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court visiblement à sa perte. Mais les satrapes, accoutumés à le flatter et à lui applaudir en tout, le félicitaient par avance sur la victoire qu'il allait remporter comme si elle eût été assurée et immanquable. Il avait dans ses troupes un Athénien, nommé Charidème, homme fort habile dans le métier de la guerre, et qui haïssait personnellement Alexandre, parce que c'était lui qui l'avait fait chasser d'Athènes. Darius, se tournant de son côté, et lui adressant la parole, lui demanda s'il le trouvait assez puissant pour passer sur le ventre à son ennemi. Charidème, nourri et élevé dans le sein de la liberté, et oubliant qu'il était dans un pays de servitude, où il était dangereux de heurter l'inclination des princes, lui répondit en ces termes : Peut-être, seigneur, que vous ne serez pas bien aise que je « vous dise la vérité; mais si je ne le fais maintenant il n'en « sera plus temps une autre fois. Ce superbe appareil de guerre, «ce prodigieux nombre d'hommes qui a épuisé tout l'Orient, pourrait être formidable à vos voisins. L'or et la pourpre y « brillent de toutes parts; et tout y est si plein de pompe et de ‹ magnificence, qu'à moins que de l'avoir vu on ne saurait se l'imaginer. Mais l'armée des Macédoniens, affreuse à voir, et « toute hérissée d'armes, ne s'amuse point à cette vaine parade. Elle n'a soin que de bien former ses bataillons, et de se bien "couvrir de ses boucliers et de ses piques. Leur phalange est « un corps d'infanterie qui combat de pied ferme et se tient si « serré dans ses rangs, que les hommes et les armes font comme « une haie impénétrable. Au reste, ils sont tous, les soldats «< comme les officiers, si bien dressés et si attentifs aux commandements de leurs chefs, que, soit qu'il faille se ranger " sous ses drapeaux, ou tourner à droite et à gauche, ou doubler ses rangs, et faire front à l'ennemi de tous côtés, on les

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« voit, au moindre signal, faire tous les mouvements et toutes

les évolutions de l'art militaire. Et afin que

"pas que ce soit l'or ou l'argent qui les mène 1

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vous ne croyiez

cette discipline

jusqu'ici n'a subsisté qu'à l'aide et par les leçons de la pau

« vreté. Ont-ils faim, toute nourriture leur est bonne. Sont-ils

Et ne auri argentique studio teneri putes, adhuc illa disciplina paupertate magistra stetit. » (Q. CURT.)

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fatigués, ils couchent sur la terre, et jamais le jour ne les « trouve que debout. Pensez-vous que la cavalerie thessalienne « et celle des Arcarnaniens et des Étoliens, peuples invincibles, armés de toutes pièces, soient gens à être repoussés à <coups de fronde et avec des bâtons brûlés par le bout? Il << faut des forces pareilles aux leurs pour les arrêter; et c'est << dans leur pays qu'il faut chercher du secours contre eux. Faites-y passer tout cet or et cet argent inutiles que je vois ici, <et achetez en de bonnes troupes. » Darius était par lui-même d'un caractère doux et traitable '. Mais quel naturel la fortune ne corrompt-elle point? Il y a peu de rois assez fermes et assez courageux pour résister à leur propre puissance, pour rejeter la flatterie de tant de gens qui excitent toutes leurs passions, et pour faire cas d'un homme qui les aime assez pour les contredire et leur déplaire en leur représentant la vérité. Darius, ne pouvant la souffrir, fait traîner au supplice un homme qui s'était mis sous sa protection, qui était devenu son hôte, et qui lui donnait alors le meilleur conseil qu'il eût pu prendre. Charidème, ne rabattant rien pour cela de sa liberté accoutumée, s'écria : « J'ai un vengeur tout prêt dans la personne de celui-là même «< contre qui je vous ai donné conseil, qui vous punira bientôt «< du mépris que vous en faites. Pour vous 2, en qui la puis«< sance souveraine a fait un si prompt changement, vous ap<< prendrez à la postérité que quand les hommes s'abandon«nent une fois à la fortune elle étouffé en eux toutes les bon<<nes semences de la nature. » Darius se repentit bientôt d'avoir fait mourir un tel homme, et reconnut, mais trop tard, la vérité de tout ce qu'il lui avait dit.

