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trois cents lieues; et autant tout au moins pour les autres détours en différents endroits: il se trouvera qu'Alexandre, dans l'espace de moins de huit ans, aura fait avec son armée plus de dixsept cents lieues, sans parler de son retour à Babylone.

§ III. Alexandre part de Macédoine pour son expédition contre les Perses. Arrivé à Ilion, il rend de grands honneurs au tombeau d'Achille. Il livre une première bataille aux Perses au Granique, et remporte une célèbre victoire.

I

Quand Alexandre fut arrivé dans son royaume 1 il tint conseil avec les principaux officiers de l'armée et les grands de sa cour, sur l'expédition qu'il méditait contre la Perse, et sur les mesures qu'il fallait prendre pour la faire réussir. Les avis ne furent partagés que sur un article. Antipater et Parménion croyaient que le roi, avant que de s'engager dans une entreprise qui ne pouvait manquer d'être de longue haleine devait choisir une épouse et s'assurer un successeur. Mais, vif et bouillant comme il était, il ne put goûter cet avis; et il crut qu'après avoir été nommé généralissime des Grecs, et avoir reçu de son père des troupes invincibles, il lui serait honteux de perdre le temps à célébrer des noces et à en attendre le fruit. Le départ fut donc résolu.

Il offrit aux dieux de magnifiques sacrifices, et fit célébrer à Die, ville de Macédoine, des jeux scéniques2, établis par l'un de ses ancêtres en l'honneur de Jupiter et des Muses. La fête dura neuf jours, selon le nombre de ces déesses. 11 dressa pour le festin une tente qui contenait cent tables, et où, par conséquent il pouvait y avoir neuf cents couverts. Tous les princes de sa famille, tous les ambassadeurs, tous les généraux, tous les officiers y furent invités 3. Il régala aussi toute l'armée. Ce fut pour lors qu'il eut une célèbre vision dont il sera parlé dans la suite, dans laquelle on l'exhortait à passer promptement en Asie.

Avant que de partir pour cette expédition il mit ordre aux affaires de la Macédoine, où il laissa Antipater pour gouverner

AN. M. 3670. Av. J. C. 334. Diod. 1. 17, p. 499-503. Arrian. 1. 1, pag. 2336. Plut. in Alex. p. 672-673. Justin. 1. 11, cap. 5 et 6.

2 On appelait ainsi les représentations de théâtre.

3 Joseph. Antiquit. 1. 11. [c. 8, 5.]

en qualité de vice-roi, avec douze mille hommes de pied et presque autant de cavalerie.

Il voulut aussi examiner les affaires domestiques de ses amis, et donna à l'un une terre, à l'autre un village; à celui-ci le revenu d'un bourg, à celui-là les droits d'un port. Et comme tous les revenus de son domaine étaient déjà employés et consumés par ces largesses, Perdiccas lui demanda': Seigneur, que réservez-vous pour vous? Et Alexandre ayant répondu, L'espérance; Eh bien, lui repartit Perdiccas, la même espérance doit donc nous suffire, et il refusa généreusement le don que le roi lui avait assigné.

C'est une connaissance bien importante à un prince que celle du cœur de l'homme, et le secret de s'en rendre maître. Or Alexandre savait que ce secret consiste à intéresser tout le monde à sa grandeur, et à ne faire sentir aux autres sa puissance que par des bienfaits. Alors tous les intérêts sont réunis dans celui du prince. C'est son bien propre, c'est son bonheur qu'on aime en lui; et on lui est autant de fois attaché, et par des liens aussi étroits qu'il y a de choses qu'on aime et qu'on reçoit de lui. Toute la suite de cette histoire nous montrera que jamais personne ne pratiqua mieux cette maxime qu'Alexandre, qui croyait n'être roi que pour faire du bien, et dont la libéralité vraiment royale n'était ni satisfaite ni épuisée par les plus grandes largesses.

