juste et exact d'un autre qui n'en aurait que l'apparence, et en l'accoutumant à séparer tout ce qui peut éblouir dans un discours, du fond réel et solide qui en

1 Plut. in Apophth. pag. 178.
2 Ville de Macédoine, près du bord de

la mer.

3 Il paraît que Philippe mourut avant d'avoir exécute la promesse qu'il avait faite à Aristote de rétablir sa patrie. On pense que ce fut Alexandre qui ac

quitta, dans la suite, cette promessc.
Examen critique,
(SAINTE- CROIX,
p. 196, 197.)-L.

4 Ως δι' ἐκεῖνον μὲν ζῶν, διὰ τοῦ τον δὲ καλῶς ζῶν.

5 Retinuit ex sapientia modum. »> (TAC. [Agricolæ vita, § 4].)

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