Le roi fit avancer ses troupes vers l'Euphrate. C'était une ancienne coutume des Perses, de ne faire marcher leur armée qu'après que le soleil était levé; et alors on donnait, de la tente du roi, le signal avec la trompette. Au-dessus de cette tente on exposait à la vue de tout le monde l'image du soleil enchâssée dans du cristal. Voici en quel ordre ils marchaient.

«Erat Dario mite ac tractabile ingenium, nisi etiam suam naturam plerumque fortuna corrumperet. » (Q. CURT,) Suam me paraît suspect.

2 « Tu quidem, licentia regni subito mutatus, documentum eris posteris, homines, quum se permisere fortune etiam naturam dediscere.» (Q. CURT)

alea

Premièrement on portait des autels d'argent sur lesquels il y avait du feu qu'ils appelaient éternet et sacré; et les mages suivaient, chantant des hymnes à la façon du pays. Ils étaient accompagnés de trois cent soixante-cinq jeunes garçons, selon le nombre des jours de l'année, vêtus de robes de pourpre. et Après venait un char consacré à Jupiter', traîné par des chevaux blancs, et suivi d'un coursier d'une grandeur extraordinaire qu'ils appelaient le cheval du soleil ; et les écuyers étaient habillés de blanc, avec une baguette d'or à la main.

Dix chariots ornés de gravures d'or et d'argent suivaient; puis marchait un corps de cavalerie, tiré de douze nations différentes d'armes et de mœurs; ensuite ceux que les Perses appellent immortels, au nombre de dix mille, passant en somptuosité tout le reste des barbares. Ils avaient des colliers d'or, des robes de drap d'or frisé, avec des casaques à manches ornées de pierreries.

A trente pas de là suivaient ceux qu'ils appelaient les cousins ou parents du roi 2, jusqu'au nombre de quinze mille, parés à peu près comme des femmes, et plus remarquables par le luxe des habits que par l'éclat des armes.

Ceux qu'ils appelaient les doryphores 3 venaient après; ils portaient le manteau du roi, et marchaient devant son char, dans lequel il paraissait assis comme sur un trône élevé. Ce char était enrichi, des deux côtés, d'images de dieux d'or et d'argent; et du milieu du joug, qui était tout semé de pierreries, s'élevaient deux statues de la hauteur d'une coudée, dont l'une représentait la Guerre, et l'autre la Paix 4, avec un aigle d'or entre deux, qui déployait les ailes comme pour prendre son

vol.

Mais rien n'égalait la magnificence du roi. Il était vêtu d'une casaque de pourpre rayée d'argent; et par-dessus il avait une

Jupiter était un dieu inconnu aux Perses. Quinte-Curce appelle ainsi apparemment le premier et le plus grand de leurs dieux.

2 C'était un titre de dignité; il pouvait s'y trouver un grand nombre des parents du roi. Ces parents du roi (Βασιλέως συγγενεῖς ) se retrouvent

plus tard à la cour des Ptolémées. C'était un titre honorifique qui accompagnait certaines grandes fonctions. L. 3 C'étaient des gardes, qui portaient des demi-piques.

4 D'autres éditions de Quinte-Curce portent Ninus et Bélus.

longue robe, toute brillante d'or et de pierreries, ou deux éperviers semblaient fondre des nues et s'entre-becqueter. Il portait une ceinture d'or à la façon des femmes, d'où pendait son cimeterre, qui avait un fourreau tout couvert de pierres précieuses. Il avait sur la tête une tiare, ceinte d'un bandeau de couleur bleue mêlée de blanc.

A ses côtés marchaient deux cents de ses plus proches parents; et dix mille piquiers le suivaient, ayant leurs piques enrichies d'argent, avec la pointe garnie d'or; et enfin trente mille hommes de pied, qui faisaient l'arrière-garde. Ils étaient suivis des chevaux du roi, au nombre de quatre cents, qu'on menait à la main.