Alexandre, après avoir tout réglé dans la Macédoine, et avoir pris les précautions nécessaires pour prévenir les toubles et les mouvements qui pourraient s'y élever en son absence, partit pour l'Asie au commencement du printemps. Son armée n'était guère que de trente mille hommes de pied et de quatre ou cinq mille chevaux; mais c'étaient tous hommes braves, aguerris, disciplinés, qui avaient fait plusieurs campagnes sous Philippe, et qui, dans le besoin, auraient pu commander'. La plupart des officiers n'avaient guère moins de soixante ans2; et quand ils étaient assemblés ou rangés à la tête du camp on croyait

<< Ut non tam milites quam magistros militiæ electos putares. » (JUST.)

2 M. de Sainte-Croix prouve que ceci

manque d'exactitude: parmi les officiers
d'Alexandre il s'en trouvait beaucoup
de jeunes.
- L.

voir un sénat respectable. Parménion commandait l'infanterie?; Philotas, son fils, avait sous lui dix-huit cents chevaux de Macédoine 3, et Callas, fils d'Harpalus, autant de chevaux de Thessalie. Le reste de la cavalerie, tiré de différents peuples de la Grèce, et qui montait à six cents, avait un commandant particulier. Les Thraces et les Péoniens, qui prenaient toujours les devants, avaient pour chef Cassandre 4. Alexandre prit sa marche le long du lac de Cercine vers Amphipolis, passa le Strymon vers son embouchure, puis l'Hèbre, et arriva enfin à Seste après vingt jours de marche. Il ordonna à Parménion de passer sa cavalerie et une partie de son infanterie de Seste à Abyde; ce qu'il fit avec cent soixante galères et plusieurs vaisseaux ronds. Pour lui, il passa d'Éléonte au port des Achéens, conduisant luimême sa galère, et quand il fut au milieu de l'Hellespont, il sacrifia un taureau à Neptune et aux Néréides, et fit des effusions dans la mer avec une coupe d'or. On dit aussi qu'après avoir lancé un javelot sur la terre, comme pour en prendre possession, il descendit le premier en Asie, et que, sautant tout armé et plein de joie hors du navire, il dressa des autels sur le rivage à Jupiter, à Minerve, à Hercule, qui lui avaient procuré une descente si favorable. Il avait fait la même chose en quittant l'Europe.

Il comptait si fort sur l'heureux succès de ses armes et sur les riches dépouilles qu'il trouverait en Asie, qu'il n'avait fait presque aucun fonds pour une si grande expédition, persuadé que la guerre, quand on la fait heureusement, fournit aux besoins de la guerre. Sa caisse militaire n'était que de soixante et dix talents 5, et il n'avait de vivres que pour un mois. En sortant de Macédoine il avait distribué, comme je l'ai dit, tout son patrimoine à ses généraux et à ses officiers; et, ce qui est bien plus important, il leur avait inspiré à tous un tel courage et une telle confiance, qu'ils croyaient marcher, non à une guerre douteuse, mais à une victoire assurée.

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Quand il fut près de Lampsaque, qu'il avait résolu de ruiner pour punir la rébellion de ses habitants, il vit venir à lui Anaximène, qui était de cette ville, célèbre historien, fort connu de Philippe, son père, et pour qui lui-même il avait beaucoup de considération, l'ayant eu pour maître. Se doutant pourquoi il le venait trouver, il le prévint, et lui jura en termes formels qu'il ne lui accorderait point sa demande : Ce que j'ai à vous demander, seigneur, lui dit Anaximène, c'est qu'il vous plaise de détruire Lampsaque. Par cet ingénieux détour il sauva sa patrie.

De là Alexandre arriva à Ilion. Il y rendit de grands honneurs à la mémoire d'Achille, et fit célébrer des jeux autour de son tombeau. Il admira et envia le double bonheur qu'il avait eu de trouver pendant sa vie un ami fidèle dans la personne de Patrocle, et après sa mort un digne héraut de son courage dans Homère. En effet, sans l'admirable poëme de l'Iliade le corps et le nom d'Achille eussent été enfermés dans le même tombeau.