A cent ou six-vingts pas de là venaient Sysigambis, mère de Darius, sur un char, et sa femme sur un autre, et toutes les femmes des deux reines suivaient à cheval. Il y avait ensuite quinze grands chariots où étaient les enfants du roi et ceux qui avaient soin de leur éducation, avec une troupe d'eunuques, qui ne sont pas en petite considération parmi ces peuples. Puis marchaient les concubines, jusqu'au nombre de trois cent soixante, en équipage de reines, suivies de six cents mulets et de trois cents chameaux, qui portaient l'argent du roi et qui étaient escortés d'une nombreuse garde d'archers.

Après venaient les femmes des officiers de la couronne et des plus grands seigneurs de la cour; puis les vivandiers et les valets d'armée, montés aussi sur des chariots.

A la queue étaient quelques compagnies armées à la légère, avec leurs chefs, qui fermaient toute la marche.

Ne croirait-on pas que c'est ici une description de tournoi, et non d'une marche d'armée ? Conçoit-on que des princes sensés aient été capables d'une telle folie, de mener avec leurs troupes un attirail si incommode de femmes, de princesses, de concu bines, d'eunuques, de serviteurs et de servantes? La coutume du pays l'exigeait, c'en était assez. Darius à la tête de six cent mille hommes et au milieu de ce superbe appareil, qui était pour lui seul, sejugeait grand, et enflait par toute cette vaine pompe exté

1 Cidaris.

rieure l'idée qu'il avait de lui-même. Réduit à sa juste mesure

et à son mérite personnel, qu'il était petit! Il n'est pas le seul

qui ait pensé de la sorte, et de qui l'on puisse porter le même ju

gement. Mais il est temps de mettre aux mains les deux rois. $ V. Célèbre victoire remportée par Alexandre sur Darius, près de la ville d'Issus. Suite de cette victoire.

Pour bien entendre ici la marche d'Alexandre et celle de Dårius', et pour mieux fixer la situation du lieu où se donna la seconde bataille, il est nécessaire de distinguer trois défilés ou trois passages, que j'appellerai quelquefois du nom de pas. Le premier défilé se rencontre d'abord en descendant du mont Taurus pour aller à la ville de Tarse, par lequel nous avons vu qu'Alexandre passa de Cappadoce en Cilicie. Le second est le pas de Cilicie ou de Syrie, par lequel on entre de la Cilicie dans la Syrie. Le troisième est le pas Amanique, ainsi appelé du mont Amanus. Ce défilé, par lequel on entre de l'Assyrie dans la Cilicie, est au-dessus du pas de Syrie, vers le septentrion.

Alexandre avait envoyé Parménion avec une partie de l'armée se saisir du pas de Syrie, afin d'avoir un débouché sûr pour ses troupes. Pour lui, étant parti de Tarse, il arriva le lendemain à Anchiale, qu'on dit avoir été bâtie par Sardanapale. Son tombeau s'y voyait encore, avec cette inscription: SARDANAPALÉ A BATI ANCHIALE ET TARSE EN UN JOUR. VA, PASSANT BOIS, MANGE, ET TE RÉJOUIS, CAR LE RESTE N'EST RIEN. De là il vint à Soles, où il offrit des sacrifices à Esculape en reconnaissance du rétablissement de sa santé, et conduisit la cérémonie, les cierges allumés, suivi de toute l'armée, et y fit célébrer des jeux. Il retourna à Tarse. Après avoir chargé Philotas de mener la cavalerie par la plaine d'Aléie, vers le fleuve Pyrame, il alla avec son infanterie et sa compagnie des gardes à cheval à Magarse, et de là gagna Malle, puis Castabale. Il avait appris que Darius, avec toute son armée, était campé à Soques, lieu de l'Assyrie à deux journées de la Cilicie. Il tint conseil de guerre sur la nouvelle qu'il avait reçue. Tous les généraux et les officiers le

AN, M. 3671. Av. J. C. 333. Diod. 1. 17, p. 512-518. Arrian. 1. 2, p. 66-82. Plut. in Alex. p. 675, 676, Q. Curt. 1. 3, cap. 4-12, Justin. 1. 11, cap. 9 et 10.

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