Enfin Alexandre arrive sur les bords du Granique, rivière de Phrygie. Les satrapes l'attendaient de l'autre côté, résolus de lui en disputer le passage. Leur armée était de cent mille hommes de pied 3, et de plus de dix mille chevaux. Memnon, qui était de Rhodes, et qui commandait sur toute la côte de l'Asie pour • Darius, avait conseillé aux généraux de ne point risquer un combat, mais de ruiner le plat pays, sans excepter les villes, à dessein d'affamer l'armée d'Alexandre et de la contraindre à retourner sur ses pas. Memnon était le plus habile des généraux de Darius, et le plus sûr instrument de ses victoires. On ne sait ce qu'on devait le plus estimer en lui, ou sa profonde sagesse dans les conseils, ou son courage et sa capacité dans la conduite des armées, ou son attachement et son zèle pour les intérêts de son maître. Le conseil qu'il donnait dans la conjonc

1 Val, Max. 1. 7, c, 3.

2 « Quum in Sigæo ad Achillis tumulum constitisset, O fortunate, inquit, adolescens, qui tuæ virtutis Homerum præconem inveneris ! Et vere. Nam, nisi Ilias illa exstitisset, idem tumulus, qui corpus ejus contexerat, etiam nomen obruisset. (CIC, pro Arch. n. 24.)

3 Justin donne à cette armée six cent mille hommes de pied, et Arrien ne lui en donne que vingt mille. L'un et l'autre est sans vraisemblance, et il y a sans doute quelque faute dans le texte.. Je m'en suis tenu au sentiment de Diodore.

ture présente était excellent par rapport à un ennemi vif et impétueux, qui était sans villes, sans magasins, sans retraite ; qui entrait dans un pays inconnu et ennemi; que les retardements seuls pouvaient affaiblir et ruiner, et qui n'avait de ressource et d'espérance que dans le prompt succès d'une bataille. Arsite, satrape de Phrygie, s'y opposa, et protesta qu'il ne souffrirait pas qu'on désolât ainsi les terres de son gouvernement. Le mauvais avis du satrape prévalut sur le sage conseil de l'étranger, que les Perses, à leur grand dommage, soupçonnèrent de vouloir tirer la guerre en longueur et se rendre par là nécessaire.

Alexandre cependant marchait avec son infanterie pesamment armée, rangée sur deux lignes, et la cavalerie sur les ailes : le bagage venait à la queue des troupes. Quand il fut arrivé au bord du Granique, Parménion lui conseillait de camper dans cet endroit en ordre de bataille pour laisser aux troupes le temps de se reposer; et d'attendre au lendemain à passer la rivière, de grand matin, et même avant le jour, parce qu'alors les ennemis seraient moins en état de l'en empêcher. Il ajoutait qu'il était dangereux de hasarder le passage d'une rivière à la vue de l'ennemi, d'autant plus que celle-ci était profonde et les bords escarpés, de sorte qu'il serait aisé à la cavalerie persane, qui les attendait de l'autre côté en bataille, de les défaire avant qu'ils fussent formés : qu'outre la perte qu'on y ferait, cette entreprise, si elle réussissait mal, serait d'une dangereuse conséquence pour l'avenir, parce que la réputation des armes dépend des commencements.

Ces raisons ne firent point d'impression sur l'esprit d'Alexandre. Il répondit qu'il rougirait de honte si, après avoir passé J'Hellespont, il s'arrêtait devant un ruisseau, car c'est ainsi que par mépris il appelait le Granique; qu'il fallait profiter de la terreur qu'avaient répandue parmi les Perses la promptitude de son arrivée et la hardiesse de son dessein, et répondre dignement à l'idée qu'on avait conçue de son courage et de la valeur des Macédoniens. La cavalerie ennemie, qui était fort nombreuse, bordait tout le rivage, et faisait un grand front pour occuper le passage dans toute sa longueur. L'infanterie, com

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